Un an après l’exposition de la maison de l’architecture, Exposé·e·s : les architectes femmes oubliées — Maison de l’Architecture Occitanie — Pyrénées, reprenons le dossier des femmes architectes à Toulouse.
La première femme architecte dont nous ayons la mention à Toulouse est Marguerite Moinault. Architecte des PTT, elle dresse les plans à partir de mars 1943 du centre d’amplification des lignes à grande distance. Elle les signe en conservant les nom et prénom de son mari (« Mme André Moinault ») qui exerce la même profession, ce qui en complique l’attribution. Elle est l’une des premières femmes en France à avoir obtenu un diplôme d’architecte. Son père, Georges Bowé, est également
maître d’œuvre, ses enfants, Jacques et Jean-Pierre,le seront aussi. À Paris, Marguerite Moinault réalise notamment en 1965 le bâtiment au 31-35 rue Pastourelle (aujourd’hui protégé au titre des Monuments Historiques), au cœur d’un îlot emblématique de l’architecture des télé communications.
Femme architecte ou femme d’architecte ? Il est souvent difficile de séparer leurs travaux de ceux de leurs époux. Marie-Louise Cordier est l’une des dix femmes exerçant après-guerre en France. Elle participe à la construction de la cité de Jolimont à partir de 1954 avec son mari, architecte également, ainsi qu’à plusieurs réalisations liées au mouvement coopératif des Castors, comme celles de la cité de Bagatelle. D’après l’ouvrage Toulouse, 1945-1975, au sein de l’agence, elle s’occupait plutôt de la conception, le chantier et les affaires étant plutôt du domaine de René Cordier1. Elle fait ainsi partie du « phénomène des agences de couples d’architecte » qui invisibilisa le travail des femmes architectes autant qu’il leur permit d’exercer ce métier. C’est le cas de Denise Scott-Brown, mariée à Robert Venturi, architectes de l’Hôtel du département. Devenue officiellement son associée en 1989, alors que cela faisait une vingtaine d’années qu’ils travaillaient ensemble, il obtient en son seul nom le prix Pritzker, équivalent du prix Nobel en architecture. Ils signent pourtant ensemble une importante œuvre construite et théorique, Learning from Las Vegas (avec Steven Izenour) paru en 1968, est considéré comme un manifeste de l’architecture postmoderne.
Nicole Roux-Loupiac et Philippe Loupiac forment un autre couple d’architectes au sein de l’Atelier 13, leur agence fondée à Paris en 1973. Auteure avec son mari de bâtiments emblématiques de la 2e moitié du 20e siècle à Toulouse (on peut citer le théâtre Garonne ou encore le centre de congrès Pierre-Baudis), son œuvre administrative est également considérable. Elle a occupé en effet les charges d’architecte-conseil auprès de plusieurs départements (1984-1997) et du ministère de la Culture (2003-2012), de présidente de l’ordre des architectes de Midi-Pyrénées (1994-1996), une première pour une femme, ou encore de directrice de l’école nationale supérieure de Toulouse (2010-2013).
Majoritaires au sein des écoles d’architecture, les femmes commencent (un peu) à sortir de l’ombre. Véronique Joffre, à la tête de son agence, a réalisé de nombreux édifices à Toulouse et dans la région, par exemple le groupe scolaire de la Cartoucherie, où elle réinterprète la brique toulousaine comme autant de briques de Lego multicolores. Citons encore l’agence oeco architectes composée de trois associées, qui ont réhabilité les halles de la Cartoucherie. Espérons que le prix Pritzker, attribué en 2020 à Yvonne Farrell et Shelley McNamara, cofondatrice de l’agence irlandaise Graftons Architect et auteures des plans de la Toulouse School of economy, associées aux architectes toulousains Vigneu & Zilio, bâtiment lauréat de l’équerre d’argent 2020, change la donne.
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1. Jean-Loup Marfaing dir. Toulouse 45-75, la ville mise à jour. CAUE Haute-Garonne. Nouvelles éditions Loubatières, 2009.p. 331