Arcanes, la lettre

Dans ma rue


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archive ou de ressources en ligne. Retrouvez ici les articles de la rubrique "Dans ma rue", consacrée au patrimoine urbain toulousain.

DANS MA RUE


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Montrabé. (H-G) – La Mairie (à gauche). Années 1930. Carte postale colorisée. Ed. Lussan. Collection particulière © Droits réservés.

Abracadabra


septembre 2024

Par un tour de passe-passe dont seuls les informaticiens ont le secret, les communes de Montrabé et de Flourens sont désormais visibles sur UrbanHist+. À travers les données issues des diagnostics patrimoniaux, vous pourrez découvrir à Montrabé d’anciennes métairies dont l’origine peut remonter à l’époque moderne : Le Rivalet ou encore Marignac ; les vestiges d’un moulin à vent, ou encore une église de 1976 au clocher-mur résolument contemporain. L’éphémère ligne de chemin de fer électrique reliant Toulouse à Castres, en service de 1930 à 1938, rappelle aussi que les alternatives au tout routier n’ont pas fait long feu. 
Flourens, comme Montrabé, voit son urbanisation décoller au début des années 1970. Les premiers lotissements se concentrent autour de son lac artificiel, aménagé en 1966-1967 pour servir de base de loisirs. Mais Flourens est avant tout une terre agricole, et ce dès la fin de la période médiévale. Des livres-terriers du 17e siècle montrent les deux consulats de Flourens et de Péchauriolle assez densément peuplés, émaillées de grandes métairies appartenant au couvent des Chartreux ou au collège de Maguelonne, à des parlementaires comme le domaine du Chêne Vert, ou à des marchands toulousains, comme la ferme Bourguignon.
Et la magie continue : Cugnaux, Pibrac, Mondonville et Fonbeauzard sont nos prochains terrains d’étude, pour une mise en ligne en 2025 ! Et toujours en partenariat avec la Région Occitanie.

 

Monument au Sport et à Mayssonnié. Vue de face. Phot. Christian Soula (c) Inventaire général Région Occitanie, 1993, IVR73_93310218XA

Nulle part ailleurs


juillet-août 2024

Avant d’être l’instrument d’une discipline olympique, l’arc était utilisé comme arme de guerre et de chasse. C’est d’ailleurs grâce à ses flèches qu’Héraclès vient à bout des oiseaux du lac Stymphale, l’un de ses douze travaux. Antoine Bourdelle représente le corps musculeux du héros, tout en tension dans un déséquilibre savant, dans son Héraklès archer créé en 1909. Le succès de cette œuvre est très vite phénoménal et de nombreuses versions en bronze sont éditées : on peut la voir au musée d’Orsay, dans le jardin de Waldemarsudde à Stockholm, au Metropolitan Museum of Art de New York et dans bien d’autres endroits encore. Mais nulle part ailleurs qu’à Toulouse vous ne verrez l’Héraklès archer associé à un moment aux morts.  

Le long du canal de Brienne, au débouché du boulevard Lascrosses s’élève un petit temple antique en béton au centre duquel le héros grec représente l’hommage rendu au Sport et aux sportifs morts à la guerre de 1914-1918. La commémoration s’incarne dans la figure d’Alfred Mayssonié, « athlète le plus représentatif du rugby d’avant-guerre » […] « tué d’une balle au cœur à la bataille de la Marne, le 8 septembre 1914 ». Le médaillon du demi-d’ouverture du Stade Toulousain est également conçu par Bourdelle, tout comme l’architecture du monument à laquelle le sculpteur accordait une grande importance. Voici ce qu’il écrit le 17 juillet 1923 : « Je terminais mon premier monument d’architecture où la sculpture est mon souci de second plan ».  

Selon Pindare, c’est Héraclès qui aurait fondé les Jeux Olympiques ; à l’aube de la XXXIIIe olympiade, courez voir l’Héraklès archer à Toulouse, à Montauban, au musée-jardin Bourdelle d’Egreville ou à Prague !  
Lucie et Henriette Marquès et le commandant Dabry devant l'entrée du Grand Hôtel en 1949 au moment de la sortie du film « Au grand Balcon ». Jean Dieuzaide - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 84Fi8/32.

Vol de nuit


juin 2024
Quoi de plus évident que ce titre du roman de l'aviateur et écrivain Antoine de Saint-Exupéry pour rappeler ce lieu emblématique de la ville de Toulouse ? En effet,  l'hôtel du Grand Balcon, situé entre la rue Romiguières et la rue des lois, avec vue sur la place du Capitole est intimement lié aux noms des pilotes et mécaniciens de l'Aéropostale qui, durant une vingtaine d'années (1919-1939), ont logé entre ses murs lors de leurs séjours à Toulouse. Cet immeuble, bâti dans les années 1850, est le dernier aménagement qui parachève la place du Capitole dont la construction a démarré 100 ans plus tôt par l'érection de la nouvelle façade de l'hôtel de ville. 
Hôtel du Grand Balcon. Carte postale ancienne, vers 1920. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi7086.Il semble avoir abrité dès l'origine un hôtel comme le signale les annuaires de la Haute-Garonne dès 1856. Au tournant du 20e siècle, c'est la famille Marquès qui est à la tête de cet établissement. Les demoiselles Lucie et Henriette, gérantes après le décès de leur parent, sont même évoquées dans le film retraçant l'épopée de l'Aéropostale "Au grand balcon" tourné en 1949.

Dans les années 1920, l'hôtel est rénové et un ascenseur est installé au centre de la cage d'escalier. Une carte postale de cette époque, montre que ses façades sont enduites de blanc, comme celles des autres immeubles de la place du Capitole. Le rez-de-chaussée est occupé par une épicerie, l'entresol accueille le restaurant de l'hôtel et les chambres se répartissent sur les étages.

Protégé au titre des monuments historiques en 1999, l'immeuble a été entièrement rénové et modernisé entre 2003 et 2008. La chambre n° 32 dite d'Antoine de Saint-Exupéry a été remeublée dans le style des années 1930 gardant ainsi le souvenir du grand homme disparu en mer avec son avion, lors d'une mission, le 31 juillet 1944.
Projet pour Toulouse-Le Mirail de Candilis. 1961. Maquette n° 32. Concours ZUP le Mirail Toulouse. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 2OBJ90.

Une oie deux oies trois oies quatre oies cinq oies six oies c’est toi


mai 2024
Non, ce n’est pas en jouant à plouf plouf que sont choisis les architectes chargés de réaliser les grands équipements publics. Dernièrement, c’est à l’issue d’un concours international d’architecture qu’ont été désignés les maîtres d’œuvre de la future halle des mobilités de Marengo dans le cadre du projet d’aménagement urbain Grand Matabiau quais d’Oc.
Les premières traces concrètes du concours d’architecture apparaissent à Florence au 14e siècle pour la construction de la Loge des Priori en 1355. Au 17e siècle, le concours pour le palais du Louvre organisé par Colbert en 1664 est considéré comme le premier de ce genre en France. Depuis lors, cette procédure apparaît comme le meilleur moyen pour comparer les projets, le plus démocratique aussi, et le lieu de toutes les expérimentations possibles.
La pratique explose au 19e siècle et avec elle l’apparition d’une réglementation spécifique. À Toulouse, l’un des premiers concours de la période contemporaine concerne la création d’un réseau de distribution d’eau potable : en 1817, la municipalité met au concours l’alimentation en eau de la ville ; suivent ensuite des concours pour l’édification de fontaines (place de la Trinité en 1824), pour la construction de l’hôtel de la Bourse (1835), pour l’achèvement du Capitole (1840), pour l’édification d’un nouveau théâtre (1844), pour des églises (celui de l’église Saint-Aubin en 1843), pour les marchés (1889), etc.
Si les projets soumis à concours sont légion au 19e siècle, cela ne semble plus être le cas dans l’entre-deux-guerres : l’architecte de la ville règne en maître sur toutes les réalisations de la municipalité socialiste de 1925 à 1935 (écoles, bibliothèque municipale, parc des sports). Seuls les monuments ou les décors liés aux nouveaux édifices suivent alors la procédure du concours, le plus souvent uniquement ouverts aux artistes toulousains.
En revanche, la seconde moitié du 20e siècle voit le retour de cette pratique favorisant « la saine émulation et l’exploitation du potentiel créatif de toute une génération d’artiste ». En 1961, un concours est ouvert pour l’aménagement de la ville nouvelle du Mirail ; en 1981, c’est celui pour la zone d’aménagement concertée de Compans ; au début des années 1990, l’équipe des nord-américains Robert Venturi, Denise Scott Brown et associés remporte le grand concours international pour la construction du nouvel hôtel du Département. On pourrait en citer de nombreux autres encore.
Mis à l’honneur par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, le concours « participe à la création, à la qualité et à l’innovation architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions dans leur milieu environnant » ; son histoire à Toulouse reste à faire.
« La fête des Jeux Floraux » de Jean-Paul Laurens. Phot. Stéphanie Renard, 2016 (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20163100454NUCA.

Histoire de poésie, une célébration de la « fin'amor »


avril 2024

En montant les marches en pierre de l’escalier monumental du Capitole, le visiteur est immédiatement confronté à l’histoire locale grâce à un décor monumental sur toiles marouflées. Il se décline en trois panneaux illustrant un évènement fondateur pour Toulouse en tant que cité des Arts : la création des Jeux Floraux, concours de poésie en langue occitane.

Ces panneaux peints par le maître toulousain, Jean-Paul Laurens (1838-1921), illustrent la première cérémonie qui se déroula il y a 700 ans, le 3 mai 1324. Arnaud Vidal, le vainqueur de cette première joute poétique, debout sur une estrade, déclame ses vers devant les 7 troubadours créateurs du concours. Des tribunes débordant de spectateurs ont été installées dans le verger des Augustines, dont le couvent se situait hors la ville comme le dévoile la présence des hauts murs de l’enceinte. Sur la première volée de marches, les deux panneaux latéraux, de format réduit, servent d'introduction à la peinture principale.« Le couronnement de Clémence Isaure » (détail) de Paul-Albert Laurens. Phot. Stéphanie Renard, 2016 (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20163100461NUCA

Suite à cette séance initiale, le consistoire du Gai Savoir est formé et décerne au vainqueur une violette d’or, promouvant ainsi l’art poétique des troubadours.

Au début du 16e siècle, la figure de Clémence Isaure symbolisant la « fin’amor » et la tradition courtoise, apparaît. Cette femme qui aurait légué sa fortune à la ville pour l’organisation des Jeux Floraux, devient la muse de cette cérémonie. Le peintre Paul-Albert Laurens rend hommage à cette représentation légendaire en peignant « le couronnement de Clémence Isaure » sur le plafond de l’escalier.

Devenue Académie des Jeux Floraux en 1694 par décision royale, elle célébrera cette année le 7e centenaire du couronnement du premier poète occitan et donnera lieu à une exposition à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine.

Fontaine de l’immeuble 16 rue Valade. Phot. Krispin, Laure, 2003 (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20033100121NUCA.

La grenouille et le lion


mars 2024
On aurait imaginé que la grenouille, animal des mares et des étangs par excellence, serait fortement représentée dans l’iconographie des fontaines, il n’en est rien. L’animal le plus fréquemment rencontré sur les fontaines toulousaines est le lion : par son museau il crache l’eau qui s’écoule dans les bassins. Dès l’Antiquité, les bouches de fontaines, les gargouilles ou les vases sont ornés de mufles de lion, animal de feu qui s’unit ainsi à l’eau. Cette tradition perdure jusqu’aux pompes à bras de la 1re moitié du 20e siècle que l’on voit dans la campagne toulousaine.

Il est vrai que la grenouille a un côté sombre, lié aux ténèbres, qui pourrait expliquer cette mise à l’écart. Son cousin le crapaud n’est-il pas le compagnon de la sorcière ?

Grenouille de la fontaine Clémence Isaure. Phot. Soula, Christian, 1981 (c) Inventaire général Occitanie.
Il faut attendre le 19e siècle pour voir se multiplier les animaux aquatiques dans l’iconographie des fontaines toulousaines, comme dans les mises en scènes des places Salengro ou Olivier :
 hérons, tortues, enfants poissons et enfants libellules s’ébattent dans des jeux d’eau. Des poissons sont mêmes ajoutés aux marmousets de la fontaine Saint-Étienne qui jusqu’alors urinaient dans l’eau à la manière du Mannenken Pis, heurtant le goût de ce siècle qui ne saurait voir.

Mais la grenouille associée à une fontaine apparaît à Toulouse avec l’œuvre de Léo Laporte-Blairsy où le pittoresque règne : Clémence Isaure, la muse des poètes toulousains, surmonte la fontaine ornée de poissons, de tortues et de grenouilles, reine d’un monde aquatique.

On retrouve la grenouille, en béton cette fois-ci, décorant la fontaine d’un immeuble rue Valade, se démarquant parmi les fontaines de la fin du 20e siècle qui préfèrent plutôt la figure traditionnelle du mufle de lion.
Salle des fêtes de Jules-Julien, négatif n&b, Jean Montariol, 1933. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 57Fi113.

Écoles et salles des fêtes


février 2024
Entre 1925 et 1935, sous l'impulsion du maire Étienne Billières, la ville de Toulouse met en place une politique volontariste d'embellissements et de constructions dont le moteur est la modernisation des infrastructures et des équipements communaux. Parallèlement à l'important programme des habitations à bon marché qu'elle subventionne, la municipalité engage la construction d'installations sociales, sanitaires, scolaires et culturelles.
Sont alors bâtis quinze groupes scolaires, six bains-douches, cinq fourneaux économiques, trente kiosques, une bourse du travail, un parc des sports et une bibliothèque municipale. L'ensemble de ces réalisations est pour la plupart signé de l'architecte de la ville, Jean Montariol.
Dans le cas de trois groupes scolaires, une salle des fêtes a également été aménagée permettant de développer les activités post-scolaires et d'offrir aux habitants des quartiers un lieu de rencontres et de réunions. Plan d'ensemble du groupe scolaire de Fontaine-Lestang, négatif n&b, Jean Montariol, 1931. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 57Fi103.
Traités comme des éléments de prestige, ces édifices, tout en présentant des caractéristiques communes, sont différents. A Jules-Julien et Ernest-Renan, bâtis respectivement en 1933 et 1935, les bâtiments isolés sont en retrait par rapport à la rue et précédés d’une esplanade plantée. La salle des fêtes s'ouvre sur une façade monumentale très classique, à trois travées centrales, accessibles en rez-de-chaussée par un grand escalier de quelques marches et soulignées à l'étage par un balcon. Les éléments de décors sont très présents : ferronnerie des portes et du balcon, frise en mosaïque à Jules-Julien et reliefs sculptés à Ernest-Renan. 
La salle des fêtes du groupe scolaire de Fontaine-Lestang, plus tardive (1940), diffère de par son implantation et son style architectural plus sobre. Élément de liaison entre les deux groupes scolaires, elle présente une façade toujours organisée symétriquement où le rythme vertical est accentué par la large casquette en béton protégeant l'entrée.
Ces édifices, restés des lieux de rencontre, accueillent aujourd'hui un théâtre à Jules-Julien, un centre culturel à Ernest-Renan et un gymnase à Fontaine-Lestang.
72 boulevard de Strasbourg, détail de la lucarne. Phot. Cadot, Fabien, 2014 (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie. IVC31555_20143100539NUCA.

Il n’y a qu’à traverser la rue pour trouver un Job


janvier 2024

En traversant le boulevard de Strasbourg, ce n’est pas un, ni deux, mais trois hôtels particuliers Job que vous trouverez, rappelant le souvenir de cette société si importante pour Toulouse du milieu du 19e siècle jusqu’aux années 2000.

Comme indiqué plus haut, dans les années 1830 Jean Bardou a l’idée de fabriquer et de commercialiser des petits carnets de feuilles prédécoupées destinées à rouler les cigarettes, remplaçant les grandes feuilles d’un papier épais et rugueux que l’on trouvait jusqu’alors. Il s’associe en 1838 à Zacharie Pauilhac : Bardou s’occupe de la fabrication des carnets à Perpignan, Pauilhac de l’expédition et de la vente depuis Toulouse dans le quartier des Chalets. 

Les descendants des deux familles poursuivent le développement de l’entreprise, la marque grandit et s’étend tout au long de la 2e moitié du 19e siècle. Déjà présente depuis 1866 dans cet îlot, la famille Pauilhac acquiert l’ancien hôtel et le gymnase du célèbre athlète Jules Léotard (72 boulevard de Strasbourg et 4 rue de la Concorde) en 1888. Entre la fin du 19e et le début du 20e siècle, de nombreuses transformations ont lieu. L’hôtel du n° 72, est réaménagé et étendu jusqu’à la rue Roquelaine pour abriter les appartements de Georges Pauilhac vers 1898. Ce dernier fait également construire la partie de l’hôtel en fond de cour, issue d’un Moyen Âge fantasmé et féerique pour accueillir ses collections d’armes peu de temps après. Un autre hôtel est édifié en 1910 au n° 76 pour Juliette Pauilhac et son époux Antoine-François Calvet. Mélangeant les styles et les époques, ces constructions sont l’œuvre de l’architecte toulousain Barthélémy Guitard. 72 boulevard de Strasbourg, détail du corps en fond de cour. Phot. Cadot, Fabien, 2014 (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie. IVC31555_20143100548NUCA.Malgré d’importantes transformations dans les années 1950-1960 pour accueillir le Centre Régional de Documentation Pédagogique de Toulouse, les magnifiques intérieurs Art nouveau de l’hôtel de Georges Pauilhac ont été préservés. Ces édifices abritaient à la fois l’habitation particulière des membres de la famille Pauilhac, qui avaient tous partie prenante dans la société Job, lieux célèbres de la vie mondaine toulousaine de l’entre-deux-guerres, mais aussi des bureaux, des magasins de vente et d’expédition, puis des ateliers, au 4 rue de la Concorde, aux 19 et 17 rue Claire-Pauilhac et au 2 rue Job. Antoine et Pierre Thuriès prennent la suite de Barthélémy Guitard en tant qu’architectes attitrés de la famille Pauilhac et réalisent l’usine Job des Sept-Deniers en 1931.

Après l’installation du CRDP dans l’hôtel de Georges Pauilhac, les autres propriétés Job du quartier des Chalets sont vendues. Elles ont été depuis transformées pour accueillir des appartements, mais conservent une grande partie des nombreux décors du début du 20e siècle. À Perpignan, l’hôtel particulier de Jules Pams, frappé lui aussi des armes de JOB (il avait épousé Jeanne Bardou-Job en 1888), chef d’œuvre de l’éclectisme fin de siècle et de l’Art nouveau, vient quant à lui d’être classé au titre des Monuments Historiques.

Château d'en Haut, gravure de François-Saturnin Meilhou daté de 1815, Collection privée, IVC31555_20233101328NUCA.

Il n'est jamais trop tôt pour aller à Cornebarrieu


décembre 2023
Après Lespinasse et Saint-Orens, le diagnostic patrimonial de Cornebarrieu vient de s'achever. Charmante commune aux airs de petit village de campagne, c'est à l'époque médiévale qu'est fondé le bourg. Du sommet de sa colline, le château d'en Haut domine Cornebarrieu inscrit dans une boucle de l'Aussonnelle. Bien que d'époque moderne (15e siècle – 18e siècle), il pourrait avoir été à l'origine une ancienne place forte médiévale avec son site naturellement fortifié. Château de Pontié, vue depuis l'allée d'accès. Phot. Playe, Amaury (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_ 20233101400NUCA
La commune n'est pas en reste avec quatre autres châteaux répartis sur le territoire : celui d'en Bas, de Pontié et d'Alliez, tous trois construit au 17e siècle, et celui de Laran, reconstruit au 19e siècle, à la place d'un château de la Renaissance, par le baron de Bellegarde, ancien maire de Toulouse au début du 19e siècle.
Mais Cornebarrieu ne regarde pas seulement vers le passé et se tourne vers l'avenir et la technologie. La présence d'Airbus et de l'usine Jean-Luc Lagardère, véritable cathédrale industrielle faite d'acier qui a servi à l'assemblage final du plus gros avion commercial du monde, l'A380, et aujourd'hui de son best-seller, l'A320 néo, inscrivent pleinement la commune dans le 21e siècle.
Alors, levez-vous tôt pour éviter les embouteillages et allez faire un tour à Cornebarrieu à la découverte de son patrimoine !
Élévation antérieure de la maison 21 rue Périssé. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20133101661NUCA.

En visite chez mère-grand


novembre 2023
Le petit chaperon rouge s’en allait rendre visite à sa grand-mère, lui porter une galette et un petit pot de beurre. Mère-grand, très âgée et malade, logeait désormais à la maison de retraite des Petites Sœurs des pauvres, le long de l’avenue Jean-Rieux. À peine se fut-elle éloignée de la maison de sa mère, au 21 rue Périssé, une jolie petite chaumière de style Art déco construite par Augustin Callebat en 1928, qu’elle rencontra compère loup.
Il lui demanda où elle allait. La pauvre enfant, qui ne savait pas qu'il est dangereux de s’arrêter écouter un loup, lui dit : « Je vais voir ma mère-grand, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma mère lui envoie ». « Demeure-t-elle bien loin ? lui demanda le loup » «  Oh ! oui, dit le petit chaperon rouge, c'est par-delà le parc du Caousou que vous voyez tout là-bas, en face de la villa des Rosiers ». « Hé bien, dit le loup, je veux aller la voir aussi ; j’y vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera. »
La petite fille s’en alla par le chemin le plus long, prenant le temps d’admirer l’ancien cinéma Le Pérignon et sa halle en pan de béton armé et l’école maternelle Jean-Chaubet dont les lignes et l’alternance brique/béton lui rappelèrent celles de la bibliothèque du patrimoine,  Arrivant par la cité jardin de la régie du gaz, elle fut frappée par l’agréable disposition de ses bâtiments, conçus pour les familles nombreuses des employés de la régie municipale par les architectes Fabien Castaing et Pierre Viatgé de 1949 à 1952. Après avoir jeté un coup d’œil à la villa Art nouveau du 120 avenue Jean-Rieux, le petit chaperon rouge se prépara enfin à tirer la chevillette du portail de la maison de retraite.
Vestiges du portail et du clocher des Cordeliers. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire, général Région Occitanie, 2023, IVC31555_202331 50767NUCA.

Comme un intrus en son domaine : le clocher du couvent des Cordeliers


octobre 2023
C’est avec surprise qu’au détour d’une rue, on se retrouve nez à nez (ou à peu près) avec un clocher esseulé dans le jardin jouxtant les bâtiments de la banque de France. Cet élément bâti, qui au premier abord ne semble pas à sa place, est en fait le seul vestige - avec quelques pierres constituant les éléments d’un portail - du couvent des cordeliers établi sur cet îlot à partir du 13e siècle.

Comme les Jacobins et bien d’autres édifices religieux, le couvent des Cordeliers, désaffecté à la Révolution, sert de magasin à fourrage pour l’armée. Après un incendie survenu en 1871, l’église et ses bâtiments annexes sont condamnés à être démolis malgré l’avis de l’architecte Jacques Jean Esquié. En effet, ce dernier estime que le bâtiment n’a besoin que d’une nouvelle toiture pour retrouver sa fonction d’entrepôt, tout en considérant que ces travaux permettraient de conserver un édifice médiéval remarquable, classé au titre des monuments historiques depuis 1862. Grâce à l’insistance de la société archéologique du Midi de la France, la Ville décide de maintenir le clocher ainsi que le portail de l’église en pierres sculptées qui, après avoir été démonté, est conservé dans un entrepôt. Après bien des tergiversations, il est reconstruit en 1936 sur la rue du Collège-de-Foix, ses piédroits servant d’écrin au clocher situé dans la perspective. Par ailleurs, d’autres vestiges de l’ensemble conventuel (chapelle, salle capitulaire, sacristie, pans de mur de l’abside) existent encore à l’arrière des parcelles des 11, 13 et 15 rue des Lois. L’ensemble des élévations, ainsi que le jardin dans lequel s’élève le clocher, ont été de nouveau protégés au titre des monuments historiques en 1994.
 
Vue du bâtiment peu après sa construction (années 1930). Archives du groupe La Poste.

Pas de problème, la poste est là


septembre 2023

Quel bonheur à la fin de l’été de recevoir (encore) des cartes postales. L’origine de cette pratique apparaît en Allemagne, semble-t-il, peu de temps après la guerre de 18701. Elle prend ensuite toute son ampleur avec le développement du tourisme et la création des congés payés la consacre en tant que passage obligé de tout vacancier se rappelant au bon souvenir de sa famille et de ses amis, en même temps qu’elle proclame haut et fort : « j’y étais ». Cette première moitié du 20e siècle voit ainsi un essor sans précédent de l’activité postale et des communications, et les bureaux de postes se multiplient sur tout le territoire. Repères dans le paysage urbain et marqueurs de la présence de l’État dans la moindre bourgade de province, leur construction est assurée par un service d’architecture des PTT créé en 1901 au sein du ministère2. Ses architectes sont des hommes de l’art aux titres prestigieux, souvent Prix de Rome, comme l’était Léon Jaussely, auteur du bâtiment Art déco de la poste de Saint-Aubin.
L’actualité toulousaine met à l’honneur cet architecte, auteur de plusieurs œuvres dans sa ville natale et dont le rôle précurseur dans la naissance de l’urbanisme moderne est largement reconnu3. Dans le cadre des travaux de la ligne C, le monument aux combattants de la Haute-Garonne fait l’objet d’un chantier titanesque avec le déplacement des 1400 tonnes de l’arc de triomphe. Quant à la poste de Saint-Aubin, elle est en cours de rénovation.
Et comme le bonheur, c’est aussi simple qu’un coup de fil, un bâtiment dédié à l’amplification des lignes à grande distance est bâti peu de temps après la poste de Jaussely à l’opposé de la parcelle, du côté du canal. Détruit par l’armée allemande, il est reconstruit à partir de 1944 par l’architecte des PTT Andrée Moinault. Les jeux de lumière créés par le calepinage de la brique, le solin enduit ou les corniches en béton assurent le lien entre le bâtiment Art déco de Jaussely et le centre d’amplification au style moderne, conçu par cette femme architecte dont l’œuvre reste à découvrir.

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1 - Les origines de la carte postale | Musée de la Carte Postale (museedelacartepostale.fr)
2 - Charlotte Leblanc, « Les archives du ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones (1945-1991) aux Archives nationales : une source pour la connaissance de l’architecture », In Situ [En ligne], 34 | 2018, mis en ligne le 04 mai 2018, consulté le 17 août 2023. URL : https://journals.openedition.org/insitu/15684 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.15684
3 - Rémi Papillault, « L'urbanisme comme science ou le dernier rêve de Léon Jaussely », Toulouse. 1920-1940. La ville et ses architectes. Toulouse: CAUE, Ecole d'architecture de Toulouse, Ombres Blanches, 1991, pp. 24-39.
Laurent Delacourt, Léon Jaussely, un pionnier solitaire. Paris : Éditions du patrimoine, collection "Carnets d'architectes", 2017.

Monument commémoratif de la guerre de 1914-1918 à la gloire des combattants de la Haute-Garonne. Phot. Bonenfant Julie (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2014, nc

Des critiques drôlement salées !


juillet-août 2023
En 1931, les deux reliefs ornant les piédroits intérieurs du monument commémoratif de la guerre de 1914-1918 à la gloire des combattants de la Haute-Garonne sont découverts après de longs mois de travail. Exécutés par le sculpteur Camille Raynaud, ils illustrent d’un côté "la Victoire" et de l'autre "le retour des soldats". Immédiatement, la figure de la Victoire suscite une réprobation unanime et un comité de protestation se forme pour en demander la suppression. S’ensuit une protestation générale de l’opinion publique 
Détail du haut-relief « la Victoire » de Camille Raynaud. Phot. Bonenfant Julie (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2014, ncrelayée par la presse. Un journaliste de La Dépêche du 15 janvier 1932 écrit : « A vrai dire, cette Victoire-là pourrait aussi bien former le principal sujet d’un bas-relief qui représenterait par exemple "le Retour d’Age" ou "l'Autopsie de la Noyée" ». Quelques mois plus tard, il renchérit en affirmant que « cette Victoire est un navet agressif comme on en voit peu en plusieurs siècles ». Cette représentation est effectivement exceptionnelle car, contre toute attente, l’artiste a choisi d’évoquer une Victoire, non pas sous la forme d’une allégorie d’une femme jeune et triomphante, comme elle apparaît sur de nombreux monuments commémoratifs mais sous la figure très réaliste d’une femme au corps lourd, épuisée par quatre années de guerre, ployant sous le poids des 10 millions de morts. Après bien des démarches, la requête du Comité est définitivement rejetée par le Conseil d’Etat, en 1935, au nom de la loi sur la propriété artistique interdisant de toucher à l’œuvre sans l’accord de son auteur.
Ce monument signé par l’architecte Léon Jaussely est de nos jours l’objet de toutes les attentions. En effet, dans le cadre de l’ouverture de la 3e ligne de métro, les travaux prévus pour la nouvelle station nécessitent son déplacement d’une trentaine de mètres. Ces opérations hors du commun vont se dérouler à la fin du mois d’août, mais elles ne devraient pas susciter autant de polémiques.
La rue de Metz en travaux, entre 1895 et 1908. À gauche, l'église et le musée des Augustins. Fonds photographique des Toulousains de Toulouse. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi2675.

Vous allez être gâtés


juin 2023

Le week-end des 24 et 25 juin, à l’occasion des travaux de la rue de Metz, auront lieu deux jours de festivités au cours desquels des crieurs de rue et des joueurs d’orgues de barbarie viendront animer cette artère créée à la toute fin du 19e siècle.
La nouvelle rue de Metz. Carte postale N&B, Galeries parisiennes (éditeur). Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi3957.Ouverte à la circulation en 1898, elle est venue trancher le tissu urbain ancien, éventrant des îlots entiers et laissant la place à de beaux immeubles à loyers, enjeux d’une spéculation immobilière toute moderne. Pour cette réalisation, la municipalité s’associe avec la Société Immobilière Grenobloise Toulousaine, fondée par un ancien notaire toulousain, Bernard-Elie Deffès et des investisseurs grenoblois, qui récupèrent près de 60% des terrains à construire. Les architectes, également originaires de Grenoble, signent les plans d’immeubles à la façade souvent monumentale, dans laquelle la pierre est très présente.

Si l’eau vous est venue à la bouche, venez découvrir le projet du nouvel aménagement et vous plonger dans l’histoire de cette percée toulousaine d’inspiration haussmannienne. Durant ces deux jours, vous pourrez y déambuler tout en discutant avec les techniciens de Toulouse Métropole, à votre disposition pour répondre aux questions que vous vous posez sur le nouvel aménagement et suivre si vous le souhaitez l’une des quatre visites guidées proposées par les chargés d’inventaire de la direction du Patrimoine. Un avant/après qui sera matérialisé au sol grandeur nature par l’artiste Nicolas Jaoul.
Immeuble du 63 rue de la Pomme, détail du décor surmontant la porte d’entrée. Photo. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse, 2020, nc

Fruit du mystère rue de la Pomme !


mai 2023
Le long de cet axe au nom évocateur, se déploie un bel immeuble de rapport, de style néoclassique, à l’architecture très écrite. Ses grandes arcades de boutique et d’entresol dédiés aux commerces prennent appuis sur des pilastres taillés dans la pierre. Ses étages sont traités de façon dégressive aussi bien dans leur dimension que dans l’application du décor. L’étage noble est souligné par un balcon continu aux balustres en fonte et Immeuble du 63 rue de la Pomme. Photo. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse, 2020, ncles travées sont séparées par des pilastres cannelés ; au 2 e, ces derniers ont disparu au profit de tondi décoré de feuilles d’acanthe et seule une étroite frise de postes annonce le dernier niveau.
Cet immeuble se distingue également par son décor en terre cuite énigmatique couronnant la porte d’entrée : disposées sur les rampants du fronton, deux jeunes femmes assises sont vêtues à l’antique d’une tunique plissée et arborent chacune un élément distinctif. Ces œuvres, identifiées comme les allégories de l’Hiver et de l’Eté par l’historienne de l’Art Nelly Desseaux, sont signées du sculpteur Joseph Salamon travaillant pour la manufacture de la famille Virebent du milieu des années 1830 jusqu’à sa mort en mars 1850. A droite, l’Eté retient d’une main une corne d’abondance débordant de fruits (pomme, raisin, poire, pomme de pin, figue) alors qu’à gauche, celle qui représente l’Hiver, a sa main posée sur un cylindre percé. Cet élément n’est plus aujourd’hui identifié avec certitude. Pourrait-il s’agir d’un modèle de brasero en terre cuite auprès duquel vient se réchauffer l’Hiver ou s’agit-il d’un autre objet qui donnerait un sens différent à ces figures ? Le mystère reste entier.
 
Lespinasse, les bureaux et la gravière de l’entreprise Montamat peu après leur construction (vers 1968). Phot. Barutel, Géraud (c) Collection particulière, IVC31555_20233100366NUCA.

On change de disque


avril 2023
L’eau verte du canal du Midi, la brique rouge des Minimes, le Capitole ou Saint-Sernin, tout cela est très beau, bien sûr, mais on tourne un peu rond et on finit par connaître la chanson.
Il était grand temps de changer de refrain et d’aller voir ce qu’il se passe du côté des villes et villages de la Métropole. C’est chose faite pour Lespinasse au nord et Saint-Orens au sud-est de Toulouse qui ont fait l’objet d’un diagnostic patrimonial. Il s’agit d’une opération d’inventaire préliminaire mettant en lumière les éléments représentatifs ou exceptionnels de chaque commune, analysés au prisme de leur évolution urbaine. Saint-Orens, la villa Massot. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20233101068NUCA.
Cette enquête permet aussi de dégager des pistes pour de futures études et des axes de valorisation particuliers, à charge ensuite pour chaque ville concernée de s’en saisir.
L’accueil a été chaleureux, les communes ont joué le jeu et les habitants aussi. Vous pouvez maintenant aller vous promener parmi les notices Mérimée de Lespinasse et partir à la découverte de  l’ancienne église du prieuré de Fontevraud, de son puits, du « moulin à vent – noria » ou encore aller voir les bureaux de l’entreprise Montamat, mettant en œuvre une maçonnerie originale de béton et de galets. Saint-Orens n’est pas en reste et recèle un patrimoine varié, allant de la piscine Tournesol et des abribus en béton monobloc à des édifices plus anciens : l’église bien sûr, mais aussi les anciennes demeures aux champs, tel le domaine du Bousquet, ou encore la villa Massot qui, malgré sa taille, a tout d’une grande.
Alors, c’est toujours la même chanson ?
 
Puits de l’Hôtel du May. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, nc

Tant va le seau à l'eau ...


mars 2023
L’approvisionnement et la gestion de l’eau ont toujours été une préoccupation majeure des édiles toulousains. De la construction d’aqueducs aux époques antique et médiévale allant récupérer l’eau de sources extra-muros pour alimenter des fontaines, au creusement et à l'entretien de puits publics, jusqu’à la construction au 19 e siècle du château d’eau puisant l’eau de la Garonne : les solutions mises en place ont été variées selon les époques.
Puits située actuellement dans la boutique Esprit rue de la Pomme. Phot. Krispin, Laure (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, IVC31555_20223100858NUCA
Pour faciliter la corvée journalière du puisage, de nombreux citadins ont fait aménager, dans la cour de leur immeuble ou dans leur jardin, des puits qu’ils utilisaient de manière privative ou en accès partagé grâce à l’érection de ces ouvrages en mitoyenneté parcellaire.
Toulouse conserve dans ses murs de nombreux puits, certains encore en eau, d'autres à l'état de vestiges. Dans le cadre de l'inventaire du Site patrimonial remarquable, 78 puits ont pu être observés. Certains ont conservé l’intégralité de leurs éléments : le conduit, le mur de margelle et le système de puisage. Une première analyse de ce corpus hétéroclite a permis d’enrichir la connaissance des modes de construction et des techniques de puisage, et d'étudier leur répartition à l'échelle de la parcelle et de la ville. Ce travail est disponible en ligne, dans le dernier numéro de la revue Patrimoine du Sud consacré à l'eau et à ses patrimoines en Occitanie.
 
Emplacement de la borde rouge sur le plan d’assemblage du capitoulat de Saint-Sernin, banlieue. Mairie de Toulouse, Archives municipales, CC2928, détail.

Des bordes rouges au Château Vert


février 2023

Donner un nom à sa maison est aujourd’hui passé de mode. Plus de « Do Mi Si La Do Ré » pour propriétaire mélomane, ni de « Mon rêve » marquant l’aboutissement d’une vie de dur labeur. Mêmes les plus simples « villa du pin » ou « villa Ginette » ne sont plus que des souvenirs qui s’effacent sur des plaques émaillées.
Il fut un temps pourtant où il était bien pratique que les maisons portent des noms, notamment dans le gardiage (banlieue rurale de la ville) où les repères pérennes manquaient, notamment quand on commença à cartographier la ville pour y prélever les impôts. Les plans d’assemblage de ces zones dans le cadastre de 1680 représentent ainsi pour chaque capitoulat, outre les chemins délimitant les moulons, les éléments marquants dans le paysage, tels que les ponts, les fontaines, les croix ou les édifices importants : châteaux et métairies. Le brouillon de celui de la banlieue du capitoulat de Saint-Sernin (CC2927) porte la mention « borde rouge » au bout d’un chemin, sous les dessins des châteaux de Paleficat et de Grandselve. La couleur de la brique laissée apparente a pu donner son nom à cette ferme, partagé plus tard par une autre à peu de distance. Cette appellation est également utilisée par le chemin qui la longe puis par le quartier, resté rural jusqu’à il y a peu, et enfin par la ZAC qui l’a urbanisé. Dans la même veine, une ferme - recouverte d’un enduit blanc ? - a donné son nom au chemin, puis au nouveau quartier en cours de construction aux Pradettes : Bordeblanche. Un pigeonnier subsiste à cet endroit, aujourd’hui au cœur d’un lotissement, sans que l’on sache vraiment si le domaine d’origine se trouvait à cet emplacement.
Alors qu’en est-il du Château Vert me direz-vous ? La couleur des murs aurait-elle donné son nom à cet édifice, disparu aujourd’hui mais que l’on situe à proximité de la place Wilson actuelle1 ? Bordel municipal, géré par les capitouls pendant une partie du 16e siècle2, l’adjectif qui lui est assigné pourrait aussi s’apparenter au thème de la vigueur, notamment sexuelle, que l’on retrouve dans l’étymologie du mot « vert », du latin viridis, dont est issue toute une série de mots qui évoquent la croissance, la vigueur ou la vie, tel le Vert-Galant3. À [ver]ifier.

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1 - Agathe Roby, « De la Grande abbaye au Château Vert. L’installation d’un bordel municipal à Toulouse au XVIe siècle ». Dans Histoire urbaine 2017/2 (n° 49), p. 17-35.
2 - François Bordes, « Toulouse 1519-1529 ou le temps des réformes et des grands travaux », Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, vol. 170, 18e siècle – tome IX 2008, p. 133-145.
3 - Michel Pastoureau, Vert, histoire d’une couleur, éd. du Seuil, 2017, p. 27-28 et p. 158 pour l’explication du surnom donné à Henri IV, le « vert galant ».

Elévation sur l’allée de Brienne. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, IVC31555_20233100001NUCA

Bout de chou !


janvier 2023

Depuis toujours, la coutume voulait que les nourrissons et les enfants en bas âge soient confiés à des nourrices. Toutefois, devant la mortalité infantile due au manque d’hygiène notamment dans les classes indigentes, une nouvelle institution est mise en place, au milieu du 19e siècle, à l’initiative de Firmin Marbeau, jurisconsulte et philanthrope : un lieu où les enfants seraient à l’abri et recevraient des soins appropriés pour leur santé entre leur naissance et l’âge de 2 ans. En effet, à partir de cet âge-là, des asiles pouvaient les accueillir jusqu’à 6 ans, moment où ils étaient alors scolarisés. La première crèche de France, financée par des donations privées, ouvre à Chaillot en novembre 1844. A Toulouse, les premières crèches semblent se développer dans le dernier quart du 19e siècle. Celle de la manufacture des Tabacs date pour sa part de 

Elévation sur l’allée de Brienne, détail de la frise en céramique. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire, général Région Occitanie, IVC31555_20233100002NUCA

1912 mais semble être l’aboutissement d’un mouvement enclenché après les inondations de 1875, moment où le directeur de la manufacture avait ouvert au sein de l’usine un local pour accueillir les enfants en bas âge des ouvrières.

Installée sur une parcelle traversante, entre l’allée de Brienne et la rue des Amidonniers, à moins de 100 mètres de la manufacture, la crèche présente une façade principale ouvrant sur le canal de Brienne. Son élévation symétrique se compose d'un corps de bâtiment central à 3 travées et 1 étage encadré de chaque côté par un corps à 1 travée en rez-de-chaussée surélevé d'un niveau dans le 1er quart du 21 e siècle. Elle se distingue par la qualité de sa mise en œuvre basée sur un jeu de polychromie (brique rouge, brique claire et pierre) et sur les frises de style Art nouveau au motif de liseron scandant la façade.


 
53Fi1712 : Didier Daurat dépose une gerbe au monument des Pionniers de l'Aviation au jardin Royal (1961). Phot. André Cros. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi1712.

Ainsi font font font


décembre 2022
Aux vacances de Toussaint, Guignol et ses amis s’installent au jardin des Plantes. Petits et grands peuvent alors se régaler des aventures tragicomiques de ce théâtre de marionnettes. Le chapiteau prend place à proximité de la stèle du capitaine Bernet, hommage au grand chrysanthémiste toulousain. Aussi, si les marmots ne sont pas encore rassasiés après le spectacle, suivi d’une dizaine de passages à l’aire de jeux, de deux tours de balançoires et de 3 glaces chacun, vous pouvez leur concocter un jeu de piste et les lancer à la recherche des grands personnages de l’histoire locale ou nationale : Pierre-Paul Riquet, Jean Cassou ou encore Jean Moulin, qui ont tous leur buste dans l’enceinte du jardin. S’ils n’en n’ont pas encore assez, Apollon, Diane, Chloris, la Femme au paon ou Mercure pourront les distraire. Ces œuvres qui parsèment le parc sont issues de la grande vague de statuomanie de la fin du 19 e siècle, période où la municipalité cherche à magnifier ses artistes, les « Toulousains », groupe formé autour du sculpteur Falguière qui triomphe dans les salons parisiens.  Accéder à UrbanHistPuis viennent les monuments érigés aux gloires locales et « l’inflation mémorielle » du 20 e siècle, où l’on voit se multiplier les commémorations. Le mouvement se poursuit et aujourd’hui, à chaque pas le promeneur se heurte à une sculpture, un buste, une stèle, une installation. Au risque d’une indigestion ? A vous de juger : les œuvres urbaines installées sur l’espace public depuis 1945 ont fait l’objet d’un recensement en 2022 et leurs notices sont accessibles sur UrbanHist, voici une sélection des plus récentes
Ensemble depuis le pont enjambant le canal du Midi. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2022, 20223101301NUCA.

Chambres avec vue


novembre 2022

Contrairement à ce que pourrait laisser supposer le titre, nous ne sommes pas à Florence dans une chambre avec vue sur l’Arno, mais à Toulouse à l’hôtel, anciennement appelé Victoria, dont les chambres ouvraient sur les frondaisons des platanes longeant le canal du Midi. Cet édifice a été bâti à l’angle de la rue Bayard et du boulevard Bonrepos face à la gare. En effet, l’arrivée du chemin de fer a entraîné le réaménagement du quartier selon le plan dressé par l’ingénieur de la ville Guibal ainsi que la création du pont Bayard sur le canal du Midi permettant une liaison directe vers le centre-ville.

 
Elévation sur le boulevard Bonrepos, détail du bow-window. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2022, 20223101304NUCA.

De même, c’est cet aménagement qui est à l’origine de la construction de nombreux hôtels de voyageurs à proximité, dont celui édifié en 1913 sur les plans de l’architecte toulousain Jules Calbairac. 

Cet édifice possède deux façades bicolores où la pierre très présente vient animer la brique rouge. L’angle arrondi, à trois travées, est mis en valeur par des colonnes et pilastres en rez-de-chaussée, un entresol en pierre et des éléments de décor (balcon sur consoles sculptées, agrafes en pierre, ferronnerie, table encadrée par des ailerons). Les élévations, de part et d’autre se distinguent par la présence d’un bow-window en pierre reliant les 1er et 2e étages.
Le style architectural de cet édifice est un style de transition où l’éclectisme est toujours présent avec ses colonnes, chapiteaux, consoles à guirlandes, ses garde-corps aux influences variées (néo-18e et art nouveau). Toutefois, il laisse poindre une certaine modernité dans les formes plus rectilignes des encadrements des baies ou la simplification de certains éléments du décor, ainsi que dans le jeu de la pierre et de la brique.
Livre I des Annales (1295-1532). Chronique 194, 1516-1517, extrait. Le poids commun. Mairie de Toulouse, Archives municipales, BB 273 feuillet 17 partie gauche.

Emballé, c'est pesé


octobre 2022

Sur l'enluminure de la chronique de 1516-1517 des Annales des capitouls, on voit dans le registre supérieur droit une haute porte crénelée, portant les armoiries de la Ville qui encadrent celles des rois de France. Au-dessous, les huit écus des capitouls de l'année. À l'intérieur, se trouve une grande balance avec des poids. Il s'agit là d’une représentation symbolique du « poids commun » ou poids public, taxe instituée en 1499 sur les marchandises vendues dans la ville, dont le produit était récupéré par les capitouls pour l'entretien des remparts, des ponts et le pavage des rues. Les pesées servant à définir le montant des droits à percevoir par la ville se faisaient dans des lieux différents, avant d'être fixées à la « maison commune », l'ancêtre du Capitole actuel, vers 1532-1533. Les poids permettaient aux capitouls d'établir des étalons uniques pour chaque marchandise. Objets précieux, garantissant la juste mesure, les poids étaient conservés à la fin du Moyen Âge, avec les matrices des sceaux municipaux, dans un coffre fermé par huit clefs, une pour chaque capitouls1.
Le poids commun est ici associé à l'image du pont de Tounis, alors en cours de construction (image du bas) et du pont de Montaudran sur l'Hers (en haut à gauche). 

Il s'agit peut-être là d'une volonté de souligner le fait que les taxes issues du poids public permettaient d'entretenir de tels ouvrages. Les armoiries royales rappellent quant à elles que cette libéralité avait été octroyée par le roi.
La rue du Poids-de-l’Huile conserve le souvenir du local spécifique où étaient entreposés et pesés les huiles, les jambons et les autres chairs salées entrant dans la ville avant d’être vendues par les marchands.

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1- François Bordes (dir.), Toulouse, parcelles de mémoire. Catalogue de l'exposition présentée aux Archives municipales de Toulouse du 5 décembre 2005 au 6 mars 2006. Toulouse : Mairie de Toulouse / Archives municipales, 2005, p. 104.

Elévation sur la place Esquirol, détail. Photo. Louise-Emmanuelle Friquart, @ Toulouse Métropole, 2020

J’aime un peu, beaucoup, passionnément… pas du tout !


septembre 2022
Qui, durant l’enfance, n’a jamais effeuillé une pâquerette en scandant ces quelques mots pour avoir une réponse facile et immédiate face à un doute ? C’est parfois ce qu’on pourrait encore avoir envie de faire devant certains bâtiments à l’architecture contemporaine, qui surprennent, mais dont on ne sait pas quoi penser !  Elévation sur la place de la Trinité. Photo. Louise-Emmanuelle Friquart, @ Toulouse Métropole, 2020Souvent, prendre le temps de s’arrêter, de regarder les volumes, les matériaux ou les couleurs utilisés, affine ce premier ressenti.
Ouvrant sur les places Esquirol et de la Trinité, l’édifice connu par les Toulousains sous le nom de « magasin Perry » est un bon exemple de ce type de questionnement : j’aime ou je n’aime pas ? Si, au 1er coup d’œil, il peut paraître incongru dans son environnement, avec un peu d’observation on s’aperçoit que les dissemblances entre le bâti contemporain et les immeubles anciens s’estompent et que des liens se tissent entre eux. 
Construit en 1965 sur les plans de l'architecte Bernard Bachelot, il offre au regard des façades roses grâce à un placage de marbre de Vérone. Pour éviter toute monotonie, l’architecte a joué sur le traitement du matériau en juxtaposant des plaques lisses et des plaques striées, créant ainsi de la matière comme peut l’être le contraste entre l’enduit et la brique apparente. Cet effet est renforcé par les aspects poli et texturé du marbre qui ne réfléchissent pas la lumière de la même façon. 
Par ailleurs, l’architecte a adapté chaque façade au gabarit général des bâtiments environnant côté Esquirol et Trinité. Se développant sur trois niveaux de magasin et trois niveaux de bureaux, Bachelot a créé deux élévations différentes. Pour s’aligner avec les édifices mitoyens place Esquirol, il a dissimulé le dernier étage en le disposant en retrait, le rendant peu visible depuis la rue. De même, il a composé une façade symétrique place Esquirol et une autre, place de Trinité, où la dissymétrie prime pour conserver les rythmes déjà existants.
Cet immeuble, labélisé « architecture contemporaine remarquable » en 2016, puis protégé au titre des monuments historiques trois ans plus tard, mérite bien toute notre attention ! 
Portrait en pied et de 3/4 d'un jeune homme en train de prendre une photo avec son appareil. Jardin Public, Aix-les-Bains, septembre 1963. Phot. Escalette Jean-Paul. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 42Fi1919.

La clé des champs


juillet-août 2022
Une soudaine envie de battre la campagne a saisi les chargés d’inventaire de Toulouse Métropole. Après de nombreuses années consacrées au centre de Toulouse, avec quelques incursions dans ses faubourgs, l’inventaire du patrimoine s’étend aujourd’hui au territoire métropolitain.
Depuis quelque temps déjà, le service régional Connaissance et Inventaire des Patrimoines d’Occitanie expérimente la méthode des diagnostics patrimoniaux : une étude synthétique retraçant les grandes étapes de l’histoire de chaque commune, présentant ses paysages et dressant un état des lieux de son patrimoine. Cette méthode est aujourd’hui appliquée à la Métropole, en étroite collaboration avec chacune des communes concernées. Ainsi, les chargés d’inventaire, équipés de plans anciens et d’un appareil photo, vont parcourir le pays afin d’identifier sur le terrain les maisons, fermes, pigeonniers, croix de chemin, mais aussi les ouvrages liés à l’eau (ponts, écluses, moulins, etc.) ou encore les édifices industriels présents sur chaque commune. Les plus caractéristiques ou les plus singuliers feront l’objet d’une notice d’inventaire qui pourra être consultée sur UrbanHist, qui s’ouvre lui aussi à la Métropole, grâce au partenariat toujours fructueux entre la direction du Patrimoine et les Archives municipales.
Les diagnostics doivent également permettre d’identifier les « demeures aux champs », ces résidences d’été des notables toulousains, lieux de villégiature et domaines agricoles, qui feront l’objet d’une étude transversale à l’échelle de la Métropole. Ce nouveau terrain d’étude pour l’inventaire sera défriché, labouré et fertilisé grâce à la couche « Toulouse aux champs » de nos collègues des fonds anciens des Archives, dont le chantier est en cours.  
En 2022, ce sont les communes de Lespinasse, Saint-Orens-de-Gameville, Flourens et Cornebarrieu qui s’associent à la direction du Patrimoine de Toulouse Métropole pour faire l’objet d’un diagnostic patrimonial. Si parmi les lecteurs d’Arcanes il s’en trouve qui ont envie de faire connaître aux chargés d’inventaire un élément du patrimoine bâti de ces communes, qu’ils n’hésitent pas ! Une adresse mail de contact est disponible, sur laquelle peuvent être envoyés des photos, des documents anciens ou toute autre information permettant d’identifier un élément du patrimoine de ces communes.
Jardin de l’Observatoire, coupole dite de Vitry. Phot. Krispin, Laure, (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2022, 20223100611NUCA.

Un peu plus près des étoiles…


juin 2022
Contrairement à ce que pourrait laisser supposer ce titre pour certains, il ne s’agit pas d’une chronique sur une des chansons phares des années 80 du groupe Gold mais sur un lieu exceptionnel et pourtant peu connu des toulousains : l’ancien observatoire de Toulouse.
Installé sur la colline de Jolimont, au centre d’un jardin, le site de l’observatoire se compose d’un bâtiment principal, construit selon les plans dressés en 1839 par l’architecte de la ville Urbain Vitry et, de trois coupoles d’observation bâties dans le dernier quart du 19 e siècle à l’initiative d’un grand nom de l’astronomie française, alors directeur du site, Benjamin Baillaud. Le jardin fait partie intégrante de l'observatoire. En effet, les allées, orientées dans l'axe nord-sud selon la ligne méridienne et terminées par deux mires en pierre, servaient à régler la lunette méridienne, dédiée à la mesure des coordonnées des étoiles. Cet instrument est encore en place dans le bâtiment édifié au centre des allées et dont la spécificité est de permettre une ouverture sur l’extérieur à 180°, les murs nord et sud étant percés sur toute leur hauteur par une baie centrale se poursuivant sur le toit par une ouverture zénithale.
 
Observatoire de Toulouse, bâtiment de Vitry. Phot. Krispin, Laure, (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2022, 20223100613NUCA.
Le bâtiment de l’observatoire se divise en deux corps distincts reliés par un escalier. Le premier s’impose par sa façade de style néoclassique. Précédée par un large escalier, elle s’ouvre sur porche monumental à colonnes avec, de part et d’autre, des élévations ornées de bossages. A l’intérieur, un vestibule central, coiffé d’une coupole, distribue les appartements du directeur et de son adjoint.
A l’arrière, le second corps de bâtiment qui abrite la grande salle d’observation accueillant les instruments de mesure, se distingue par ses deux tours d’angle dont une permet l’accès à la terrasse et à la coupole surplombant l’édifice.
En 1872, l'Etat prend en charge la gestion de l’observatoire de Toulouse avec ses équipes ; ce dernier est affilié à l’Université un an plus tard.
Au milieu du 20 e siècle, le développement toujours plus important du site du Pic du Midi de Bigorre entraine peu à peu le déclin de l’observatoire de Jolimont. Le départ définitif des équipes de recherche vers des locaux de la faculté Paul-Sabatier s’effectue en 1981.
Cinq ans plus tard, le jardin public de l’Observatoire est inauguré. Quant aux bâtiments de l’observatoire, inscrits au titre des monuments historiques, ils sont toujours animés notamment par la Société d’Astronomie Populaires qui propose, entre autre, des visites publiques du site chaque semaine.
 
Chapellerie Brosson. Intérieur du magasin, table. Phot. Poitou, Philippe (c) Inventaire général Région Occitanie, 2002, IVR73_20023100010NUCA.

Chapi chapo


mai 2022
« Et maintenant chers téléspectateurs, direction Toulouse. Toulouse, en Haute-Garonne, à la découverte d'un métier oublié, celui de chapelier, métier exercé pendant des années par la famille Brosson rue d'Alsace-Lorraine, dont la boutique fermera définitivement ses portes en janvier 2002, lorsque le dernier des Brosson prendra sa retraite.  Comme d’autres articles de confection, entièrement fabriqués à la main et nécessitant un savoir-faire exigeant, les chapeaux ont été victimes de la grande distribution et de la fin, il faut le dire, de la mode du couvre-chef ».
On s’y croirait presque et pourtant, la chapellerie Brosson n'a jamais fait la une du 13 h de TF1. Heureusement, Philippe Poitou, photographe de l'inventaire, et Annie Noé-
Chapellerie Brosson. Intérieur du magasin. Phot. Poitou, Philippe (c) Inventaire général Région Occitanie, 2002, IVR73_20023100021NUCA.
Dufour, conservatrice du patrimoine, étaient là à l’époque pour réaliser un reportage exclusif. Ils ont pu ainsi immortaliser le magasin, son décor et les instruments de confection avant la cessation d'activité de l’entreprise et le réaménagement total de la boutique.
De 1892 à 2002, l’immeuble a abrité une chapellerie, d’abord la maison Blagé, qui s’y installe peu après la construction de l’édifice lors de la percée de la rue d’Alsace-Lorraine. La vocation marchande de la rue d’Alsace-Lorraine débute dès sa création où elle attire les commerces les plus prestigieux qui y étalent leurs marchandises. C’est en 1924 que la chapellerie Brosson succède à la maison Blagé, en conservant les boiseries et l’ensemble du mobilier de style art nouveau installés par son prédécesseur. Au tournant des années 1940-1950, un rayon enfant est aménagé par l’architecte Robert Armandary dans un style résolument moderne.
En consultant les images de la notice architecture sur Urban-Hist du 43 rue d’Alsace-Lorraine, c’est tout un pan de l’art décoratif que vous découvrirez : des lustres et horloge 1900 au mobilier de style moderne en passant par les meubles de métier art déco. Le petit outillage nécessaire à la confection des chapeaux est quant à lui conservé aux Archives municipales, sous la cote 55Z.
Béret, panama, canotier ? A l’instar de la moustache qui refleurit sur le visage des hommes dans le vent, à quand le retour du chapeau sur les têtes bien faites ?
A vous les studios.
Cimetière de Terre-Cabade, pavillon d’entrée dit "dépositoire". Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure, (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2011, 20143100019NUCA.

« Né de la poussière, tu redeviendras poussière. »


avril 2022

Cette phrase tirée de la Genèse évoque, pour un grand nombre d’entre nous, un enterrement : autour d’une tombe, groupée sous des parapluies, une assemblée écoute le dernier adieu au défunt. Autour d’elle se développe un cimetière parcouru par de grandes allées bordées d’arbres centenaires…

A Toulouse, le cimetière de Terre-Cabade pourrait servir de décor à cette scène. En effet, il s’agit du  premier cimetière extra-muros qui suit le décret du 23 prairial de l’an XII (12 juin 1804) interdisant l’ensevelissement au milieu des zones urbaines. Toutefois, Toulouse attend plus d’une vingtaine d’années pour se pencher sur la question. C’est à la suite d’une proposition du cardinal Clermont-Tonnerre que le maire, Joseph Viguerie, s’empare du sujet et décide d'édifier un cimetière semblable à celui du Père-Lachaise à Paris. Pour ce faire, la Ville acquiert, à partir de 1832, des terrains sur la rive droite du canal du Midi, à flan du coteau de la Redoute.


Le 28 avril 1840, la municipalité décrète que les cimetières catholiques de la rive droite
Cimetière de Terre-Cabade. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure, (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2011, 20223100138NUCA.
 doivent être transférés dans la nouvelle nécropole à Terre-Cabade, seul le cimetière de Saint-Cyprien restant en service pour les paroisses de la rive gauche.

Le site de Terre-Cabade est inauguré le 16 juillet 1840. Il se distingue par ses bâtiments de style néo-égyptien. Le portail est marqué par deux obélisques et les pavillons d'entrée arborent une galerie aux colonnes papyriformes. Les plans ont été dressés en 1836 par l'architecte Urbain Vitry. Traité comme un jardin avec des allées courbes, il doit être un lieu à la fois fonctionnel et propice à la promenade et au recueillement. Des espaces sont attribués aux différentes paroisses de la ville : Daurade, Minimes, Saint-Étienne, Saint-Exupère, Taur, Dalbade, Saint-Aubin, Saint-Sernin, Saint-Jérôme, Saint-Pierre. Prévu pourtant dès l’origine, l’accueil à Terre-Cabade des tombes des personnes de confessions israélite et protestante, qui avaient leurs propres cimetières rue du Béarnais, n’est effectif qu’en 1869.

Le cimetière connaît plusieurs extensions durant la 2e moitié du 19e siècle. La première s’effectue grâce au don d'un terrain destiné aux tombes de religieuses, appelé le carré des sœurs. Dans un second temps, l’achat de propriétés situées entre le cimetière et le chemin de l'Observatoire, actuelle rue de la Colonne, permet un agrandissement latéral conséquent.

Au début du 20e siècle, un nouveau grand projet d'agrandissement voit le jour pour permettre d'augmenter d'environ 50 % la surface du cimetière. Le décret d'utilité publique est signé le 26 mai 1915 et l'acquisition des terrains démarre aussitôt. Situé de l'autre côté du chemin de Caillibens, au nord-est, ce nouvel espace prend le nom de cimetière de Salonique en référence au front d’Orient ouvert par les alliés lors du 1er conflit mondial et accueille, notamment, les différents monuments aux morts de la Grande Guerre.

Vue du 2 et du 4 boulevard des Minimes (en construction), vers 1957. Jean Ribière - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 41Fi99.

Le bon coin


mars 2022

Un cadeau de Noël moche et immettable ? Le buffet de la vieille tante qui ne rentre pas dans votre salon et qui, de toute façon, ne s’accorde pas à l’ambiance zen-minimaliste-feng-shui de votre intérieur ? Heureusement, le site de petites annonces en ligne est là pour vous en débarrasser, moyennant une petite rétribution au passage. 
Dans la vie réelle (in real life pour les utilisateurs avertis), il est également possible de se rencontrer dans les nombreux cafés, judicieusement placés à l’angle de deux rues, qui portent ce nom. De 1951 à 1956, Au bon coin est le nom d’un bar situé au 2 boulevard des Minimes, le long du canal du Midi. Il se trouve au rez-de-chaussée d’un immeuble construit au début du 20e siècle (et aujourd'hui disparu), typique des faubourgs toulousains. La photographie de Jean Ribière le montre au devant d’un grand édifice en cours de construction. Au-delà de l’instantané des transformations urbaines à l’œuvre pendant les Trente Glorieuses et de l’antagonisme ancien/moderne, cette image révèle l’ossature métallique avec laquelle est construit cet immeuble, le premier de grande hauteur (19 étages) réalisé à Toulouse avec cette technique1 (architecte Jean-Pierre Pierron pour le compte de la Société Immobilière des Minimes, permis de construire de 1955). Il est aujourd’hui en travaux, souffrant depuis de nombreuses années de désordres structurels entraînant un risque d’effondrement des balcons.

Élévations sur le quai des Minimes et sur la rue du Maroc. Extrait du dossier d'autorisation d'urbanisme, 1955. AMT, 693W96.Peu engageant au premier abord, cet édifice s’impose dans le paysage des faubourgs par ses proportions et par l’uniformité de sa façade, simplement animée par les pleins et les vides des loggias et le motif de grille créée par l’ossature métallique. Il offre cependant des appartements agréables, grands, traversants, dotés de tout le confort moderne : celliers, salles d’eau et sanitaires séparés, penderies, et surtout des loggias, offrant une vue imprenables sur les toits de la ville et des Pyrénées pour les derniers étages. Il est le reflet de la modernité telle qu’on l’entendait à l’époque : se détachant des contraintes de la parcelle, surélevé sur une dalle, utilisant les nouveaux procédés de préfabrication afin de loger rapidement le plus grand nombre avec un coût maîtrisé.

Au cœur d’un quartier en pleine mutation, il fait l’objet d’un projet scientifique, culturel et artistique « Mémoire d’une tour et récit de chantier », porté par ses habitants et un groupe de trois professionnelles : une architecte, spécialisée dans l’histoire des grands ensembles, Audrey Courbebaisse, une vidéaste, Marie Salgas et une plasticienne, Marilina Prigent. Conduit à la fois sur l’angle de l’histoire de l’architecture, mais aussi sur le récit du chantier de réhabilitation actuel, il s’appuie sur des recherches en archives et sur les témoignages de ses habitants. Ce projet donnera lieu à une publication, des expositions sonores, visuelles et audiovisuelles.
Ce travail de mémoire, permettant aux habitants de se réapproprier leur lieu de vie et, au-delà, de changer le regard porté sur notre environnement est indispensable. Car il est plus facile de se débarrasser d’un pull qui gratte que d’un immeuble de 110 logements.

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1- CAUE 31, J.-L. Marfaing, dir. Toulouse 45-75, la ville mise à jour. Toulouse, Nouvelles éditions Loubatières, DOSSIER DE PRESSE Toulouse 45-75.pdf p. 8.

 
Édifice du 15 rue de Rémusat récemment rénové. Phot. Krispin Laure, 2022 (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie.

Secrets révélés


février 2022
Dans le cadre des campagnes de ravalement des façades du centre ancien de Toulouse, des chantiers permettent d’avoir de belles surprises et de faire avancer la recherche en matière de connaissance de la ville et des méthodes constructives. 
En 2021, des travaux ont été engagés sur un édifice composant l’angle au niveau des rues de Rémusat et du Sénéchal. Ce bâti présentait un rez-de-chaussée très remanié, ouvert par des arcades et une devanture de boutique en bois ; les étages étaient traités avec un faux appareil de pierre continu, laissant toutefois affleurer les encadrements en bois des fenêtres. Même si un œil aguerri pouvait deviner la construction en pan de bois cachée sous l’enduit, le décroûtage des façades a laissé apparaître les secrets de sa mise en œuvre : les techniques d’assemblage des bois qui pourraient dater du 17e siècle ainsi que les matériaux de remplissage de la structure. Édifice du 15 rue de Rémusat, détail du hourdi maintenu par les éclisses. Phot. Krispin Laure, 2022 (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie.

Le pan de bois est dit à grille, contreventé par des écharpes (pièces de bois obliques) et tournisses (potelets verticaux assemblés à une écharpe). Ce sont des « bois courts » qui  ont été mis en œuvre : les poteaux corniers n'ont qu'une hauteur d'étage et ne montent pas de fond.
Les bois sont assemblés à mi-bois ou à tenon et mortaise, parfois maintenus par des chevilles. L’assemblage à mi-bois est utilisé seulement pour les pièces horizontales, les sablières, lorsqu’elles se composent de plusieurs morceaux. 
Le hourdi, c'est-à-dire le remplissage, est en torchis : un agrégat de terre crue, paille, cailloux et tuileaux de brique d’une épaisseur de 15 à 20 cm. Il est maintenu par des petites lattes, dénommées éclisses, disposées parallèlement et fixées en force, au moyen d’encoches, entre deux poteaux. 
Sur les bois sont encore visibles les encoches à l'herminette (hachette servant à travailler le bois) permettant l'accroche de l’enduit. Une autre technique d’accrochage de l’enduit semble avoir été mise en place à un moment donné : des centaines de clous enfoncés partiellement, laissant dépasser leurs têtes de 2-3 cm, avaient été disposés sur la totalité des bois. Ce système avait dû être ajouté pour renforcer la tenue de l’enduit.
Un autre exemple connu à Toulouse de remplissage en torchis concerne la maison du 7 rue Peyras. Certains caissons du pan de bois ont conservé leur hourdi en terre crue et paille, alors que d’autres ont un remplissage de briques. Cette diversité est peut être due à des époques de construction distinctes impliquant des techniques différentes ou à des rénovations du pan de bois. Cet édifice se caractérise également par son enduit extérieur en plâtre.
Ancien garage de la rue de Périole, vue de la rampe d’accès des véhicules, aujourd’hui lieu d’exposition de la galerie l’Imagerie.  Phot. Krispin Laure, 2022 (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, IVC31555_20223100008NUCA.

Virages à 180°


janvier 2022

En 1924, Lucien Galy, mécanicien au faubourg Bonnefoy, fait construire un garage de réparation automobile au n° 22 de la rue du même nom. Peu de temps après, en 1933, son affaire prospérant, il fait édifier un deuxième garage à l’autre bout du pâté de maisons, donnant cette fois-ci sur la rue de Périole. Surmonté de deux étages occupés par des appartements, il ne se distingue que peu des autres immeubles de la rue, contrairement à la façade de la rue du Faubourg-Bonnefoy, surmontée du pignon à redents typique de l’architecture des garages de la 1ère moitié du 20e siècle. 
A partir des années 1920, on assiste à un boom de l’industrie automobile, qui a pour conséquence l’apparition de nouveaux types de bâtiment : les garages de réparation automobile et les parkings. Ces derniers voient leur nombre se multiplier dans les villes après-guerre, tels ceux des Carmes et de Victor-Hugo à Toulouse, témoins de la table rase qui régnait en maître chez les architectes et les urbanistes de l’époque. Après une période de croissance ininterrompue, le choc pétrolier met fin aux Trente Glorieuses et au temps de la « voiture-reine ». Les considérations écologistes actuelles encouragent ce mouvement. De nombreux garages et parkings sont détruits (voir récemment le parking souterrain de la place Belfort) ou adaptés : des places de vélos sont maintenant disponibles dans les parkings des centre-ville. D’autres cherchent aujourd’hui une nouvelle destination. C’est le cas de ces deux édifices qui accueillent l’un un torréfacteur depuis septembre 2020, l’autre une galerie-atelier d’art ouverte en 2018 rue de Périole. Ils ont ainsi fait l’objet d’une requalification a minima, conservant leurs façades des années 1930 et l’aménagement intérieur pour l’ancien garage Renault de la rue de Périole. La rampe d’accès des véhicules au 1er étage, aménagée dans les années 1960, créée ainsi un espace insolite destiné à l’accrochage des œuvres de la galerie d’art. 

A l’opposé de la destruction/reconstruction, la conservation et la réappropriation de ces bâtiments apportent de nombreux avantages en termes économiques et environnementaux, sans compter, considérations toute personnelle, le charme à la fois suranné et dans l’air du temps qui s’en dégage. Bureaux, logements sociaux ou autres, les anciens garages et parkings aujourd’hui abandonnés sont modulables et adaptables à de nombreux usages(1). Alors, en voiture Simone !

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1 - Voir l’article de Paul Smith sur les édifices de l’automobile à Paris : https://www.pavillon-arsenal.com/fr/signe/12013-un-siecle-dimmeubles-pour-automobiles.html

Domaine de Guilhermy, le chai et ses cuves. 2010. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20103100612NUCA

Du vin, vingt Dieux !


décembre 2021
« Le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles, font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France » selon la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt n° 2014-1170 du 13 octobre 2014. Patrimoine immatériel incontestable de la France, la culture de la vigne, présente depuis l’époque gallo-romaine, s’est perpétuée à travers les siècles. Comme beaucoup d’autres, la région toulousaine a toujours produit du vin et possède des appellations d’origine protégées locales qui depuis quelques années s’affirment au niveau international. 
Au sein même de son territoire, Toulouse a toujours planté de la vigne. Il suffit, pour s’en assurer, de consulter aussi bien les cadastres anciens où sont recensées les nombreuses parcelles de vigne, que les photos aériennes qui, jusqu’au milieu du 20 e siècle, rendent compte de ce terroir. 
En effet, dans les années 1970/80, de nombreuses fermes entretenaient encore sur le territoire communal des terres viticoles leur permettant de produire quelques bouteilles destinées à une consommation personnelle. 
Le domaine de Guilhermy dans le quartier de Saint-Simon est un bel exemple de ce type de production. Associant maison de maître et parties agricoles, il conservait encore il y a quelques années, un chai dans lequel se trouvaient sept cuves en béton destinées à la vinification et au stockage du vin. Des inscriptions à la craie au revers de la porte du bâtiment permettaient de suivre la production de raisin en nombre de comportes sur une vingtaine d’années. Coopérative vinicole UCOVIN. 2013. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20133100196NUCA. Entre 1967 et 1977, une moyenne d’un millier de comportes est comptabilisée à chaque vendange avec un pic de 1308 en 1970 ! La chute drastique de la récolte à partir de 1977 (moins de 90 comportes) pourrait s’expliquer par la vente de terres, conséquence de l’urbanisation galopante du quartier à cette époque. Toutefois, les vendanges ont été effectuées au moins jusqu’en 1988, dernière date apparaissant sur la porte (10 comportes).
Dans un autre style, les bâtiments de l'Union des coopératives vinicoles, devenus SICA Vins Midi-Pyrénées, aujourd’hui démolis, illustraient la production de vin à plus grande échelle. Construite en 1960 dans le quartier de Lalande, la cave présentait une esthétique mêlant béton et pierre de taille. La grande halle de 20 mètres de haut était accostée par un corps de bâtiment plus bas, mordant sur la façade. Loin de s'opposer, ces deux volumes si différents par leur forme et leur taille venaient se compléter. A l’arrière, dépassaient les grandes cuves de stockage.
Cette activité n’a toutefois pas entièrement disparu du territoire communal. En effet, la mairie de Toulouse, propriétaire depuis le début des années 1970 du domaine agricole de Candie, a fait le choix de poursuivre la culture de la vigne, pratique multiséculaire en ce lieu, et d’élaborer chaque année son millésime. 
Usine des parfums Berdoues dans le quartier des Minimes, détail du fronton. Phot. Krispin Laure, 2021 (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire, général Région Occitanie, IVC31555_20213100056NUCA.

Axe, laissez le charme agir


novembre 2021

Au rayon beauté pour homme des supermarchés, la marque s'est fait connaître par ses publicités au ton décalé qui célèbrent le pouvoir d'attraction de ses déodorants. Les scénarios, plus ou moins bien sentis selon les cas, promettent une avalanche de conquêtes au jeune homme qui en fait usage. 
Les parfums Berdoues au milieu du 20e siècle convoquent, eux, l'atmosphère des jardins fleuris et ensoleillés du Midi pour vanter leur « Violettes de Toulouse ». Ce best-seller est créé en 1936 par l'entreprise familiale fondée au début du 20e siècle par Guillaume et Pierre Berdoues. Coiffeurs à l'origine, ils ouvrent en 1909 une boutique de vente en gros de parfums dans la cour du 15 rue Lafayette, à l'arrière de leur salon de coiffure. Usine des parfums Berdoues dans le quartier des Minimes. Phot. Krispin Laure, 2021 (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire, général Région Occitanie, IVC31555_20213100054NUCA.De négociants, les Berdoues deviennent parfumeurs et les premiers laboratoires sont installés en plein cœur du centre historique, dans une partie des bâtiments de l'hôtel Maleprade (43 rue Gambetta). Le succès de leurs eaux de toilette leur permet de s'agrandir et de faire construire une usine dans le quartier des Minimes en 1939. Le bâtiment des anciens ateliers, le seul subsistant aujourd'hui, offre une architecture caractéristique de l'Art déco tardif, aux arrondis rappelant le style paquebot, tel qu'il se développe à Toulouse à partir des années 1930 et que l'on peut voir sur de nombreux immeubles de la période, 29 avenue Camille-Pujol (architectes A. Barthet et H. Bodet, 1935), 3 rue du Rempart-Villeneuve (1940, architecte Michel Munvez), ou encore sur l'immeuble de la caisse de retraite de la Société des Grands Travaux du Sud-Ouest (1939-1942). Pour en savoir plus sur l'architecture du 20e siècle dans la région, vous pouvez consulter le beau livre Rodez au XXe siècle. Les choix de la modernité ou attendre la sortie du numéro spécial sur l'Art déco en Occitanie de la revue Le Patrimoine, prévue pour les fêtes.

Alors ? Partant-e pour tester l'eau de toilette à la violette dans l'ascenseur avec le beau Bernard du bureau d'à côté ? 

3ème pont Saint-Pierre (1875-1929). Vue d'ensemble prise depuis le port Viguerie à Saint-Cyprien entre 1877 et 1907. Négatif en N&B, 13 x 18 cm. Eugène Trutat - Archives municipales de Toulouse, 51Fi 280.

Le pont Saint-Pierre… ou quand la Ville de Toulouse sable le champagne pour la 5e fois !


octobre 2021
Le 14 novembre 1987, le nouveau pont Saint-Pierre est inauguré avec feux d'artifice et flonflons par le maire, Dominique Baudis. Il s'agit du 5 e ouvrage érigé en ce lieu, pour relier le port Saint-Pierre au quartier Saint-Cyprien.
Pont Saint-Pierre, vue amont depuis la rive droite. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Midi-Pyrénées, 2013. 
Son histoire débute dans le 1 er quart du 19 e siècle, moment où l’urbanisation du territoire communal se développe peu à peu. Il fait suite à de nombreuses pétitions des habitants des quartiers périphériques désirant un accès facilité au centre-ville par la réalisation de nouveaux franchissements de la Garonne en amont et en aval du Pont-Neuf. En effet, ce dernier, seul pont encore en fonction à cette époque, est perpétuellement engorgé. 
En 1836, la municipalité décide alors la construction de deux nouveaux ouvrages : le pont Saint-Michel est ouvert à la circulation en 1844, et le pont Saint-Pierre est inauguré en 1852. 
Le conseil municipal recherchant avant tout une réalisation dans les plus brefs délais, pour « un accroissement du bien-être » selon la délibération de 1836, fait le choix du pont suspendu. Cette technique, mise au point en France par Marc Seguin, auteur en 1824 Des ponts en fil de fer, offre une exécution rapide et un coût moins élevé que les ouvrages maçonnés traditionnels.
Toutefois, cette décision est prise sans tenir compte de l'inconstance de la Garonne et de la violence soudaine de ses flots. 
Quatre ponts suspendus successifs sont construits en 130 ans : deux sont emportés par les crues en 1855 et 1875, et le 3 e est démoli à cause de sa vétusté en 1929. 
Avec l’augmentation permanente de la circulation dans la 2 e moitié du 20 e siècle, la Ville envisage la démolition du 4 e pont de fer, devenu inadapté. En effet, elle souhaite privilégier un pont permettant un accès routier à double sens entre la rive droite et la rive gauche de la Garonne. Le projet sélectionné après concours est celui d'un ouvrage d'art traditionnel à cinq travées, influencé par l’esthétique du pont Alexandre-III à Paris. Sa construction en 1986 met fin à l'ère des ponts suspendus à Toulouse.
"Plan d'une partie de l'église de Croix-Daurade et d'un escalier projetté pour monter au clocher, & élévation du banc de MM. les capitouls", plan aquarellé joint au "Devis d'un escalier à construire ; d'une cloche à refondre ; & d'un banc pour MM. Les capitouls à faire, à l'église de Croix-Daurade". 14 mars 1783, dressé et signé par J.-P. Virebent, ingénieur de la Ville. Ville de Toulouse, Archives municipales, DD325/1.

« Architectes : Tous imbéciles. Oublient toujours l'escalier des maisons »


septembre 2021

C'est ainsi que Flaubert en donne la définition dans son Dictionnaire des idées reçues (paru à titre posthume en 1913). Aussi incongru que cela paraisse, elle pourrait trouver son illustration lors de la construction de l'église de Croix-Daurade à la fin du 18e siècle. L'œil avisé et espiègle de l'archiviste a mis entre nos mains les plans et devis pour « la construction d'un escalier qu'on avois omis de faire pour monter au clocher de l'église de Croix-Daurade » dressés en 1780 par l'ingénieur et architecte de la ville Étienne Carcenac1. L'église de Croix-Daurade vient pourtant tout juste d'être édifiée, en même temps que celles de Saint-Simon et de Lalande, pour desservir des paroisses nouvellement créées dans des territoires en pleine expansion. L'église de Croix-Daurade, années 1900. Phot. Pierre Laffont, fonds Chamayou. Ville de Toulouse, Archives municipales, 18Fi110.C'est l'architecte de la ville précédent, Philippe Hardy, qui avait établi un premier devis en 1774 d'un montant de 26 000 livres, comprenant la construction de l'église, du presbytère et du cimetière2. Le devis est ensuite revu à la baisse, ne devant pas dépasser 17 116 livres : la chapelle des fonts baptismaux est remplacée par une simple absidiole, la seconde chapelle est quant à elle supprimée, de même que l'escalier d'accès au clocher3. Aussi, lorsque la corde des cloches rompt, le carillonneur est obligé de monter sur une échelle placée sur le toit du presbytère (à ce moment là contigu à l'église) pour sonner les cloches, ce qui, à force, abîme le toit4, sans compter le risque de se tordre le cou. Carcenac meurt peu après avoir dressé son devis, et c'est Jacques-Pascal Virebent, nommé au poste de directeur des travaux publics de la ville, qui prend la suite de l'affaire, et fait construire un escalier accolé au flanc gauche de l'église. Où l'on voit où mènent les restrictions budgétaires... 

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1 AMT, DD325, devis et plan daté du 12 septembre 1780, dressés par l'architecte et ingénieur de la ville Carcenac.
2 AMT, DD325, devis du 16 janvier 1774 dressé par Philippe Hardy, ingénieur et directeur des travaux publics de la ville de Toulouse. 
3 AMT, DD325, devis daté du 6 mai 1775 dressé par Philippe Hardy, ingénieur et directeur des travaux publics de la ville de Toulouse. 
4 AMT, BB59, f°2 : délibération du 11 février 1782.

La maison Chamfreau (1967/69), Pierre Debeaux, architecte. Archives départementales de la Haute-Garonne, Fonds Debeaux 189 J 127.

Des toits d’exception !


juillet-août 2021

Dans le quartier de la Côte-Pavée, au milieu des pavillons à l’architecture traditionnelle de la 1ère moitié du 20e siècle, se distingue une réalisation qui surprend par son modernisme. La maison Chanfreau, du nom de son commanditaire, a été bâtie entre 1966 et 1969 selon les plans de l’architecte Pierre Debeaux (1925-2001). Cet homme, passionné par la géométrie, le nombre d’or et autres mathématiques, a mis en œuvre une demeure à la toiture en spirale logarithmique ! Plus précisément, la maison à la toiture plate en béton s’enroule autour d’un patio central. Les pentes douces enherbées du toit offrent également l’espace d’un jardin suspendu. L’architecte développe et perfectionne ce type de toiture s’inscrivant dans un mouvement continu d’enroulement dans la maison Pham Huu Chan à Clermont-le-Fort (1970-1972) puis dans la maison Pradier à Lavaur (1976-1977). Bien dans son temps par l’utilisation massive du béton, il recherche toutefois toutes les possibilités de le tordre, de le compresser, de l’alléger pour lui donner des formes inattendues pour un tel matériau.La caserne Vion, le hall aux véhicules, Pierre Debeaux, architecte. Archives départementales de la Haute-Garonne, Fonds Debeaux 189 J 126.


Une autre œuvre toulousaine illustre parfaitement toute sa réflexion et son inventivité à ce sujet : le grand hall des véhicules de la caserne Vion (1966).

Véritable prouesse technique qui propose un espace de 800 m² entièrement dégagé, sans structure porteuse intermédiaire, grâce à une succession de figures géométriques complexes de type hyperboloïdes et paraboloïdes hyperboliques. 

Avec le matériau austère et lourd qu’est le béton, il créé une œuvre dynamique presque en suspension : sur les quatre piliers d'angles reliés à leur sommet par une large ceinture de béton repose une charpente métallique à trois dimensions auto-tendante amenant lumière et légèreté. Jusqu’à la fin de sa vie, Pierre Debeaux réfléchit sur ces structures non triangulées, les rendant toujours plus flexibles tout en modifiant leur forme à l’infini. Un des exemples de ce travail est la flèche en structure tridimensionnelle constituée de quatre mats reliés par des câbles tendeurs, signalant sur les allées Frédéric-Mistral le monument à la gloire de la Résistance de Toulouse.

Peu connu de son vivant, en dehors d’un cercle de professionnels, Pierre Debeaux voit depuis deux décennies son travail reconnu et mis en valeur auprès du grand public grâce à des publications présentant l’homme et son œuvre, mais aussi grâce à l’attribution du label Architecture contemporaine remarquable à 6 de ses œuvres (maison Chanfreau, caserne Vion, observatoire et bâtiment interministériel pour la RTF du Pic du Midi et château d’eau de l’hôpital Marchant) et à une protection au titre des monuments historiques (maison Pradier à Lavaur).

Meeting à la halle aux grains (1920-1940). Marius Bergé - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 85Fi221.

Du blé à la baguette


juin 2021

La baguette de pain est cette année candidate de la France au label hautement convoité du patrimoine mondial de l'UNESCO, dans la catégorie « culture immatérielle ». Mais, comme dirait la petite poule rousse, pour faire une baguette, il faut de la farine et pour faire de la farine, il faut des grains.
Dès l'époque romaine, l'approvisionnement des villes est centralisé dans des espaces dédiés, souvent sur le forum (d'où le mot « foire » dérive d'ailleurs). Ce regroupement a pour but de réglementer le commerce et d'éviter les escroqueries aussi bien que les disettes. Pendant l'époque médiévale, les halles se multiplient en même temps que s'affirme l'autorité municipale. A Toulouse, la première mention de la halle de la Pierre (du nom du matériau dans lesquelles étaient faites les mesures à blé) date de 1203 : située à l'angle de la place Esquirol actuelle, elle est toujours visible sur le cadastre de 1830. Grains, fruits et articles de boucherie y sont vendus. Les céréales constituent la base de l'alimentation de toute la population, constante que l'on retrouve sous l'Ancien Régime et jusqu'à la période contemporaine.
La création du canal du Midi, à la fin du 17e siècle, puis l'arrivée du chemin de fer (1857) et la construction du canal Latéral reliant Toulouse à Bordeaux (1856), favorisent le développement du commerce toulousain, dont celui des grains. La Municipalité décide alors de séparer le blé des autres denrées et de créer un lieu de vente spécifique qui serve également de lieu de stockage. La place Dupuy, entre le port Saint-Étienne, où sont déchargées les marchandises arrivées par le canal, et le marché de la Pierre, est le lieu idéal. Ce choix a aussi l'avantage de décongestionner le centre de la ville et de faciliter la création d'une large avenue à l'emplacement de la halle, qui vient pourtant tout juste d'être reconstruite dans une architecture à la Baltard de fer et de verre.
C'est d'ailleurs l’auteur cet édifice, André Denat, qui dresse les plans de la nouvelle halle aux grains. Construite de 1862 à 1864, elle  se présente sous la forme d'un hexagone pourvu de deux pavillons. Au rez-de-chaussée, la galerie est dédiée à la vente des grains au détail, le centre est quant à lui réservé au marché des négociants en gros. Les mesures, déplacées du marché de la Pierre, sont placées sur une estrade au fond du bâtiment. Au 1er étage se trouvent les magasins de dépôt pour les grains. L'architecte de la ville utilise ici aussi une structure métallique, mais cette fois masquée sous une maçonnerie traditionnelle de brique et de galet.
Claude François en concert à la Halle aux grains, 20 novembre 1965. A l'arrière, la structure en béton qui est venue remplacée l'ossature métallique d'origine. André Cros - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi2486.À la fin du 19e siècle, les modes de consommation changent et les citadins préfèrent acheter du pain plutôt que des grains, le bâtiment est progressivement réaffecté. Transformée en palais des sports et lieu de spectacle en 1946, la halle aux grains devient la salle de concert de l'orchestre du Capitole en 1971. Michel Plasson, enthousiasmé par les vertus acoustiques du lieu, y exercera sa baguette de chef d'orchestre jusqu'en 2003.
Le réinvestissement de lieux emblématiques du patrimoine, s'il ne vaut pas un classement au patrimoine mondial de l'UNESCO, permet de faire vivre des édifices délaissés et de les adapter à nos nouveaux modes de vie et de loisirs. Ce difficile équilibre entre le respect de l'édifice ancien et son adaptation à de nouveaux usages demande une grande finesse d'intervention. La halle aux grains, au moment de sa reconversion à la fin des années 1940, a ainsi perdu toute son architecture métallique intérieure, témoignant des techniques modernes de construction du milieu du 19e siècle.
Pour en savoir plus sur l'histoire des marchés toulousains, se reporter à l'excellent ouvrage des Archives municipales (Marchés dans la ville, 2009) ou bien se balader en suivant la visite virtuelle disponible sur UrbanHist : Toulouse gourmande.

Plan gravé. Plan de la promenade publique du Boulingrin (1752), dessin de Pin, gravé par Baour. Mairie de Toulouse, Archives municipales, II679/1.

Jeu de boules sur gazon dit boulingrin


mai 2021

En effet l'appellation boulingrin, qui nous semble très locale, vient en fait de l'expression anglaise bowling-green qui associe – pour ceux qui auraient quelques difficultés avec la langue de Shakespeare –  les termes « jeu de boule » et « gazon ». Elle désigne ainsi un jardin de gazon établi en creux, parfois entouré d'une bordure, destiné à l'origine au jeu de boules. Contrairement à l'Angleterre où la pratique de ce jeu existe encore, en France, le boulingrin est rapidement devenu un simple parterre gazonné, ornement végétal essentiel du jardin à la française.
A Toulouse, le boulingrin – qui constitue sans conteste le plus beau de nos ronds-points – est né au milieu du 18e siècle. Jardin du Grand-Rond : le bassin central et son jet d'eau venu remplacer le boulingrin dès 1828. Photo Jean-François Peiré © Inventaire général Région Occitanie, 1997, 19973101168XA.Réalisé dans le cadre des travaux d'embellissement de la ville, il met en scène des pièces de verdure ordonnancées propices à la promenade et au bon air.
Après de nombreux atermoiements, le projet retenu par les capitouls en 1751 est celui de Louis de Mondran (1699-1792), architecte et urbaniste. Ce projet se développe à l'extérieur des remparts sur l'ancienne esplanade dévolue initialement à la défense de la cité.
Le plan de Mondran s'inspire de la place en étoile créée en 1724 à Paris en haut des Champs-Élysées. Il se compose en effet d'un ovale central engazonné duquel partent six allées rayonnantes, à la fois lieu de promenade et axes de circulation. En parallèle, l'architecte avait imaginé la naissance d'un nouveau quartier avec la construction, de part et d'autre de ces axes urbains, de bâtiments aux façades uniformes comme cela s'est fait quelques années plus tard le long des quais de la Garonne ou autour de la place du Capitole et de l'actuelle place Wilson. Pour des raisons financières, seules les promenades sont réalisées.
Le chantier est supervisé par François Garipuy, directeur des Travaux publics des états du Languedoc. L'ouvrage est ouvert à tous : hommes, femmes et enfants ; ce sont plus de 3 000 personnes qui participent à la réalisation de ces promenades, éloignant d'elles pour un temps la disette si présente à cette époque.

Vue d'ensemble depuis l'est, 2013. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20213100022NUCA.

Tamponné, double tamponné


avril 2021

Avez-vous pensé à faire tamponner le formulaire B54 assurant le remboursement des frais de mission avant de partir sauver le monde Au service de la France ?
Symboles d’une administration confinant à l’absurde, les méandres de la bureaucratie s’incarnent dans ces formulaires, dûment tamponnés par les autorités ad hoc, que l’on peut voir dans Brazil de Terry Gilliam ou dans les Douze travaux d’Astérix.
L’explosion administrative qui a lieu au cours du 20e siècle engendre un nombre croissant de fonctionnaires et par là-même, un besoin important en immeubles de bureaux, lieux de l’exercice de l’administration.

Toulouse, entre les deux guerres, voit sa fonction de centre administratif se renforcer. Les administrations d’État s’implantent dans la ville, située au centre d’un vaste territoire encore rural. Ce mouvement s’amplifie après la seconde guerre mondiale avec l’entreprise de déconcentration des services de l’État. On compte ainsi près d’une trentaine de directions régionales à Toulouse dans les années 1960, telles que la caisse régionale de la sécurité sociale installée place Saint-Étienne dans un ancien hôtel particulier. Les directions départementales de l’URSSAF dans le quartier du Busca ou de la CPAM le long du canal du Midi, emménagent quant à elles dans des bâtiments nouvellement construits, pour ne citer que quelques-uns de ces nouveaux centres administratifs toulousains.
La construction d’une cité administrative, rassemblant en un même lieu diverses administrations d’État, est envisagée dès 1947. Elle voit le jour dans les années 1960, sur les anciens terrains de l’Arsenal, entre les boulevards Lascrosses et Armand-Duportal, sur la portion laissée libre par la faculté de sciences sociales nouvellement construite.
Élévation nord : entrée et salle de conférence. 2013. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20213100016NUCA.
Le bâtiment de l’Inspection académique est élevé entre 1959 et 1962 par l’Atelier des architectes associés, réunissant Pierre Viatgé, Fabien Castaing, Michel Bescos, Pierre Debeaux et Alexandre Labat. L’immeuble est soutenu par des pilotis de béton, largement visibles sur les façades latérales. Ils viennent enjamber du côté ouest le rempart médiéval dont la tour à proximité est intégrée dans le projet, et utilisée par les architectes pour recevoir le logement du concierge. L’entrée du bâtiment se fait par le nord, à côté de la salle de conférence, traitée comme un avant-corps en rotonde. Elle est recouverte d’un plaquage de brique d’un module inédit et repose sur un soubassement de galets, dialogue de la modernité et de la tradition.
L’Inspection académique a quitté cet édifice depuis quelques années déjà, et ce dernier est en cours de rénovation pour être transformé en résidence étudiante. Les autres locataires de la cité administrative vont, eux aussi, bientôt déménager dans le bâtiment Lemaresquier de l’ancienne école d’aéronautique à la Roseraie, laissant un vaste terrain libre en plein centre-ville.


Après la déconcentration puis la décentralisation, on est aujourd’hui dans une phase de dématérialisation de l’administration, phénomène encore amplifié par le recours massif au télétravail. Ainsi, on ne verrait plus nos deux Gaulois courir d’un étage à l’autre d’un bâtiment administratif mais errer de la touche 2 à la touche # des hotlines des administrations. Cette modernisation de l’administration aura sans doute un impact sur les bâtiments administratifs. Que vont-ils devenir ? Nombre d’entre eux sont des témoins importants de l’architecture des Trente Glorieuses, qui, à défaut d’être conservés et réhabilités comme celui de l’Inspection académique, méritent d’être étudiés1.

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1 Voir le numéro spécial d’In Situ, consacré aux architectures administratives 1945-2013

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Portail de l’église cathédrale Saint-Étienne, détail du gâble orné du motif de choux frisés. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle.

Choux frisés et autres décors de feuillage


mars 2021

Il n'aura échappé à personne que les différentes familles de cette brassicacée anciennement appelé crucifère (chou frisé, rave, fleur, chinois, brocolis, de Bruxelles…) sont très tendance dans la cuisine actuelle. Mais, à l'époque médiévale, le chou était également un élément de décor très prisé.
C'est un motif qui vient orner les chapiteaux, les couronnements (rampants des gâbles et pignons, pinacles), les frises, les appuis de fenêtres…tous les éléments d'architecture pouvant recevoir un décor.
Sa représentation évolue au fil du temps : de simple crochet - sorte de bourgeon d'où quelques feuilles s'échappent enroulées sur elles-mêmes -, le motif se déploie en groupes de feuilles larges et épaisses aux tiges côtelées. D'autres types de feuilles viennent se glisser parmi ces décors : plus lisses, telles les feuilles d'eau, ou de géranium, ou encore plus découpées, comme celles du chardon.

Le 15e siècle est la période où le cPortail de l'Hôtel de Bernuy, détail du couronnement. Phot. Sophie Fradier (c) Toulouse Métropole.hou frisé prend de l'ampleur, créant des jeux de lumière et d'ombre animant les façades. Il disparaît peu à peu, remplacé à la Renaissance par de nouveaux éléments décoratifs issus de la redécouverte de l'Antiquité.
À Toulouse, le flâneur attentif découvrira cet ornement essentiellement sur les façades des églises médiévales, rampant le long des gables, ces couronnements de forme triangulaire, qui coiffent les portails et dont le pinacle parachève la composition. Notre-Dame-du-Taur en présente un exemple caractéristique tout comme celui, plus animé de la cathédrale Saint-Etienne où les feuilles de choux sculptées en abondance se redressent et s'affirment sur de nombreux éléments.
Certains portails d'hôtels particuliers, tel celui de Bernuy, bien que tardif, présentent encore ce motif - ici aux enroulements très souples - à côté de la sculpture très antiquisante des médaillons à bustes. Les tours d'escalier, les encadrements des baies offrent également ces sculptures de feuilles épanouies ou recroquevillées, plus ou moins ciselées, souvent de grande qualité.
Il réapparaît au 19e siècle avec les courants néogothique et éclectique (Maison Seube, Castel Gesta…) avant que l'Art nouveau ne s'empare pleinement du végétal, puisant dans la nature une source d'inspiration infinie.

 
Maison Seube, vers 1910. Photographie noir et blanc. Dépôt de l'association des "Toulousains de Toulouse". Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi554.

Ça fout les jetons !


février 2021

Des portes qui claquent, des lumières fantomatiques aperçues par les passants… Pendant des années, la maison Seube, au bout des allées Paul-Feuga, près du pont Saint-Michel, fut le théâtre d'événements étranges et inexpliqués qui entretinrent sa réputation de maison hantée. Sa silhouette massive, ses faux mâchicoulis semblent en effet tout droit sortis de la littérature gothique du 19e siècle, des Mystères d'Udolphe d'Ann Radcliffe à La chute de la maison Usher d'Edgar Poe, romans dans lesquels la demeure est un personnage à part entière, ajoutant aux tourments de ses héros.
De nombreuses légendes ont couru sur la maison Seube, légendes dont la presse locale s'est fait l'écho : l'édifice serait construit à l'emplacement de la maison du bourreau du Salin, un peintre y aurait assassiné son modèle, ou encore un groupe d'étudiants y seraient devenus fous. Construite à la toute fin du 19e siècle pour la famille Seube, la maison fut ensuite abandonnée et squattée. Elle était inoccupée depuis des années lorsqu'un incendie se déclara en mai 1980. Fort heureusement, les dégâts ne furent pas irrémédiables et sa protection au titre des monuments historiques intervint peu après.

Construite sur deux rues aux niveaux différents, elle donne l'impression d'être entourée de douves, tandis que les petites ouvertures dans le soubassement rappellent les meurtrières des châteaux médiévaux. L'entrée principale se trouve sur les allées, magnifiée par une lourde porte en bois, à l'encadrement en pierre surmonté d'arcs en accolade couronnés de pinacles et ornés de choux frisés, dans le plus pur style du 15e siècle. L'entrepreneur chargé de la construction, Jean Larroque, a rapporté que cet encadrement en pierre proviendrait de Bruniquel et serait un remploi d'un authentique vestige du 15e siècle. Copies, remplois, difficile de démêler le vrai du faux dans ce chef d'œuvre de l'« architecture de pastiche »1.

Maison Seube, détail du chapiteau sculpté d'une fenêtre géminée. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20213100002NUCA.La maison Seube représente incontestablement un véritable répertoire des formes de l'architecture toulousaine à travers les siècles : les fenêtres jumelées aux chapiteaux sculptés s'apparentent à celles que l'on peut encore voir sur la maison « romano-gothique » de la rue Croix-Baragnon (fin du 13e, début du 14e siècle), les fenêtres à traverse en pierre portant des culots sculptés sont plutôt une libre réinterprétation de celles de la fin du 15e siècle, de même que les frises de faux mâchicoulis dont l'usage se maintient au 16e siècle. Le comble à surcroît percé de mirandes est quant à lui un des lieux communs de l'architecture du 17e siècle à Toulouse. L'intérieur n'était pas en reste : les cheminées étaient faites avec des sarcophages de style paléochrétien, et les murs décorés d'inscriptions latines. Henri Rachou, peintre et conservateur du musée des Augustins à partir de 1903 (c'est lui le fameux peintre qui aurait assassiné son modèle dans la maison), a, semble-t-il, participé à l'élaboration des plans de cette demeure, tout comme l'épouse du commanditaire et ses trois filles.
Véritable manifeste d'un éclectisme régionaliste, les différents emprunts historicistes ajoutent à l'« inquiétante étrangeté » qui peut se dégager de l'édifice. Les rumeurs les plus effrayantes ont couru sur cette maison, jusqu'à ce qu'un chasseur de démons confirmé, spécialiste des maisons hantées et des phénomènes paranormaux, annonce en 2017, que non, la maison Seube n'est pas hantée2.

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1 Paul Mesplé, « L'architecture de pastiche à Toulouse », L'Auta, mars 1978, p. 66-80.
2 Lire l'article L'immeuble aux mille légendes dans La Dépêche du Midi, du 28 octobre 2017.

 

IVC31555_20093101338NUCA : Immeuble de bureaux ouvrant sur la rue du Languedoc. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, 2009. IVC31555_20093101338NUCA

Et patati et patata…


janvier 2021

Cette onomatopée qui reproduit le son des bavardages qui grondent –  tel le bruit des sabots d'un cheval au trot –  illustre bien les discussions houleuses (allant jusqu'au jet de tomates !) qui se sont déroulées le 13 décembre 1964 lors de l'inauguration du nouveau marché des Carmes par le maire de la ville, Louis Bazerque.

La structure de fer et de verre, inaugurée en 1892, avait été démontée par les engins de chantier un an auparavant. Érigée d'après les plans de l'ingénieur Charles Cavé, la halle métallique présentait un plan octogonal. Surmontée d'un dôme central couvert d'ardoise et vitrée dans sa partie basse, l'ossature métallique se composait d'une charpente en fer et de colonnes en fonte. Quatre pavillons d'entrée monumentaux couronnés par des frontons et ornés par des éléments décoratifs en terre cuite (fleurs, cabochons, palmettes, feuilles d'acanthe, rinceaux, têtes d'animaux…) scandaient les différentes entrées de l'édifice.

26Fi573 : Vue d'ensemble du bâtiment prise depuis la rue du Languedoc. Reportage n° 17091. Phot. Jean Dieuzaide. Ville de Toulouse, Archives municipales, 26Fi573.
 

Fragilisé par un défaut d'entretien, l'édifice se dégradait peu à peu, engendrant parfois de graves incidents, comme en juin 1949 la chute sur le trottoir, d'une hauteur de 6 mètres, d'un chapiteau en fonte de plus de 50 kg.

Le nouvel édifice dessiné par l'architecte Georges Candilis occupe, quant à lui, presque entièrement la place et rassemble plusieurs fonctions : un marché au rez-de-chaussée et ses réserves en sous-sol, un parc de stationnement aérien et un immeuble de bureaux s'élevant sur la rue du Languedoc. Pour ce faire, l'architecte a associé un cylindre composé d'un plancher en béton s'enroulant sans interruption sur six révolutions et demie autour d'un noyau central creux et un parallélépipède de cinq étages dont la façade de verre a été rehaussée par un brise-soleil métallique au motif géométrique.

Une campagne de restauration effectuée en 1999 par les architectes Almudever et Lefebvre a permis le réaménagement des abords et des intérieurs de l'édifice. Le marché-parking des Carmes a été distingué pour la qualité de son architecture en 2016 en recevant le label « Architecture contemporaine remarquable ».

Passerelle des Soupirs, 2010. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20103100721NUCA.

La passerelle des soupirs


décembre 2020

Soupirs de douleur poussés par l’amant éconduit. Soupirs d’ennui face à une conversation qui s’étire. Soupirs de plaisir après une légère ivresse qui fait danser les ombres. Soupirs de fatigue quand le monde vous tombe dessus. Soupirs de dépit devant le téléphone qui sonne dans le vide. Soupirs des condamnés qui voient Venise pour la dernière fois.

Le pont, ou plutôt la passerelle dont il est question ici, ne conduit pas à une prison, mais relie les quartiers du Busca et de la Côte Pavée à Toulouse en passant au-dessus du canal du Midi, dans le prolongement de l’allée des Soupirs au Grand-Rond.

La construction du canal, à la fin du 17e siècle, permet effectivement de raccorder la Méditerranée à la Garonne, Sète à Toulouse, mais il créé une séparation entre les quartiers situés au nord-est de la commune et le centre de la cité. En 1674, six ponts l'enjambent : ceux des Minimes, de Matabiau, de Guilheméry, de Montaudran, des Demoiselles, ainsi que celui du Petit Gragnague, disparu au moment de la construction des Ponts-Jumeaux. En raison de l'urbanisation des faubourgs, de nouveaux ponts et passerelles sont édifiés au cours des 19e et 20e siècles, amenant le nombre de ces ouvrages de franchissement à 24.

C’est l’entreprise parisienne de François Hennebique, auteur d’un système constructif et commercial révolutionnaire dans le domaine du béton armé, qui remporte en 1900 l’adjudication pour la construction de la passerelle des Soupirs. Débutée en 1902, sa construction ne dure que quelques mois.

Vue d'ensemble de la passerelle des Soupirs en construction, cliché réalisé en amont de la passerelle depuis la rive gauche du canal du Midi. Photographie noir et blanc, 1902. Ville de Toulouse, Archives municipales, 1Fi10045.

Ouvrage d’art d’une grande technicité constitué d’un seul bloc de béton pour une portée de voûte de 42 mètres, il est formé de deux arcs parallèles espacés de 80 centimètres, recouverts d’une dalle allant d’1,50 mètres en son milieu à 2,90 mètres aux extrémités. Un escalier à deux volées adossées en permet l’accès à chacun des deux bouts. Réalisée au même moment que le pont de Châtellerault (Vienne), l’un des premiers ponts en béton armé dont la portée dépasse 100 mètres grâce à ses trois arches (et aujourd’hui classé au titre des monuments historiques) et deux ans avant la construction de la passerelle Mativa à Liège, ouvrage exceptionnel par la finesse de son tablier, avec seulement 35 cm d’épaisseur à la clé, la passerelle des soupirs est un des jalons importants de l’histoire de la construction en béton armé de la maison Hennebique.

L’origine de son nom n’est pas connue, mais quoi de mieux qu’un soupir pour exprimer le passage d’une rive à l’autre, ce souffle de l’âme trahissant nos émois ?

 
Vue générale du nord de Toulouse prise depuis la tour Guillaume Carreri,1855. Tirage du calotype original réalisé en 1978 par Jean Dieuzaide. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 26Fi165.

Points de vue, images de Toulouse !


novembre 2020

Sans vouloir parodier le titre d’un célèbre magazine people d’après-guerre, il est vrai que Toulouse offre de multiples points de vue qui ont permis de tout temps de découvrir la ville autrement. En effet, il est frappant encore aujourd’hui de voir jaillir au-dessus des toitures de tuiles, à côté des campaniles, de nombreuses tours couronnées d’une terrasse. Ces dernières sont l’œuvre de puissants personnages : les capitouls – conseillers municipaux de l’Ancien Régime – riches marchands ou encore parlementaires, et illustrent la grandeur de leur statut et parfois la hauteur de leurs ambitions !

Ces belvédères, qui quadrillent le centre ancien, offrent des vues panoramiques imprenables.

Cette photographie, datant de 1855, illustre parfaitement cet état des choses. Prise depuis la tour de l’hôtel Baderon-Maussac – démoli lors de l’ouverture de la rue Ozenne – elle montre cet intérêt de toujours porter un autre regard sur la cité environnante et de découvrir ce qui est peu ou pas visible depuis la rue.

En effet, il est frappant de voir qu’au centre de cette image en noir et blanc s’élance vers le ciel une autre tour, celle de l’hôtel Dahus, alors qu’à l’arrière est reconnaissable le clocher de la cathédrale Saint-Etienne.Hôtel Dahus Tournoer, façade principale sur cour depuis la rue Ozenne, 2020. Phot. Chaillou, Mélanie, Toulouse Métropole.

Cet hôtel, appelé aussi hôtel Tournoer, dont la construction démarre à la fin du 15e siècle, a connu de nombreux remaniements jusqu’à la disparition d’une partie de ses corps de bâtiments. Effectivement les travaux, finalisant la dernière percée toulousaine qui mène du marché des Carmes au jardin des Plantes, emportent dans les premières années du 20e siècle le jardin, les bâtiments de service et la partie ouest du corps médiéval composant l’hôtel.

Les vestiges actuels comprennent le corps de logis érigé pour le capitoul Pierre Dahus dans les années 1460/1470 ainsi que la tour d’escalier bâtie à partir de 1530 pour Guillaume de Tournoer et achevée au 17e siècle par l’érection des deux derniers niveaux et de la tourelle permettant l’accès à son sommet.

Il faut alors imaginer que, depuis cette terrasse, de nouveaux points de vue d’où file le regard sont possibles !

Il est à noter que depuis le début du 20e siècle, le parapet a retrouvé son couronnement crénelé souligné de faux mâchicoulis, tout comme le logis, ses anciennes croisées. Ces restaurations néo-médiévales sont réalisées par l’architecte de la Ville avant la vente de l’hôtel à la Caisse régionale du Crédit Agricole qui l’occupe toujours.

10 rue du Pont de Tounis, agrafe sculptée de la porte cochère, 2006. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20063100016NUCA.

Boire un coup


octobre 2020

Profitant des derniers rayons de soleil à la terrasse d’un bistrot (ça, c’était dans le monde d’avant), devisant entre gens de bonne compagnie tout en savourant une bière fraîche, bio peut-être, locale sûrement, on ne se doute pas que la capitale du sud-ouest, plus connue pour son cassoulet et son vin rouge, a abrité une douzaine de brasseries dans les années 1860, apogée d’un phénomène qu’on appellerait aujourd’hui la microbrasserie.
En 1807, on trouve cette mention dans l’annuaire de la Haute-Garonne : « Plusieurs brasseries se sont établies depuis quelques années à Toulouse, et l’on ne croyait pas à la possibilité d’en établir dans un pays où la cherté du houblon que l’on est obligé de tirer des départements du nord et de l’Allemagne, devait être un obstacle difficile à vaincre. Il est à désirer que cette plante, cultivée dans le pays et devenue commune, soit à un prix qui réduise celui de la bière à la proportion dans laquelle il doit se trouver avec le prix du vin »1. Les brasseurs toulousains, au 19e siècle, sont en majorité des Alsaciens, émigrés à Toulouse après les guerres révolutionnaires et impériales, qui apportent avec eux leur savoir-faire.

La rue de la Brasserie, au Grand-Rond, doit son nom à la fabrique de bières Stoll2 qui s’y installe au tout début du 19e siècle et dont les locaux sont transformés en immeuble en 1898. La plus importante brasserie toulousaine, celle des bières Montplaisir, est fondée en 1885 par les frères Stieber dans le quartier Busca-Montplaisir, juste à côté de la maison Labit. Dans les années 1950, le prix de la bière concurrence effectivement celui du vin, malgré des matières premières étrangères à la région : l’orge provient des départements du centre, le houblon d’Alsace et surtout d’Allemagne et de l’ancienne Tchécoslovaquie3. En activité jusqu’aux années 1970, la brasserie Montplaisir absorbe peu à peu les petites industries familiales, avant d’être à son tour avalée par les grands groupes industriels et de céder la place à des immeubles.
4 rue de Belfort, agrafe sculptée de la porte cochère, 1995. Phot. O. Balax, (c) Inventaire général Région Occitanie, 1995, IVR73_199531000420ZA.Un masque grimaçant et un roi de la bière joufflu offrent aujourd’hui aux passants le souvenir de l’activité brassicole toulousaine. Rue du Pont de Tounis, au n° 10, le portail est couronné par un personnage à la longue barbe, tenant une chope d’où s’échappe de la mousse, un tonneau à la place du ventre, des lianes de houblon et des épis d’orge à ses côtés. La tradition l’identifie à Gambrinus, roi mythique de Flandre et de Brabant, inventeur de la bière et devenu patron des brasseurs. Rue de Belfort, c’est un mascaron couronné d’orge et de houblon qui surveille de son visage grimaçant les entrées et les sorties de l’ancienne brasserie alsacienne Debs.
Comme le souhaitait le rédacteur de l’annuaire de 1807, le houblon est aujourd’hui cultivé localement, et on assiste à un renouveau d’une bière artisanale de qualité, à consommer sans excès, bien entendu, et chez soi, en attendant la réouverture des cafés.

 

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1 Cité par P. Salies, Dictionnaire des rues de Toulouse, Toulouse : Ed. Milan, 1989, t. 1, p. 185.
2 Archives municipales de Toulouse, 1O 16/7, années 1804-1823, Dossier concernant la construction par Juste Stoll d'une brasserie.
3 J. Coppolani, Toulouse au XXe siècle, Toulouse : Privat, 1962, p. 235.

Vue aérienne de l'hôpital Rangueil, années 1980. Pôle image de la direction de la Communication - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 2Fi1905

T'as mal où ? Mal au cœur, mal à la tête mal partout !


septembre 2020

Ces paroles d'une chanson de Françoise Hardy permettent d'introduire sans trop de difficulté cet article sur l'hôpital de Rangueil, dont l'histoire démarre à la toute fin des années 1950.
Les ordonnances Debré de 1958, relatives notamment à la création de centres hospitaliers et universitaires (CHU), à la réforme de l'enseignement médical et au développement de la recherche médicale, sont à l'origine de la création d'un nouvel établissement public de soins à Toulouse.
Saisissant les opportunités offertes, le Doyen Guy Lazorthes (1910-2014) s'empare du dossier et présente au conseil de la faculté de Médecine et à la commission administrative un rapport démontrant la nécessité de faire face à la progression croissante des besoins sanitaires et du nombre d'étudiants en médecine à Toulouse. En effet, à cette époque, la ville fait face à une augmentation constante de la population, due notamment au développement économique du territoire. Les hôpitaux historiques de l’Hôtel-Dieu et de la Grave, ainsi que celui de Purpan du début 20e siècle, alors très vieillissants, peinent à répondre aux besoins sanitaires.

Hôpital Rangueil avec au premier plan la faculté de médecine, 30 octobre 1975. Pôle image de la direction de la Communication - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi2013/2.Le nouvel hôpital universitaire est déclaré d'utilité publique le 1er octobre 1963 et des terrains sont achetés par le ministère de l'Éducation nationale. Les travaux confiés aux architectes Paul de Noyers et Noël Le Maresquier démarrent en 1969 et se poursuivent jusqu'en 1975, date à laquelle la ministre de la Santé, Mme Simone Veil, inaugure l'établissement. Celui-ci mêle les techniques de soins les plus modernes tout en proposant un accueil le plus agréable possible pour les patients et leur famille.

Le CHU de Rangueil est implanté sur un terrain de 35 hectares environ sur les coteaux de Pech-David, surplombant la ville, à 230 mètres d'altitude. A ses pieds s'organisent sur la pente douce de la colline, la faculté de médecine en lien direct avec l'hôpital. Ce dernier se compose d'un ensemble de grandes barres de 8 à 10 étages reliées entres elles par les sous-sols  (plateaux médico-techniques) et distribuées par un bâtiment d'accueil en R+1. Très ouvertes vers l'extérieur, les façades alternent les éléments vitrés et les pans de murs couverts de briquettes rouges.

Depuis le début des années 2000, le site historique de Rangueil connaît un important programme de réhabilitation et de renouvellement architectural avec notamment la construction du bâtiment H3 inauguré en 2011 et dénommé « Guy Lazorthes », en hommage à l'initiateur du premier CHU toulousain.

La caserne Pérignon vers 1903. Carte postale, Trantoul A. (photographe) ; Labouche Frères (éditeur). Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi5389.

À vos ordres !


juillet-août 2020

Se loger, se nourrir, s'entraîner, se soigner, voici un aperçu des fonctions auxquelles doit répondre la caserne, lieu de regroupement des soldats dans la ville. Dortoirs, cuisines, écuries, infirmerie, bureaux, place d'armes en sont les incontournables. D'abord logés chez l'habitant, ou dans des maisons loués à des particuliers, les militaires s'installent bien souvent après la Révolution dans d'anciens édifices religieux devenus biens nationaux. Le Grand Séminaire rue Valade, ou encore le séminaire de la Mission place de la Daurade, accueillent ainsi le logement des troupes lorsque la ville devient une place stratégique dans les affrontements des armées révolutionnaires puis de l'Empire, avec l'Espagne1. Toulouse devient une ville militaire et garde ce rôle durant tout le 19e siècle. Fonderie, arsenal, poudrerie, hôpital militaire et bien sûr casernes sont installés dans la cité. L'institution militaire adapte tant bien que mal ces bâtiments à leur nouvelle destination, mais ils se révèlent vite insuffisants pour une garnison qui atteint plus de 5 000 hommes en 18412. L'État, avec l'aide de la municipalité, décide alors de faire construire des édifices voués spécifiquement au casernement. La caserne de Compans est la première à être construite, en bordure des anciens remparts. Achevée en 1854, elle est complétée peu de temps après par une deuxième caserne. Le service militaire, obligatoire à partir de 1872, entraîne une forte augmentation des contingents et des besoins de logement. A la toute fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, ce sont les casernes Pérignon, dans le faubourg Guilheméry et Niel, dans le quartier Saint-Michel, qui sont édifiées. Basées sur plan centré dont l'axe de symétrie passe de l'entrée au pavillon de troupe en passant par la place d'armes, elles sont le reflet de la rationalisation de l'architecture engagée tout au long de ce siècle par la création de plans-type, traduisant dans un programme architectural cohérent les besoins auxquels doivent répondre les édifices publics. Ces bâtiments présentent des caractéristiques similaires : solin de pierre, chaînes d'angle et encadrement des baies en brique et pierre, toits brisés couverts d'ardoises, corniches à modillons en brique. Malgré un certain luxe donné à leur apparence, les casernes restent le lieu privilégié de la propagation des épidémies et on y observe une grande mortalité.
Ces édifices sont conçus pour loger un grand nombre d'hommes, certes dans la recherche d'une efficacité tactique associée à un caractère monumental, mais aussi dans un souci d'économie. En 1868, le commandant du VIe corps d'armée s'installe dans son nouveau palais, élevé à proximité du Grand-Rond, le palais Niel. Son coût de construction a largement dépassé l'évaluation d'origine en raison de sa richesse d'ornementation3 : Victoire ailée décorant le fronton du pavillon central ou encore génie de la Guerre sur les consoles des balcons. A l'intérieur, le décor est lui aussi remarquable : mosaïque, escalier d'honneur, décor de stucs néo 18e dans les salons de réception…
Un programme de recherche associant les universités de Toulouse-Jean-Jaurès et Bordeaux-Montaigne ainsi que l'École Pratique des Hautes Études, s'intéresse de près à ce patrimoine mal connu. Cela est d'autant plus nécessaire que les édifices militaires, désertés depuis la fin de la conscription et les différentes réformes de l'institution, souvent situés à proximité des centres villes, attirent les convoitises. Au cœur d'enjeux de recomposition urbaine et de redynamisation des villes, ils sont réhabilités et reconvertis en vue d'accueillir de nouvelles fonctions : bâtiments administratifs, équipements culturels ou bien encore résidence hôtelière dotée d'une piscine sur le toit.

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1 N. Meynen, « 1881, Carte des environs de Toulouse levée en 1880 et 1881 par M. Perrossier, chef de b[ataill]on au 126e, ancien officier d'état-major, et publiée sous les auspices de M. le G[énér]al Appert, commandant le 17e corps d'armée », in Toulouse 1515-2015. Atlas de Toulouse ou la ville comme œuvre,  Rémi Papillault dir., 2015 , p. 138.
2 N. Marqué, « Une ville en (r)évolution(s) ? (1815-1848) », in Histoire de Toulouse et de la Métropole, Jean-Marc Olivier et Rémy Pech dir., Toulouse : Privat, p.513-524,  p. 521.
3 N. Meynen, op. cit., p. 138.

Incendie du Printemps rue d'Alsace-Lorraine, le 11 mars 1964. André Cros - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi3181.

Feu le Printemps


juin 2020

Le 11 mars 1964, au centre de Toulouse, les pompiers luttent contre l'incendie qui ravage le grand magasin "Le Printemps". Ce dernier a pris la place de l'enseigne "Au Gaspillage" installé là depuis 1879, au moment où se développent les grands magasins. En effet, à partir de la fin des années 1870, les nouveaux aménagements urbains, s'inspirant des percées parisiennes, permettent de créer deux grands axes dans la ville, les rues d'Alsace-Lorraine et de Metz, le long desquels emménagent peu à peu les négoces les plus en vue. C'est l'opportunité pour les Toulousains d'accéder enfin au grand commerce de détail. Le premier d'entre eux est le magasin Lapersonne qui occupe pendant de longues décennies l'actuel bâtiment de Midica, place Esquirol.
A cette époque, la rue d'Alsace-Lorraine s'achève et offre de nouveaux écrins à ce type de commerce, véritable temple dédié à la consommation. Le plus marquant est sans nul doute le bâtiment situé au bout de la rue, palais de verre et de fer, dont l'intérieur se distingue par sa verrière monumentale et son grand escalier mêlant bois et ferronnerie de style Art nouveau. Inauguré en 1904 sous l'enseigne "Au Capitole", il fait une forte concurrence aux commerces déjà en place.

 

167. Toulouse. Rue d'Alsace-Lorraine : le grand magasin "Au Gaspillage". [Léon & Lévy] - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi12.

"La Maison Universelle", dont les portes ont ouvert en 1875, présente une façade majestueuse face au square du Capitole. Son créateur, l'entrepreneur Antoine Labit, n'a pas lésiné sur les pilastres à chapiteaux, les rotondes d'angle et la sculpture monumentale !
A quelques mètres de là, "Au Gaspillage", construit selon les plans de l'architecte Jacques Jean Esquié se distinguait par le traitement de son angle couronné par un fronton et sur lequel se concentrait l'essentiel du décor : colonnes cannelées, chapiteaux, panneaux sculptés comme le laissent voir les cartes postales anciennes. Le bâtiment fragilisé par l'incendie est rapidement démoli puis remplacé par un immeuble contemporain signé par l'architecte toulousain Pierre Génard.

Usine de chaussures Nougayrol, usine nationale de construction aéronautique, aujourd'hui lycée professionnel Gabriel Péri. Phot. Gisclard, Philippe (c) Inventaire général Région Occitanie, 1996, IVR73_19963100708ZA.

Quand on a trouvé chaussure à son pied…


mai 2020

Le monde industriel toulousain du 19e siècle et du début du 20e siècle se caractérise par une multitude d'ateliers, de fabriques, de manufactures, employant une importante main-d'œuvre dispersée dans de très petites ou moyennes entreprises. Loin des grands empires sidérurgiques ou textiles du nord de la France, les nombreuses « micro-industries » de la capitale méridionale n'en participent pas moins au développement industriel dans des secteurs aussi divers que la chapellerie, la chemiserie, les chaussures, les décors en terre cuite ou les vitraux, les machines agricoles ou encore la carrosserie1, avant d'être éclipsées par l'industrie aéronautique en plein essor.
Débutée au milieu du 19e siècle, la production de chaussures connaît un fort développement à partir de 1914, grâce à la demande militaire engendrée par la première guerre mondiale. Sa croissance se poursuit après guerre : 1928, on compte une cinquantaine d'usines et d'ateliers employant 3500 ouvriers. Subissant de plein fouet la crise économique, ce secteur ne compte plus que 1300 ouvriers en 1937. En 1961, il restait tout de même 38 entreprises employant 1400 ouvriers2.
Lors de la première campagne d'inventaire, dans les années 1990, huit bâtiments ayant abrité une usine de chaussures ont été recensés. Les édifices qui subsistent, s'ils n'offrent pas de formule architecturale nouvelle, présentent néanmoins les caractéristiques de l'architecture industrielle de la fin du 19e et du début du 20e siècle : de larges baies vitrées laissent entrer la lumière dans de grands espaces intérieurs, soutenus par des charpentes métalliques et surmontés de toits en shed.Usine de chaussures Nougayrol, usine nationale de construction aéronautique, aujourd'hui lycée professionnel Gabriel Péri, détail des fenêtres sur la rue Bégué-David. Phot. Noé-Dufour, Annie (c) Inventaire général Région Occitanie, 1996, IVR73_19963100708ZA.
Dans le quartier du Busca la fabrique Nougayrol, construite en 1915, fonctionne jusqu'en 1936. Elle possède une architecture particulièrement soignée : deux niveaux de larges fenêtres à meneau central et de fenêtres à croisées, surmontés d'un étage de mirande, référence à l'architecture traditionnelle toulousaine. Après avoir hébergé des activités liées à l'aéronautique, ces bâtiments accueillent depuis 1965 le lycée professionnel Gabriel Péri. D'autres manufactures ont été transformées en logements : l'ancienne usine de confection et de chaussures dans le quartier Saint-Aubin offre sur la rue Vidal une façade qui rappelle sans conteste son passé industriel. L'héritage de la production de chaussures à Toulouse se cache là où on l'attend le moins. En 1995, un collectif d'artistes s'installe dans une ancienne usine de chaussures dans le quartier de la Patte-d'Oie, les établissements Pons, repris dans les années 1960 par Myrys en activité jusqu'au début des années 1990. L'association ainsi créée prend le nom de Mix'Art Myrys en souvenir de son premier lieu d'installation.
Ces petites fabriques, si elles n'ont pas le caractère monumental des grands représentants de l'architecture industrielle toulousaine, tels que la manufacture des tabacs ou le paquebot de l'usine Job des Sept-Deniers, ont fait la richesse de la vie économique toulousaine du 19e au début du 20e siècle. L'architecture de ces bâtiments, leurs concepteurs (architectes ou maçons ?), leurs modèles et leurs adaptations, ou encore leurs insertions dans le paysage urbain, sont encore à étudier de façon plus précise.

 

1. Jean-Marc Olivier, « Les patrons toulousains sous le Second Empire : médiocrité ou méconnaissance ? » dans Toulouse, une capitale méridionale : 20 siècles de vie urbaine, Actes du 58e congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées (2008). Coll. Méridiennes, Toulouse 2009, p. 529-537, p. 531.

2. Jean Coppolani, Toulouse au 20e siècle, Toulouse, Privat, 1963, p. 213.

IVR73_20033100148NUCA : La fontaine de la place des Puits-Clos. Phot. Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Toulouse Métropole ; Inventaire général Région Occitanie, 2003, IVR73_20033100148NUCA.

Quand le puits clos devient fontaine


avril 2020

Selon l'historien Toulousain Jules Chalande (1854-1930), l'appellation "puits-clos", déjà présente au 14e siècle, viendrait d'anciens puits comblés. L'un d'eux se situait à l'angle de la petite rue Saint-Rome (actuelle rue Jules-Chalande) et de la rue Baronnie, au niveau actuel de la fontaine, place des Puits-clos.
La place dégagée dans la seconde moitié du 19e siècle, grâce à la démolition de deux maisons, présentait encore au début des années 1980 des murs pignons aveugles défigurés par des panneaux publicitaires.
La ville de Toulouse désireuse de mettre en valeur ce site fait appel à l'architecte des bâtimIRV73_20033100153NUCA : La fontaine de la place des Puits-Clos, détail de la statue. Phot. Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Toulouse Métropole ; Inventaire général Région Occitanie, 2003, IRV73_20033100153NUCA. ents de France, Bernard Calley, pour l'érection d'une fontaine. Ce dernier dessine un ensemble monumental occupant un mur entier. Les travaux sont achevés en octobre 1984.
L'idée de base qui préside à la conception de la fontaine est la réutilisation des colonnes du retable de la Dalbade datant du 18e siècle, récupérées après la chute du clocher de l'église dans la nuit du 11 avril 1926.
Monumentales, en marbre rose veiné de blanc, les quatre colonnes sont surmontées de chapiteaux corinthiens qui semblent supporter l'entablement et le fronton d'un temple grec. Elles se dressaient de part et d'autre d'une statue en bronze, aujourd'hui disparue. Il s'agissait d'un moulage de la sculpture en marbre de Pierre-Bernard Prouha (1822-1888) conservée au musée des Augustins représentant Psyché. A ses pieds, trois puits reçoivent l'eau distribuée par des déversoirs accolés au mur.
Cette réalisation postmoderniste s'inscrit dans un projet global d'embellissement de la ville et est à rapprocher d'une autre création de cet architecte réalisée dans ce cadre : la fontaine de la place Boulbonne.

Immeuble Bonzom, 19 rue Saint-Bernard, détail de la porte d'entrée. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin Laure. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, 2020. IVC31555_20203100007NUCA.

Edmond Pilette, un architecte au poil


mars 2020

Venu d'Armentières après des études à l'école des Beaux-Arts de Paris, l'architecte Edmond Pilette (1882-1979) s'installe à Toulouse au lendemain de la Première Guerre mondiale. L'essentiel de sa production, tournée principalement vers une clientèle privée, se fait entre les deux guerres. L'une de ses premières réalisations toulousaines, l'immeuble Bonzom, situé rue Saint-Bernard, se démarque dans cette rue composée dans sa première partie d'édifices de la fin du 19e siècle aux lignes encore très haussmanniennes. Il est construit en 1919-1920 grâce à une ossature de béton armé dont la trame est largement visible en façade et sur le dôme. Il utilise là un vocabulaire classique réinterprété grâce à des matériaux modernes. L’immeuble d’angle haussmannien se transforme : le béton vient remplacer la pierre des pilastres et l’ardoise de la toiture, dans une façade toute en courbes. Il s'agit là d'un des premiers édifices à Toulouse laissant le nouveau matériau apparent. Autre innovation dans cette ville de brique : celles choisies par Pilette ne sont pas en terre cuite, mais en ciment, matériau dont la production se développe à la fin du 19e siècle, mais d’utilisation peu courante dans la Ville rose. La porte de l’immeuble Bonzom est ornée d'un beau décor de mosaïque aux accents Art déco. La même inspiration préside à la réalisation de son agence rue d'Aubuisson (qui abrite également son appartement à l'étage) : même ossature en béton armé apparente, avec un remplissage de brique de ciment, mais ici le décor se rapproche de l'Art nouveau. On retrouve aussi les briques de ciment sur l’immeuble du 6 rue Peyrolières, à la façade Art déco animée par un bow-window.
Au Grand-Rond, Edmond Pilette est nommé mandataire du lotissement réalisé par M. de Gontaut-Biron, rassemblant les grands noms de l'architecture toulousaine de l'entre-deux-guerres. La menace de destruction de deux de ses réalisations, la maison Guignard et l'hôtel particulier Calestroupat, ont ému des associations de défense de l'architecture et ont conduit à l'inscription au titre des Monuments Historiques de l'ensemble du lotissement en 2018, reconnaissance officielle de ce patrimoine et de ses représentants toulousains : Edmond Pilette bien sûr, mais aussi les Gilet, Thuriès et autre Jean Valette.

La cathédrale Saint-Étienne depuis la place. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin Laure. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, 2012, IVC555_20123102510NUCA .

Voici venu le temps des cathédrales…


février 2020

Ces quelques paroles évoquent à tout le monde la célèbre chanson issue de la comédie musicale « Notre-Dame de Paris », dont le succès a été international. Mais si on parle de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, peu de gens en connaissent la singulière histoire.
La cathédrale Saint-Étienne résulte de plusieurs campagnes de construction qui s'étendent du 11e au 20e siècle. Un premier édifice roman est édifié à l'initiative de l'évêque Isarn, qui entreprend de réformer le chapitre de son église à partir de 1073. Des vestiges de ce bâtiment sont encore visibles au niveau de certains murs de la nef actuelle. Au début du 13e siècle, la cathédrale est rebâtie sur les fondations de l'ancienne : elle est large de 19 mètres et haute de 20 mètres. Seule la nef de cet édifice est encore conservée aujourd'hui. Elle est considérée comme le premier exemple du gothique méridional, qui prend toute son ampleur dans l'architecture de l'église des Jacobins.
Un demi-siècle plus tard, l'évêque Bertrand de l'Isle-Jourdain souhaite faire élever une nouvelle cathédrale qui doit rivaliser avec les grands édifices gothiques du nord de la France. Le plan de l'édifice conçu est très proche de la cathédrale de Narbonne, commencée peu avant. En 1272, la construction du chevet est commencée. Les travaux s'arrêtent à la hauteur du triforium (galerie supérieure) du chœur. Ce dernier est couvert d'une charpente provisoire dans l'attente de la poursuite des travaux.
Il faut attendre le 15e siècle pour que de nouveaux embellissements soient entrepris. Le portail de la façade occidentale, sous la rose, est orné de moulures portant un décor sculpté d'oiseaux, de feuillages de choux frisés, de dais destinés à recevoir des statues, aujourd'hui disparues. Au milieu du siècle, le chœur gothique est enfin raccordé à la nef romane.
En 1609, un incendie détruit la toiture du chœur de la cathédrale, qui n'était encore que la charpente provisoire. Des travaux de réfection sont entrepris sous la direction de l'architecte Pierre Levesville, qui fait élever à la hâte les voûtes d'ogives et leurs arcs-boutants.
Les dernières grandes modifications datent du 20e siècle, au moment où est édifié, par l'architecte en chef des Monuments Historiques, un portail monumental en pierre, sur la façade nord.
Bâtie par à-coups, en fonction des moyens financiers, des commanditaires et des maîtres d'œuvres, la cathédrale Saint-Étienne, avec son plan atypique du à son histoire est également un échantillonnage de dix siècles de styles artistiques dont la valeur a été reconnue par son classement au titre des monuments historiques dès 1864.

 

Élévation antérieure, étages. Phot. Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20203100004NUCA, 2020.

« Eh bien ! Oui, je veux vivre avec excès, dit l’inconnu en se saisissant de la peau de chagrin »


janvier 2020

Le héros de Balzac voulait éprouver les « intempérances », les « joies qui tuent », « les douleurs qui font trop vivre ». Quand il s'aperçoit que la peau de chagrin exauce effectivement tous ses désirs, mais en contrepartie le conduit toujours plus vite vers la mort, il regrette d'avoir accepté un tel pouvoir.
Ce pacte avec le diable, le maître-tanneur Buc l'a t-il signé pour que sa maison en pan de bois soit toujours debout plus de 200 ans après avoir été construite ? Et ce, malgré les interdictions répétées des capitouls ? En effet, Toulouse connut de nombreux incendies.  L'Élévation antérieure. Phot. Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20203100002NUCA, 2020. un des plus violents, en 1463, a brûlé plus des deux tiers de la cité, les nombreuses maisons en bois et en torchis faisant un combustible de choix. Les capitouls essayent alors de contrôler les nouvelles constructions et en 1555, les Toulousains se voient obligés de reconstruire en bonne maçonnerie de brique ; prescriptions reprises au 17e siècle, mais en réalité peu appliquées à l'exception des murs mitoyens. En 1744, un arrêt du conseil insiste une nouvelle fois sur l'utilisation de la brique. Puis en 1769, l'ordonnance générale de voirie interdit toute construction en pan de bois. Pourtant l'ingénieur de la ville, Philippe Hardy, en passant rue des Blanchers le 9 mai 1774, s'aperçoit qu'on a construit tout récemment la façade d'une maison en corondage et massecanat (c'est-à-dire en colombage avec un remplissage de brique). Hardy dresse aussitôt un procès-verbal qui aboutit à la condamnation des contrevenants : le maître-tanneur Buc, propriétaire, et les sieurs Taillefer, charpentier, et Mouynet, maçon, sont condamnés, le premier à détruire le mur de façade et à le reconstruire en bonne brique, les seconds à 100 livres d'amende.
Cependant, la rue des Blanchers fait partie du projet d'aménagement des quais alors conduit par la province du Languedoc. Les capitouls décident donc de renvoyer l'affaire devant cette administration. Il s'agit là d'une entreprise d'urbanisme d'envergure, comprenant des quais bordés de façades uniformes, deux ports et un canal de liaison. L'ingénieur de la province, Joseph-Marie de Saget, prévoit dans ce cadre l'alignement de la rue des Blanchers et, partant, le recul des maisons permettant d'agrandir et d'aérer la rue. Le manque de fonds et les problèmes d'acquisition des maisons à démolir et à reconstruire, se heurtant souvent à l'opposition des habitants, font traîner le chantier. Après les troubles de la Révolution, les travaux ne reprennent qu'a minima. De cette grande opération d'« embellissement » nous restent tout de même les quais de la rive droite de la Garonne, une partie des façades uniformes qui les longent, le canal de Brienne, le port Saint-Pierre et le port de la Daurade, qui viennent de faire l'objet d'une grande rénovation sous la direction  de l'urbaniste catalan Joan Busquets.  
On ne sait comment le maître-tanneur a fini sa vie, peut-être très heureux, entouré de ses enfants et petits-enfants, ayant bénéficié des lenteurs administratives et des désordres de la Révolution, et ainsi n'ayant eu ni à détruire ni à reculer la façade de sa maison. Ce qui est sûr en revanche, c'est que le héros de La peau de chagrin, après avoir tenté d'anesthésier ses sens, d'abord en se cachant au sein de la plus perdue des contrées d'Auvergne, puis au moyen des vapeurs d'opium, ne peut résister à la vue de sa bien-aimée et finit par mourir de désir.

 

Théâtre de la Cité, élévation de l'ancien conservatoire de musique sur la rue Saint-Cyr, Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin Laure. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20113101253NUCA, 2011.

Do ré mi fa sol LA si do ou l’apprentissage de la musique


décembre 2019
Ces sept notes de musique paraissent, même pour les non-praticiens, exister d'elles-mêmes. Elles sont toutefois l'invention d'un moine bénédictin, Guido d'Arezzo (11 e siècle), qui définit le système d'écriture de la musique en Occident. Celui-ci permet aux chanteurs d'interpréter un chant sans l'avoir entendu auparavant. Cette convention facilite la lecture et l'apprentissage de la musique.
Conservatoire de musique Xavier Darasse. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin Laure. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20123100841NUCA, 2012

À Toulouse, l'enseignement de la musique dans le cadre d'une école voit le jour à partir de 1820. Une vingtaine d'années plus tard, forte de son succès, cette institution devient une annexe du conservatoire de Paris. Elle occupe, jusqu'en 1993, des bâtiments aujourd'hui disparus, remplacés par  le théâtre de la cité, dont certains pans de murs ont été intégrés dans la création contemporaine d'Alain Sarfati.

Le conservatoire à rayonnement régional de musique, danse et théâtre de Toulouse, est nommé depuis 2018 «  conservatoire Xavier Darasse » en hommage à l'organiste et compositeur toulousain à ses locaux principaux situés rue Larrey. Il occupe l'ancien couvent des religieuses Notre-Dame-du-Sac délogées à la Révolution, et dont les bâtiments ont été ensuite attribués à un hôpital militaire devenu l'hôpital Larrey, du nom de Dominique-Jean Larrey, chirurgien de la grande Armée de Napoléon Bonaparte.
Scène de repas à la crèche du Taur, ancienne Maison de charité de Saint-Sernin, 73 rue du Taur. 1938-1940. Photographie Marius Bergé, Bulletin municipal de la ville de Toulouse, 1940. Marie de Toulouse, Archives municipales, 85Fi226 .

Quand on a du mal à joindre les deux bouts : bref panorama des lieux de la protection sociale


novembre 2019

Les pauvres (mendiants, vagabonds, clochards et une catégorie que l'on croyait voir disparaître, les travailleurs pauvres), s'ils ne sont pas à l'origine d'une architecture spécifique avant le 19e et surtout le 20e siècle, ont été pris en charge dans des lieux voués à l'assistance dès le Moyen Âge, dont on peut encore aujourd'hui retrouver la trace.
Jusqu'à il y a peu, l'aide aux plus démunis était avant tout une affaire de religion, liée à la charité chrétienne. Au Moyen Âge, elle s'incarne dans l'hôpital, fondation religieuse chargée de soigner les malades mais aussi d'accueillir les pauvres passants, les vagabonds ou les pèlerins. À Toulouse, les fouilles archéologiques menées au musée Saint-Raymond ont mis au jour les vestiges d'un hôpital fondé vers 1170. De l'autre côté de la Garonne, les hôpitaux Sainte-Marie de la Daurade (futur Hôtel-Dieu) et de La Grave sont connus dès le début du 12e siècle.
L'image du pauvre au Moyen Âge, instrument de salut pour les plus riches, change avec l'Ancien Régime : d'intercesseur privilégié avec le divin, il devient un personnage dangereux, menaçant l'ordre social. Le 17e siècle voit ainsi la transformation de l'hôpital en un lieu d'enfermement pour les pauvres, les enfants abandonnés, les vieillards et autres filles de joie. Le « bon pauvre », qui pour une raison quelconque ne peut travailler, mérite d'être secouru, tandis que le « mauvais pauvre » doit être puni et forcé à travailler.
Au tout début du 18e siècle, la première maison de charité est créée derrière l'actuelle Halle aux grains, dirigée par les sœurs de la Charité de Saint-Vincent de Paul. Grâce à de nombreux dons et legs, ces maisons se multiplient durant tout le siècle, assurant un secours à domicile et un service médical minimum dans les principaux quartiers toulousains. Elles ne disparaissent pas après la Révolution mais sont gérées à partir de 1845 par le bureau de bienfaisance jusqu'à leur laïcisation en 1903. Également administrée par les sœurs de la Charité, la première crèche toulousaine est créée en 1857 par Hippolyte Olivier, industriel et philanthrope, rue de Varsovie. En permettant aux mères de travailler, on cherche ainsi à supprimer un système jugé amoral d'aide sans travail, œuvre économique autant que de bienfaisance.
Durant tout le 19e siècle, les pouvoirs publics prennent de plus en plus le pas sur la charité privée dans le financement de l'assistance. C'est également à cette époque que l'hôpital se médicalise et perd sa vocation d'accueil des indigents.Détail des bains-douche de Saint-Cyprien. Détruits en 1994 pour y installer un commissariat. Seule la porte en fer forgé au monogramme VT (Ville de Toulouse) ornée de son enseigne « douches municipales » en mosaïque de gré-flammé a été conservée et intégrée dans le nouvel édifice. Phot. Soula, Christian (c) Inventaire général Région Occitanie, 1993, IVR73_19933100199XA.
Dans les années 1920, les services du bureau de bienfaisance se réorganisent, les dispensaires sont créés, assurant une assistance médicale gratuite et entreprenant de grandes campagnes de vaccination. En 1925, Étienne Billières, à la tête de la nouvelle municipalité socialiste, lance un grand programme destiné à la classe laborieuse et déshéritée d'amélioration de l'hygiène publique, d'enseignement, d'assistance et de protection des travailleurs, ainsi qu'une politique de construction de logements sociaux d'envergure : des bains-douches, des écoles, des cités-jardins et des immeubles collectifs sont construits, ainsi que la bibliothèque municipale et le parc des sports, avec l'idée de nourrir aussi bien l'esprit que le corps.

Alors que jusqu'au 19e siècle, l'architecture de l'assistance n'a pas de caractéristiques particulières, s'installant dans des maisons ne se différenciant pas des autres constructions, les réalisations de la municipalité socialiste, toutes conçues par l'architecte de la ville Jean Montariol, sont typiques de l'architecture des années 1930, dans un style Art déco très homogène, adapté au terroir toulousain. Ou quand les pouvoirs publics mettent l'art au service de grands idéaux...

Hôtel central des postes. Élévation sur la rue Kennedy, détail de l'horloge. Phot. L.-E. Friquart. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, nc, 2019.

Tri et courrier : la poste centrale de Toulouse


octobre 2019

La poste centrale de Toulouse, qui occupe aujourd'hui une grande parcelle traversante entre les rues Lafayette et Kennedy, est le résultat de deux campagnes de travaux de la fin du 19e siècle et du milieu du 20e siècle. C'est sur la rue Kennedy nouvellement ouverte que le le premier bâtiment est construit.
En mai 1884, une convention est signée entre l'État et la Ville pour l'établissement d'un grand hôtel des Postes et des Télégraphes. Toutefois, les travaux ne démarrent que quelques années plus tard, retardés par diverses difficultés, notamment des hésitations liées à l'abandon du site historique du service de la poste, rue Sainte-Ursule, et au nouvel emplacement convoité par la faculté Hôtel des Postes à Toulouse (Haute-Garonne), Joseph Thillet architecte. Extrait de "Monographies de Bâtiments Modernes", A. Raguenet, directeur, Paris, 38e livraison. Impr. F. Hermet, 70 rue de Rennes, Paris, 1890, Archives municipales de Toulouse, 38Fi9.des Sciences.

 

 

 

Le bâtiment sur la rue Kennedy est édifié entre 1886 et 1890 par Joseph Thillet lors du percement de cette rue, et ne possédait aucune sortie sur le square du Capitole. Pour agrandir le bâtiment du 19e siècle, quatre immeubles ont été acquis par expropriation sur la rue Lafayette. La construction est signée par Pierre Thuriès, architecte régional des PTT. Le bâtiment de Thuriès bâti entre 1939 et 1946 a reçu le Label "Architecture contemporaine remarquable" décerné par le ministère de la Culture. Ce bel ensemble a toutefois fait oublier la façade originelle donnant sur la rue Kennedy.

Cette façade entièrement construite en pierre de taille, ornée de bossage au rez-de-chaussée et à l'entresol, surprend par sa monumentalité. Elle se développe sur onze travées, plus deux travées latérales annexes bâties en brique claire. L'élévation se distingue par un corps central qui était couronné à l'origine par un fronton triangulaire et un toit en pavillon couvert d'ardoises. Sa travée centrale est mise en valeur par un portail monumental orné d'une agrafe portant les armoiries de la ville de Toulouse soutenues par des putti, avec de part et d'autre un médaillon gravé des lettres R et F pour République Française. Au-dessus, un cadran d'horloge est entouré par deux figures se tenant la main : Hermès, identifiable à son caducée, et une jeune femme, pouvant être la déesse Iris, tous deux messagers des dieux de l'Olympe. Cet ensemble sculpté est signé par l'artiste Toulousain Henry Maurette (1834-1898), auteur également de sculptures ornant la façade de la faculté mixte de Médecine et de Pharmacie et le fronton du palais Niel.

13 octobre 1960. Équipe du Toulouse Football Club. André Cros, Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi6504.

Des sceaux aux armoiries municipales, l'affirmation de l’identité communale


septembre 2019

Bien qu'il puisse paraître étrange de voir les sceaux érigés au rang de passion adolescente, au même titre que les Beatles ou les New Kids on the Block à une certaine époque, ils sont aujourd'hui reconnus comme une source essentielle de l'histoire médiévale. Force exécutoire et chargés d'authentifier les actes émis par la société médiévale, les sceaux portent des images accompagnées d'inscriptions, prouvant l'identité de l'individu ou de la communauté qui l'a créé.Premier grand sceau de la ville (1211). Moulage : Archives nationale, D 5681
Associé à un acte daté de 1211, le premier grand sceau de la ville de Toulouse, très abîmé, présente sur son avers deux édifices entourés d'une muraille, identifiés comme étant la basilique Saint-Sernin et le château des comtes de Toulouse. Sur son revers figure l'agneau pascal portant la croix raymondenque1. Premier sceau connu de la ville, il marque l'indépendance de cette communauté d'habitants qui s'est organisée en différentes assemblées pour gérer les affaires de la cité, se détachant peu à peu de la tutelle comtale depuis le serment réciproque passé entre les consuls et Raymond V en 1189.

Mis à part les fleurs de lis, ajoutées lors du rattachement du comté de Toulouse à la couronne de France, les composantes des futures armoiries de la ville sont présentes : Saint-Sernin et le château Narbonnais, emblèmes du bourg et de la cité, les deux noyaux de peuplement à l'origine de la commune de Toulouse ; la croix des comtes ainsi que l'agneau nimbé, provenant sans doute aussi de la maison comtale, rappelant l'origine du pouvoir communal.
École Bonnefoy (1893-1896), détail de l'écu municipal. Phot. Krispin Laure Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, non coté.Ce sont ces armoiries que l'on retrouve depuis le 14e siècle sur les actes émis par les capitouls ou sur les bâtiments communaux. Toujours d'actualité aux 19e et 20e siècles, elles sont visibles sur les écoles, les bibliothèques, le mobilier urbain ou même sur les cartes postales et les maillots des joueurs du TFC. Langage codé dont la signification s'est un temps perdue, le blason utilise des emblèmes et des symboles, rassemblant sur un seul support des signes prouvant l'identité, les différentes allégeances ou encore les aspirations de leurs créateurs. Aujourd'hui, les armes des villes sont le plus souvent remplacées par un logo, finalement d'une grande pauvreté sémantique, si on les compare au discours presque bavard porté par les armoiries - lorsque l'on sait les décrypter.

Certains événements les remettent cependant à l'honneur : après les attentats de Paris en 2015, les armes de la Capitale, accompagnées de la devise Fluctuat nec mergitur (« Il est battu par les flots mais ne sombre pas ») ont rallié derrière elles toute la population, matérialisant un esprit de corps et symbolisant la résistance au terrorisme.

1 Pour l'étude des sceaux de la ville de Toulouse, voir François Bordes, « Grands sceaux de la ville (13e-14e siècles) » dans Parcelles de mémoire, catalogue de l'exposition des Archives municipales de Toulouse, Toulouse, 2005, p. 113-117. Pour une étude des sceaux des comtes de Toulouse, voir Laurent Macé, La majesté et la croix, Toulouse : PUM, 2019.

Élévation sur la rue Gabriel-Péri. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20193100060NUCA, 2019.

Il y a 100 ans, une histoire de famille…


juillet 2019
En 1919, Joseph Ducuing lance la construction de son hôtel particulier et cabinet de consultation au 6 rue Gabriel-Péri. Les plans sont signés par A. Ducuing, architecte, sans nul doute Antonin, son frère.
A Toulouse, le nom de Ducuing est familier. Tout d'abord il y a Paul (1867-1949), l'oncle de Joseph et d'Antonin, sculpteur, artiste officiel de la Troisième République, dont on peut voir le buste de Jean-Jaurès au pied du grand escalier du Capitole. Puis vient Joseph (1885-1963), dont le nom, bien connu des Toulousains, a été donné en 1979 à l'ancien hôpital de Varsovie. Cet homme, professeur éminent à la pointe de la recherche médicale, notamment en matière de lutte contre le cancer, s'est également imposé par son engagement militant et humaniste auprès des réfugiés espagnols, et par ses liens étroits avec des Résistants lors de la Seconde Guerre mondiale.
Toujours en place, sa demeure bâtie il y a cent ans à l'angle des rues Gabriel-Péri et Castellane offre des élévations polychromes où se mêlent les couleurs de la brique et de la pierre. Elle se distingue par son imposant volume et affiche des façades oscillant entre une certaine modernité dans la simplification des formes, un goût pour le régionalisme et la persistance d'une tradition ornementale très dix-neuviémiste toujours en vogue à Toulouse au début de ce nouveau siècle.
Cette maison est le signe de la fin d'une époque emportée par la Grande Guerre, avant la naissance d'un esthétisme plus dépouillé, d'un retour à l'ordre et à la sobriété.
Mai-Juin 1938. Foyer du Peuple, 69 rue du Taur, où se tient une exposition documentaire sur la guerre d'Espagne. On y voit un groupe d'hommes - parmi lesquels l'aviateur Édouard Serre (au centre de l'image). Le 69 rue du Taur accueillera après guerre le siège du parti socialiste ouvrier espagnol. Ville de Toulouse, Archives municipales, 85Fi1803.

Toulouse terre d’envol, Toulouse terre d'accueil


juin 2019

En cette année 2019, deux anniversaires sont commémorés par la ville de Toulouse.
Il s'agit d'abord de célébrer les 100 ans du premier vol postal entre la France et le Maroc : partis de Montaudran, Pierre-Georges Latécoère et son pilote mettent 12 heures pour relier Toulouse à Casablanca, préfigurant la place incontournable de Toulouse dans le développement de la construction aéronautique. De nombreux lieux toulousains portent la trace de cette épopée : l'usine Dewoitine aux Minimes, aujourd'hui Airbus (l'entreprise fête également son 50e anniversaire), l'hôtel du Grand Balcon dans lequel logeaient les aviateurs, et bien sûr les usines Latécoère de Montaudran, transformées récemment en un lieu de mémoire et de transmission du patrimoine aéronautique toulousain. 
Le deuxième anniversaire, plus sombre celui-ci, commémore la Retirada, au cours de laquelle des milliers d'Espagnols ont fui en 1939 le régime du général Franco. 
Toulouse, capitale de l'aéronautique, est devenue pendant toute la durée du franquisme, de 1939 à 1975, la capitale du gouvernement républicain en exil, accueillant des milliers de réfugiés espagnols. Leur souvenir imprègne les rues toulousaines : au 71 de la rue du Taur était établie la direction nationale du syndicat des travailleurs espagnols. On y trouvait également le siège de l'association Solidaridad Democratica Española, proposant une aide matérielle, juridique et légale aux exilés socialistes en France et aux familles des clandestins persécutés par le franquisme. Juste à côté, l'actuelle cinémathèque abritait le siège du parti socialiste ouvrier espagnol et de nombreuses manifestations culturelles s'y déroulaient. La Croix-Rouge espagnole, quant à elle, s'était installée au 51 de la rue Pargaminières. Enfin, l'évocation de l'exil républicain à Toulouse ne peut se faire sans citer l'hôpital Ducuing, ancien hôpital de Varsovie, créé à l'origine pour soigner les guérilleros, et qui garda pendant longtemps sa vocation sociale et humaniste.

Un départ et une arrivée. Un patrimoine matériel et économique d'un côté, et de l'autre, un patrimoine immatériel, porteur à la fois d'une grande douleur et d'une grande fierté. Ces « remémorations » sont l'occasion de rassembler, au-delà des divisions, autour d'un héritage commun célébrant l'idéal républicain, plus que jamais d'actualité. Cet été, ne manquez pas  « Je suis né étranger », série de manifestations d'art contemporain organisées par les Abattoirs dans toute l'Occitanie pour le 80e anniversaire de la Retirada, avant d'aller admirer en septembre les photographies de Germaine Chaumel, Jean Dieuzaide, Enrique Tapia Jimenez et Marius Bergé, témoins privilégiés de cet exil, une exposition en plein air conçue par les Archives dans le jardin Raymond VI.

Lotissement des Castors des Ponts-et-Chaussées, vue des n° 13 et 15 rue de Saint-Gaudens. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20143100690NUCA, 2014.

Le lotissement des Castors des Ponts-et-Chaussées à Bagatelle


mai 2019

Le castor, ce rongeur aux grandes dents, animal bâtisseur par excellence, a donné son nom à un mouvement d'autoconstruction apparu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le pays tout entier est alors touché par une pénurie exceptionnelle de logements. C'est dans ce contexte qu'apparaissent les Castors, d'abord à Pessac, près de Bordeaux en 1948, puis à Nantes, Montluçon, Bayonne…
Les Castors sont des travailleurs, souvent issus de la même entreprise, aux revenus modestes et ne connaissant rien au monde du bâtiment, qui se regroupent en association dans le but de construire eux-mêmes leur maison. Le capital nécessaire est ainsi remplacé par un « apport travail », c'est-à-dire le temps de travail pris sur les congés et les loisirs, que les Castors sont prêts à investir dans le projet. Si le principe est identique, les réalisations diffèrent selon les terrains et les contextes : avec l'aide des offices HLM, du Crédit foncier de France, de la Caisse d'allocations familiales, des entreprises elles-mêmes ou des collectivités, en faisant appel ou non à un architecte.
À Toulouse, ville n'ayant pas été particulièrement touchée par les destructions de la Seconde guerre mondiale, on compte tout de même une petite dizaine d'opérations de Castors. Dans le quartier de Bagatelle, deux lotissements se touchent : celui des salariés de la SNCASE (Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Est, ancêtre d'Airbus), un peu plus ancien, et celui des fonctionnaires des Ponts et Chaussées (1954-1957). Ces derniers font appel à Viatgé, Castaing, Labat et Debeaux, alors jeunes architectes chantres de la modernité. Ils conçoivent 26 maisons allant du F3 au F6, disposées en quinconce, tirant le meilleur parti de chaque parcelle : tous les logements bénéficient ainsi d'une façade orientée au sud-est. L'architecture est modeste mais très soignée, une grande attention a été portée aux détails. Chaque maison est pourvue d'une loggia et d'un banc en béton intégré à la façade, rappelant les bancs placés devant les fermes ou les maisons de village. N'y a t-il pas d'ailleurs un lointain écho des maisons de maraîchers de la région toulousaine, maisons en rez-de-chaussée et comble, placées perpendiculairement à la voie et orientée au sud ?

 
Avec la politique des grands ensembles initiés ensuite par l'État, les mouvements de Castors disparaissent. À Toulouse, une enquête menée par l'École d'architecture permettra d'en savoir plus sur l'organisation de ces chantiers dans le contexte local et sur la vie en communauté qui prend dans certains cas la suite des travaux.
Sous-tendus par des valeurs de solidarité et d'entraide, les Castors peuvent être vus comme les précurseurs de l'habitat participatif, caractérisé par une prise en main, depuis la conception du projet jusqu'à la gestion des espaces de vie communs, par les habitants d'une même résidence. Cette démarche, qui semble avoir un grand avenir devant elle, est illustrée à Toulouse par un programme de 90 logements construits en 2018 dans le quartier de la Cartoucherie, l'une des plus grandes expériences menées à ce jour en France.

 

Élévation sur la rue des amidonniers. Phot. Peiré, Jean-François (c) Inventaire général Région Occitanie, 1994 IVR73_94310022XA_P

« Ciel mon mari ! »...


avril 2019
… Aurait pu s'écrier la dernière femme de Barbe-Bleue en entendant résonner les pas de son sinistre époux. Point de gorges tranchées ici pourtant, ni de discours sur le désir ou l'infidélité, mais une plante aux propriétés tinctoriales bien connues : le pastel. D'un jaune lumineux lorsqu'elle éclot, ses feuilles, une fois broyées, fermentées, séchées et chauffées, donnent aux tissus plongés dans leur bain un bleu profond. Bleu comme un ciel d'été, la barbe du monstre ou les yeux du prince. Le pastel à Toulouse voit son apogée entre le 15 e et le 16 e siècles, enrichissant de nombreux marchands spécialisés dans son commerce : Bernuy, Cheverry, ou encore Assézat, dont les noms évoquent aujourd'hui de somptueuses demeures. Cette prospérité est détrônée au 17 e siècle par l'indigo venu des Indes et du Nouveau Monde, au pouvoir colorant plus efficace. 
Au début du 19 e siècle, Napoléon Ier essaie de relancer la culture du pastel dans le Languedoc, afin de lutter contre la pénurie d'indigo provoquée par le blocus de l'Angleterre. La manufacture de bleu de pastel, dite indigoterie impériale, s'installe donc en 1813 aux Amidonniers. Elle emménage dans un bâtiment construit dans les années 1790 pour abriter un moulin à papier profitant de la force motrice du canal de fuite des moulins du Bazacle. Cette tentative de réimplantation du pastel ne survit pas à la chute de l'Empire en 1814 : au fil des ans, les savoirs-faire et les recettes se sont perdues, et les résultats obtenus ne sont pas concluants. L'éphémère manufacture laisse la place à une filature de coton, puis à une usine de fabrication de pâtes alimentaires avant d'être cédée au diocèse et d'accueillir l'église Saint-Paul. Menacé de destruction en 1990, l'édifice est sauvé in-extremis par une protection au titre des Monuments Historiques. Sa longue façade de brique aux fenêtres segmentaires offre aux passants un souvenir du passé industriel du quartier. Aujourd'hui lieu de culte, quel sera son avenir demain ? Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Immeuble Bancal. Élévation antérieure, détail. Phot. Balax, Olivier. Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, INV14_95310385ZA, 1995.

Gilet jeune


mars 2019

Fils et petit-fils d'architecte, Jean-Louis Gilet est le dernier représentant d'une dynastie qui a marqué de son empreinte la construction toulousaine.  
Son grand-père, Jacques Lacassin, est actif à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle ; il est notamment l'architecte de nombreux immeubles bordant la rue d'Alsace-Lorraine. Son gendre, Joseph Gilet, remporte à 28 ans le concours pour la construction de la caisse d'épargne sise rue du Languedoc. L'édifice, construit en 1905, présente un style éclectique, faisant référence à la fois au classicisme et au Baroque, le tout mâtiné d'Art nouveau. C'est encore l'Art nouveau qui caractérise l'immeuble s'élevant sur les allées Frédéric-Mistral avec son bow-window tout en courbes et contre-courbes. Dans les années 1920, son architecture se simplifie, les formes deviennent plus géométriques et les lignes droites se multiplient.
Son fils, Jean-Louis, le rejoint en 1930, après avoir été formé comme lui à l'école des beaux-arts de Toulouse puis dans l'atelier parisien de Victor Laloux (l'architecte de la gare d'Orsay). Immeubles, villas, établissements administratifs, hospitaliers ou scolaires sont édifiés par leur soin entre 1932 et 1943, pour lesquels il est bien difficile de discerner ce qui relève de la production du père ou du fils.
Immeuble Espitalié. Élévation antérieure. Phot. Krispin, Laure. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20193100033NUCA, 2019.Parmi les œuvres de cette période, deux immeubles se démarquent : celui construit pour abriter les établissements Bancal au n°54 de la rue Bayard (1932), et celui de M. Espitalié (1934), édifié au n°4 de la rue des Potiers, remarquables exemples à Toulouse d'un style moderne maîtrisé. Le béton est laissé apparent pour l'un, l'autre cachant son ossature en béton armé sous la brique mais faisant la démonstration d'une grande liberté dans les volumes. A la même période, Jean-Louis Gilet devient professeur à l'école des beaux-arts, œuvrant pour une plus grande autonomie de l'enseignement de l'architecture par rapport à la mainmise parisienne. Son investissement intellectuel se traduit également par la création de la revue l'Art Méridional, mettant en avant l'histoire de l'art, l'architecture et l'archéologie toulousaine (1).
Après la guerre, l'œuvre de Jean-Louis Gilet se fait moins prolifique et semble surtout moins innovante, l'architecte se tournant vers un style plus régionaliste (2). Néanmoins, la production des Gilet père et fils est reconnue, labellisée « Architecture contemporaine » dans de nombreux cas, et bénéficiant même d'une protection au titre des Monuments historiques pour une maison associant béton et esthétique « paquebot » dans le quartier Marengo, dont les plans sont attribués à Jean-Louis Gilet.

1. Pour en savoir plus sur le rôle de Gilet à l'école des beaux arts de Toulouse : https://chmcc.hypotheses.org/3684 : Laura Girad, Conjuguer enseignement et pratique libérale : la trajectoire professionnelle de Jean-Louis Gilet, Toulouse 1932-1951, consulté le 28/02/2019.
2. Elodie Sourrouil, Joseph et Jean-Louis Gilet, architectes (1876-1943) (1902-1964), mémoire de master 2 recherches, création artistique contemporaine, Université de Toulouse-Le Mirail, 2006.

33 rue d'Alsace-Lorraine, détail de l'angle. Phot. Patrice Nin. Ville de Toulouse, Direction de la communication, RTN15.53.6, 2015.

Le Grand Hôtel de l'empereur du foie gras


février 2019
Au n°33 rue d'Alsace-Lorraine, se dresse un immeuble portant un beau décor sculpté : des nymphes aux formes opulentes portent à leur bouche des grappes de raisin, des atlantes musculeux soutiennent un balcon. Cet édifice, aujourd'hui anonyme, a longtemps été un lieu emblématique de la sociabilité toulousaine : l'hôtel Tivollier, construit pour Auguste Tivollier en 1873. Cet entrepreneur d'origine grenobloise, installé à Toulouse depuis le milieu du siècle, fondateur d'un café-restaurant, connaît le succès grâce à la création d'un pâté au foie gras truffé, comme évoqué plus haut. En 1872, il achète un terrain bordant la nouvelle rue d'Alsace-Lorraine et y fait construire un hôtel pourvu de tout le confort moderne : 52 chambres, un restaurant, des salons, le chauffage par calorifère, un ascenseur hydraulique, des sonneries électrique reliées à la réception... Le "Grand Hôtel Tivollier" ouvre ses portes le 28 juin 1876. La fabrique de pâtés est installée au sous-sol de l'édifice avec les fourneaux, les chaudières et les marmites et, au rez-de-chaussée, la boutique proposant ces produits à la vente. 
À quelques pas de la place du Capitole, l'emplacement de l'hôtel est stratégique. Le percement de la rue d'Alsace-Lorraine à la fin du 19e siècle entraîne la construction de grands immeubles, à l'image de ce qui a été réalisé à Paris quelques années auparavant par le baron Haussmann. La création de cette rue déplace l'axe commercial de la ville, jusque-là essentiellement limité aux rues Saint-Rome, des Changes et des Filatiers. Les investisseurs de tout bord s'y précipitent. L'amélioration de la salubrité publique affichée par la municipalité par la destruction des vieux quartiers, foyers des maladies contagieuses, cache avant tout un enjeu économique se matérialisant par la construction d'un type d'édifice particulier, l'immeuble de rapport, répondant à des règles d'urbanisme strictes. L'ancien hôtel Tivollier est représentatif de l'architecture haussmannienne adaptée à la région toulousaine : les travées sont serrées et régulières, le décor se concentre autour de la porte et des angles. La brique claire est fortement utilisée, dans le but d'imiter la pierre employée à Paris. Il s'agit là d'une architecture réglementée, « monumentalisée ». 
En 1904, l'hôtel, le restaurant et le café sont fermés, seuls le magasin et les cuisines sont conservés, pour finalement disparaître en 1964.
IVC31555_20183101298NUCA_P.jpg : Élévation antérieure de l'hôtel Desplats-Palaminy, détail du café "Au Père Louis". Phot. Krispin, Laure. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20183101298NUCA, 2018.

Service au comptoir


janvier 2019

Ouvrant aux beaux jours les quelques tables de sa terrasse sur la rue des Tourneurs, le Père Louis est une institution chère aux Toulousains. Sa possible disparition dans les années 1990 - l'immeuble ayant été acheté par un promoteur - émeut les habitants de la Ville Rose qui en appelle à la direction des Affaires culturelles. Le café et son décor sont ainsi protégés grâce à une inscription au titre des Monuments historiques.
Fondé en 1889 par Louis Simorre, le Père Louis s'est fait le spécialiste d'un apéritif au quinquina, cet arbuste originaire d'Amérique du sud, dont l'écorce a été utilisée pendant des siècles comme remède, repris ensuite par la médecine occidentale dans la quinine.
Aux murs, les peintures qui décorent le lieu représentent des paysages des bords de Garonne à Toulouse : les Ponts-Jumeaux, le Pont-Neuf et la basilique de la Daurade, les ponts Saint-Pierre (dans sa version suspendue) et Saint-Michel (avec ses arches métalliques), ou encore le pont du quai de Tounis sur la Garonnette.
D'un style assez élémentaire, elles sont l'œuvre d'un artiste aujourd'hui bien oublié, Paul Alméric, qui, selon la légende, les a réalisées pour régler sa consommation de quinquina. Cependant, dans leur camaïeu couleur tabac, elles participent pleinement à l'esprit des lieux, de même que les tonneaux (qu'il a un temps été question de protéger) auxquels les consommateurs s'accoudent traditionnellement pour boire leur verre.
Le bistrot fait partie de l'hôtel Desplats-Palaminy, également protégé au titre des Monuments historiques pour son architecture monumentale du milieu du 19e siècle (longue de 65 mètres sur la rue des Tourneurs), intégrant les vestiges d'un hôtel de parlementaires du 17e siècle.
Le Père Louis nous montre ainsi qu'outre les monuments représentatifs de l'art et de l'architecture, il s'agit aussi de préserver des atmosphères, des lieux de mémoire symboles d'un art de vivre.


Alors, santé !

Mur de l'église, entrée de la chapelle du Saint-Sacrement. Nin, Patrice (c) Ville de Toulouse, IVC31555_20153100528NUCA, 2015.

À (haute) et claire-voie


décembre 2018
A priori, l'expression est sans ambiguïté. Pourtant, ce type de fenêtre a en fait eu du mal à trouver… sa voie.
D'ailleurs, dans son Dictionnaire  de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, Viollet-le-Duc ne définit même pas la claire-voie. Mais à l'article "fenêtre", il l'emploie à plusieurs reprises pour évoquer la partie de la baie par laquelle entre la lumière du jour. Chez les historiens de l'art, la définition ne se stabilise qu'en 1972, avec le Vocabulaire de l'architecture de Pérouse de Montclos. Il définit la claire-voie comme une série de baies, avec ou sans menuiserie, ajourant un mur, telle qu'on peut la voir dans les plus beaux édifices du gothique flamboyant du nord de la France. On retrouve également la claire-voie dans les galeries des cloîtres ou celles reliant différents corps de bâtiments des hôtels particuliers, comme à l'hôtel d'Assézat. Elle peut aussi se décliner en une juxtaposition de fenêtres, comme à l'hôtel Delfau, rue de la Bourse, ouvrant sur la cour par une série de trois croisées ; ou encore sous la forme de grands bow-windows, tels ceux des immeubles bourgeois de la fin du 19 e ou du début du 20 e siècle.
Élévation sur le boulevard. Phot. Noé-Dufour, Annie. Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, 20073107725NUCA, 2002.Mais les architectes abordent l'expression de manière différente. Dans le Dictionnaire général du bâtiment, la définition rejoint l'esprit de Viollet-le-Duc, s'agissant là d'un ouvrage composé d'éléments qui laissent passer le jour : balustrade, garde-corps, claustra ou encore moucharabieh. Ce dernier terme nous transporte dans les villes du bord du Nil ou de la mer Rouge, au climat bien éloigné de nos régions tempérées. Pourtant, ces ouvrages à la fois cloisonnés et ajourés, permettant de voir sans être vu, l'architecture contemporaine de l'hémisphère nord s'en est emparée, jouant avec l'esthétisme de ces motifs réticulés. Le bâtiment des Archives départementales, le long du canal du Midi, construit entre 1951 et 1955 par Jean Viatgé et Fabien Castaing, présente ainsi une façade entièrement vitrée mais sur une structure ajourée, véritable moucharabieh de béton, restreignant la luminosité et empêchant l'entrée directe des rayons de soleil dans les salles d'archivage. Les architectes Joachim et Pierre Génard quant à eux, conçoivent un mur de claustra de terre cuite laissant passer la lumière à travers les vitraux d'Henri Martin-Granel dans l'église du Studium des Dominicains à Rangueil. De façon moins monumentale, on retrouve un motif de claustra de béton sur la maison du n°16 rue Ringaud, construite par Robert-Louis Valle en 1957.
Ainsi la claire-voie, ouvrant un mur, devient une claustra, fermant une ouverture !
Balma, place de la Libération. Architecte : Véronique Joffre. Détail de la brique. Phot. Laure Krispin - Toulouse Métropole ; Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, non coté, 2018.

Le tien c'est le tien et le mien c'est le mien


Novembre 2018

De quoi ? L'accent, tiens.
Tout comme la langue, l'architecture peut aussi prendre des accents. Des accents venus du nord, tel le beffroi installé par Viollet-le-Duc au dessus de la tour des Archives, dont l'origine serait à chercher chez nos amis Flamands. Des accents venus du sud, à l'image de la villa mauresque commanditée par l'amateur d'art Georges Labit. La réinterprétation d'un langage local est particulièrement perceptible à la fin du 19e et au début du 20e siècle, avec la mode du pittoresque qui se développe un peu partout en France et s'incarne de façon exemplaire dans les villas de style néo-basque, édifiées dans un grand Sud-Ouest.
Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, les idées, les styles voyagent depuis longtemps, s'adaptant au contexte local, se mêlant à ses formes et à ses matériaux, dans des re-créations toujours originales. C'est le cas de la cathédrale Saint-Étienne : après avoir lancé la mode de ce que l'on appellera bien plus tard le « gothique méridional » avec l'édification de sa nef unique au début du 13e siècle, elle est reconstruite dans le style du gothique rayonnant d'origine parisienne. Prévue entièrement en pierre dans une terre de brique, elle doit montrer la puissance de ses évêques et porte témoignage du rattachement en 1271 du comté de Toulouse à la couronne de France. On peut également citer l'hôtel de Bernuy, fleuron de la première Renaissance toulousaine, où l'on peut voir le langage antique venu d'Italie passé par l'Espagne et réinterprété par le maçon toulousain Louis Privat (1).
Alors, y a t-il un accent spécifiquement toulousain en architecture ?
Il y en a sans doute plusieurs, que l'on pense au « gothique méridional » du 13e siècle, vu plus haut, aux clochers-murs ou aux clochers polygonaux dits « toulousains » qui surmontent les églises de la région, ou encore aux décors de terre cuite du 19e siècle ornant les murs de nos immeubles et de nos maisons. En revanche, ces caractéristiques ne semblent pas s'être exportées bien au-delà de la zone géographique couverte par les sonorités chantantes de notre accent.
Aujourd'hui, les accents, tout comme l'architecture, ont tendance à se lisser, à s'uniformiser. Pourtant, il est possible de retrouver dans la construction locale un accent toulousain qui soit autre chose qu'un plaquage de briquettes sur un immeuble dont le modèle est le même  de Concarneau à Rio. L'aménagement de la place de la Libération à Balma, sur les plans de l'architecte Véronique Joffre, offre ainsi une utilisation renouvelée de la terre cuite locale.

 

(1) Colin Debuiche, « L'hôtel de Bernuy et l'influence des Medidas del romano dans l'architecture toulousaine de la Renaissance », dans Les Cahiers de Framespa [En ligne], 5 | 2010, mis en ligne le 02 mars 2011, consulté le 06 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/framespa/159 ; DOI : 10.4000/framespa.159

 

Hôpital Marchant, galerie d'entrée, 2012. Phot. Louise-Emmanuelle Friquart, Laure Krispin - Ville de Toulouse ; Inventaire général Région Occitanie, IVC555_20123100557NUCA.

Complètement « pinpin » celle-là, elle est bonne pour Marchant !


octobre 2018

Les Toulousains connaissent bien cette expression qui énonce qu'une personne est complètement folle, bonne à interner ! Si de nos jours la psychiatrie est considérée par tous comme une spécialité de la médecine, avant le milieu du 19e siècle, le traitement de la folie était très sommaire : les aliénés, enfermés dans des hospices, hôpitaux ou prisons, souvent enchaînés, vivaient dans des conditions déplorables. Toutefois, grâce au travail des médecins d'origine toulousaine Philippe Pinel puis Etienne Esquirol, la maladie mentale est peu à peu reconnue en tant que telle, et des traitements mieux adaptés sont recherchés. L'impact des aménagements architecturaux est également pris en compte pour soigner les maladies physiques ou mentales. La collaboration entre les médecins et les architectes se développe et elle débouche sur la conception d'une architecture pavillonnaire où chaque pavillon est affecté au traitement d'une affection particulière.

À Toulouse, la construction d'un asile d'aliénés adapté à ces nouvelles théories débute en 1852 et se poursuit jusqu'en 1864, le manque de moyen retardant le chantier. Pour cette nouvelle construction, l'architecte Jacques-Jean Esquié travaille en collaboration avec les aliénistes toulousains. L'installation de l'hôpital à la campagne fait partie de la thérapie, tout en éloignant les « insensés » des bonnes gens.
Dès sa création, l'asile de Braqueville – nom du lieu-dit où il a été construit – est considéré comme un chef-d'œuvre, et son plan est publié comme modèle dans la Revue générale de l'architecture et des travaux publics. Les bâtiments s'organisent de façon symétrique autour d'une grande cour centrale, de part et d'autre de l'église, avec les pavillons des hommes d'un côté et ceux des femmes de l'autre, reliés par des cheminements couverts.
En 1937, il reçoit le nom de Gérard Marchant, en hommage au premier directeur et médecin aliéniste de ce lieu qui avait accueilli, dès le 1er juillet 1858, les patients délogés de l'hôpital La Grave.

Toulouse sous la neige, kiosque du Boulingrin, hiver 1954. Henry Delgay (photographe) - Ville de Toulouse, Archives municipales, 36Fi110.

Do ré mi fa sol la si …do


septembre 2018


Faire de la musique dans la ville, hors des salles de concert, n'a été vraiment autorisé qu'à partir de 1848, moment où le ministre de l'Intérieur Senard autorise les rassemblements en plein air. En effet, en dehors des fanfares militaires qui pouvaient circuler au fil des rues, tout attroupement, même autour de quelques musiciens, était immédiatement dispersé par la police et donnait lieu à une amende. Le 19e siècle est également l'époque d'une modification de la pratique musicale qui, jusqu'alors réservée à des privilégiés, s'étend à d'autres couches de la société grâce à la multiplication des orphéons (société d'amateurs jouant d'un instrument).
Le kiosque est l'édifice idéal pour accueillir la musique en plein air. Ouvert sur toutes ses faces, pour être vu et entendu de tous, il offre toutefois aux musiciens une estrade surélevée qui les met en scène et les isole du public. Ce dernier est libre de s'arrêter un instant et de partir quand il le souhaite.
Très populaire entre la 2e moitié du 19e siècle et le 1er quart du 20e siècle, le kiosque à musique s'installe dans des espaces de verdure et de détente, tels les squares et les jardins publics, ou sur les places publiques, lieu spontané de rassemblement.

Le kiosque à musique de la place Pinel. 2004. Annie Noé-Dufour - Inventaire général Région Occitanie, IVR73_04314326ZA_ P.
A Toulouse, le kiosque le plus ancien est celui du jardin du Boulingrin mis en place au moment de l'exposition internationale de 1887. De forme polygonale, il possède une structure composée de huit colonnes en fonte supportant une toiture. A l'opposé, celui construit en 1930 sur les plans de l'architecte de la ville Jean Montariol est entièrement en béton. Situé place Marius Pinel, il se développe sur un plan circulaire : une coupole repose sur dix colonnes ornées de mosaïque évoquant l'art égyptien. La place Sauvegrain à Lardenne accueille aussi un kiosque à musique construit à l'initiative des habitants du quartier et offert à la ville au moment de son inauguration en 1926.

 

BM-montmorency : "The Capitol of Toulouse ». Estampe de Thomas Allom, dessinateur, Charles-Jean Delille, collaborateur et J. Carter, graveur, Paris : H. Mandeville ; Londres : Fisher, Fils et Cie, vers 1840 - Bibliothèque municipale de Toulouse, A-ALLOM (2-22).

Peine capitale au Capitole


juillet - août 2018

Le 30 octobre 1632, dans la cour Henri IV, se déroule une scène exceptionnelle et d'une grande violence en présence du roi Louis XIII. Henri II de Montmorency, duc, pair et maréchal, accusé de haute trahison est décapité. Grand de France, il obtient comme seule concession du roi de ne pas être exécuté en public, comme cela se déroulait ordinairement et, que la main du bourreau ne le touche pas directement. Pour ce faire, au-dessus du billot aurait été édifiée une structure permettant de faire glisser, entre deux planches, une lame, sorte de guillotine avant l'heure.

Statue d'Henri IV, œuvre de Thomas Heurtematte, 1607. 2016. Stéphanie Renard - Ville de Toulouse, - Archives municipales, 4Num10.Une plaque de marbre rappelant l'exécution est toujours lisible dans la cour Henri IV. Au moment de cet événement, cette dernière est depuis peu la cour d'honneur du Capitole. Les travaux démarrés dès les premières années du 17e siècle ont été réalisés d'après les dessins de l'architecte Pierre Souffron. Sous la direction, dans un premier temps, de Dominique Capmartin, ils sont achevés par le maître maçon Jean Bordes. Les capitouls reçoivent en 1606 l'accord du roi Henri IV pour que son effigie orne la nouvelle cour. La statue, en marbre polychrome du sculpteur Thomas Heurtematte, représente le souverain en pied, vêtu de son armure et coiffé d'une couronne de laurier.

Dans la seconde moitié du 18e siècle, les fenêtres sont modifiées, les meneaux sont alors démolis pour faciliter l'entrée de la lumière et des balconnets en fer forgé portant des blasons capitulaires, dans le même style que ceux de la façade, sont installés. Protégée au titre des monuments historiques dès 1840, la cour est restaurée à la fin du 19e siècle. C'est à cette époque que les baies retrouvent leurs ouvertures à meneaux et traverses sculptés et que de nouvelles armoiries capitulaires sont accrochées sur les façades sans grande considération historique selon l'historien local Jules Chalande (1854-1930).

Le clocher de la Dalbade après son effondrement, carte postale en noir et blanc, 1926. Ville de Toulouse, Labouche Frères - Archives municipales, 9Fi4234.

Chance pour certains et infortune pour d’autres !


juin 2018

C'est avec ces deux termes que peut être résumée la catastrophe du 11 avril 1926 se référant à la chute du clocher de la Dalbade. Ce dernier qui menaçait ruine depuis quelque temps s'est écroulé dans la nuit. Tombé essentiellement sur la nef de l'église, des pans de murs ont été toutefois projetés sur les logements alentours faisant de nombreux dégâts et neuf blessés. Le plus grave incident est l'écroulement de la maison du boulanger située au pied du clocher. Entièrement éventrée, elle a enseveli le patron et sa femme, alors que les deux ouvriers coincés dans le fournil ont pu être sauvés après de longues heures de dégagement des gravats.
L'histoire du clocher de la Dalbade est riche en péripéties. L'église médiévale, grandement détruite par l'incendie de 1442 qui ravage le quartier, est reconstruite au tout début du 16e siècle dans le style Renaissance. Durant cette campagne de travaux, son campanile est amorcé et n'est achevé que dans la seconde moitié du siècle, comme l'indique le bail à besogne signé en 1547 par le maçon Étienne Guyot et le tailleur de pierre Nicolas Bachelier qui réalise un décor de bustes sculptés. Partiellement démonté à la Révolution, il reçoit une nouvelle flèche en 1882 selon les plans de l'architecte Henri Bach. Cette dernière, octogonale et entièrement maçonnée, vient prendre appui sur l'ancienne tour quadrangulaire. Après l'incident, l'église est rebâtie entre 1927 et 1949. En 1935, la construction d'un nouveau clocher débute à quelques mètres plus à l'ouest de l'emplacement initial mais, jugé mal intégré au site, le chantier est arrêté. Les vestiges du vieux clocher font alors l'objet d'une restauration.

Vendanges à Candie, octobre 1984. Reportage photographique de la direction de la communication. Ville de Toulouse, Archives municipales, 15Fi707/14

Au pays de Candie


mai 2018

Sucre en cristaux, dessin animé japonais dont la chanson est restée dans la tête de tous les enfants des années 1980, Candie est également le nom d'un domaine agricole appartenant à la ville de Toulouse. Passée à l'agriculture biologique depuis 2014, la régie agricole possède des surfaces cultivées dans les quartiers de Gabardie, Pech David ou Ginestous, et au sud de Toulouse, le vignoble de Candie (25 hectares). Il tire son nom du dernier seigneur de Saint-Simon, Jean-François Marie de Candie, propriétaire du domaine au 18e siècle. Au cœur du domaine, un château médiéval, daté pour partie de la fin du 13e ou du début du 14e siècle. 
Il ouvrira exceptionnellement ses portes le 3 juin prochain. Dégustations de vins de la région et de produits locaux, visite du parc et du château sont au programme de cette 5e journée portes ouvertes du domaine de Candie. Vous pourrez également tenter l'aventure de la réalité virtuelle sur le stand UrbanHist, grâce à la visualisation d'une visite en 360° au moyen d'un casque. Découvrez le château et son parc vus du ciel et entrez dans la cour, le porche et le chai. Immersion garantie !  

Visite virtuelle du domaine de Candie et du château de Saint-Simon-Le Vieux.

Pour ceux qui ne pourraient pas se déplacer, les Archives municipales ont mis en ligne une visite virtuelle.  A  travers  ce survol du domaine et cette déambulation, autour et à l'intérieur du château, vous découvrirez  de manière simple et ludique l'histoire du château de Saint-Simon-Le Vieux, éclairée d'un nouveau jour grâce aux travaux récents d'archéologie du bâti menés par les étudiant de l'université Jean-Jaurès.

Pour en savoir plus sur l'histoire du domaine, vous pouvez consulter les pages dédiées au domaine et au château sur le site des Archives.

Enfin, pour compléter cette offre, ne manquez pas le diaporama mettant à l'honneur le domaine et ses ouvriers de 1978 à 1998, à consommer sans modération.

 

Ornement couronnant la porte cochère du 8 rue du Pont-de-Tounis. Phot. Friquart, Louise-Emmnauelle ; Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Toulouse Métropole ; Inventaire général Région Occitanie, 2006, IVC31555_06310016NUCA.

Comme disait Jules Renard « Le bonheur est dans l'amertume »…


avril 2018

Dès que l'on pense à « l'amer », il nous vient à l'esprit, tel un réflexe pavlovien, l'image d'une bouteille de bière. Produit millénaire, la bière bénéficie, depuis une dizaine d'années, d'un nouvel engouement grâce au développement d'une filière de petites brasseries artisanales locales. Toutefois, Toulouse comptait déjà, dès la fin du 18e siècle, des établissements qui brassaient le houblon, malgré les difficultés d'approvisionnement de la plante venant du nord. S'ils ont été nombreux au 19e siècle, il n'en restait que deux après 1950, selon l'érudit Pierre Salies. Néanmoins, des vestiges visibles sur certaines façades révèlent encore cette mémoire.

Au 8 rue du Pont-de-Tounis, une sculpture ornant une des arcades montre un joyeux barbu, un verre de bière à la main. Un tonneau, des épis de blé et une branche de houblon sont également représentés. Il s'agit de l'enseigne de la brasserie « La Strasbourg ».


En haut des allées Jean-Jaurès, au 4 rue de Belfort à l'angle de la rue Corot, une mosaïque très lacunaire laisse deviner l'inscription « Brasserie Alsacienne ». Ici, se situait un des établissements brassicoles toulousains qui semble avoir fonctionné jusque dans les années 1940, moment où les bâtiments sont réaménagés en logements. On y voit encore l'ancienne malterie ouvrant sur la rue Corot.

 

Gare Saint-Agne vers 1910. carte postale N&B, papier, 9 x 14 cm, vers 1910, Ville de Toulouse, Archives municipales, 9Fi7191.

Jamais sans ma valise !


janvier 2018
L'arrivée du chemin de fer en 1856, favorisant la circulation des hommes et des marchandises, est considérée par les Toulousains comme un élément essentiel du développement économique du Midi languedocien. Jusque dans les années 1940, date à laquelle les autobus prennent le dessus, les lignes ferroviaires se multiplient, créant un véritable maillage du territoire tout en dynamisant Toulouse. Sur la commune plusieurs petites haltes voient le jour en périphérie de la ville (Roguet, Croix-Daurade, Lardenne…). Il s'agit plus de halles provisoires pour le service de voyageurs sans bagages que de véritables gares, telle celle de Saint-Agne. Gare Saint-Agne. Photo Cadeau, Fabien, 2014 (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20143100508NUCA.
Cette dernière est rapidement très fréquentée. Par son emplacement, elle draine le transport des gens des quartiers alentours, celui des militaires de la caserne Niel voisine et celui des ouvriers de la poudrerie du Ramier. Traversée par les lignes allant d'un côté à Foix et de l'autre à Bayonne, elle est également un lieu de départ vers les stations balnéaires des Pyrénées ou les lieux de pèlerinages comme Lourdes ou Pibrac.
En 1884, des voyageurs signent une pétition pour que la halte de Saint-Agne devienne une véritable station ferroviaire, pouvant gérer le service de bagages, ces derniers devant se rendre à Matabiau pour y faire enregistrer leur valise !
Une carte postale ancienne permet de découvrir la halle établie en bordure de voie ferrée au début du 20e siècle. De plan rectangulaire, ses murs étaient en pan de bois hourdé de briques apparentes, son style rappelant l'ancienne gare de Lardenne aujourd'hui occupée par un commerce.
Le bâtiment d'accueil actuel a été reconstruit dans les années 1960 sur le même modèle que celui de la gare de Saint-Cyprien.
Façade du 2 place Saint-Georges. Photo. Rullier, Dany, (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, 2004, IVC31555_20113100265NUCA.

Du bois dans tous ses états !


décembre 2017
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Toulouse conserve un peu plus de 250 maisons dont la façade principale sur rue est en pan de bois. Toutefois, elles sont moins visibles que dans certaines villes car nombres d'entre elles sont entièrement enduites, seuls apparaissent les encadrements des baies permettant de les distinguer.
La place Saint-Georges est un lieu d'où - bien installé à une terrasse de café - on peut découvrir des pans de bois dans tout leur état ! En effet, toute une palette de mise en œuvre est observable.
Les numéros 2, 8 et 9 possèdent des élévations enduites ne laissant percevoir aux yeux avisés que le bois des encadrements des fenêtres et des cordons horizontaux séparant les différents niveaux. Façade du 7 place Saint-Georges, détail des poteaux avec décharges en écharpe. Photo. Rullier, Dany, (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, 2004, IVC31555_20113100290NUCA.
Le n° 2 est un cas particulier proposant une solution originale : la structure est dissimulée sous une mise en œuvre de faux bossages en bois évoquant un parement caractéristique de l'architecture classique en pierre.
Quant aux n° 5, 7 et 11, ils affichent pleinement leur ossature. Reposant sur un rez-de-chaussée maçonné, leur structure hourdis de brique est dite à grille, c'est-à-dire composée uniquement de poteaux (éléments verticaux) ou de poteaux avec décharges en écharpe (éléments verticaux renforcés par des bois obliques).
Modestes dans leur mise en œuvre, ces bois ont fait l'objet de nombreux remaniements et ne possèdent pas d'éléments distinctifs (moulures, sculptures, encorbellements) permettant une datation plus précise que celle d'appartenance à une grande période chronologique telle l'époque moderne (entre le 16 e et le 18 e siècle). Pour une meilleure connaissance de ce patrimoine des prélèvements et des études de dendrochronologie (analyse de la morphologie des cernes du bois) seraient nécessaires.
Élévation postérieure de la villa Jeanne d'Arc. Phot. Friquart, Louise-Emmnauelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, 2011, 20113101314NUCA.

De la canne à la villa Jeanne d'Arc


novembre 2017

La cane de Jeanne est morte au gui l'an neuf… En 1953, quand Brassens écrit cette chanson, Jeanne est un prénom fréquemment porté, quoique en perte de vitesse. Pourtant, du Moyen Âge au début du 20e siècle, il figure au panthéon des prénoms féminins les plus donnés. Son succès est conforté par la forte dévotion à Jeanne d'Arc, entamée au 19e siècle et qui connaît son apogée au début du 20e siècle : elle est béatifiée en 1909 et canonisée en 1920. A Toulouse, c'est en 1922 que sa statue est érigée sur la place Matabiau, devenue Jeanne d'Arc peu après. 

Outre les monuments et lieux publics, le nom de la sainte est également attribué à des maisons. En effet, depuis la seconde moitié du 19e siècle, la mode est de donner un nom aux villas, inscrit sur une plaque émaillée dans le style Art nouveau ou gravé sur une plaque de marbre. Faisant référence à la nature ou à l'environnement de l'édifice, le nom de la villa est bien souvent un prénom, presque toujours féminin. C'est donc tout naturellement que les villas Jeanne fleurissent un peu partout en France, de même que les villas Jeanne d'Arc, affichant ainsi les convictions religieuses de leurs propriétaires.

A Toulouse, une villa Jeanne d'Arc s'élève au 186 de l'avenue de Castres. Construite peu avant 1880, elle se démarque par son avant-toit développé soutenu par des aisseliers en bois ouvragés, rappelant l'architecture pittoresque des maisons de villégiature. 

Vue d'ensemble du Bazacle depuis la rive gauche de la Garonne. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, 2010, IVC31555_20103101188NUCA

Haute Tension !


octobre 2017

La Garonne, fleuve indomptable, a toujours permis aux Toulousains d'utiliser sa force pour produire de l'énergie et faire tourner les roues de ses moulins. Ce n'est pas étonnant alors que dans le dernier quart du 19e siècle les moulins du Bazacle accueillent sur son site la première centrale hydroélectrique de la ville gérée par la société toulousaine d'électricité (S.T.E.). Forte de son succès, celle-ci se développe rapidement et change de patronyme en devenant en 1910, la société toulousaine du Bazacle (S.T.B.). Nationalisé en 1946, le site est géré depuis par Électricité de France. Bien qu'accueillant un espace culturel et patrimonial depuis 1989, les sept turbines de l'usine fonctionnent encore.

Encouragée par ce succès, la ville investit dans ce domaine en bâtissant l'usine hydroélectrique du Ramier au début du 20e siècle, sur le domaine des anciens moulins du château. Largement visible depuis le pont Saint-Michel, elle présente une façade pittoresque sur l'un des bras de la Garonne. 

Usine du Ramier, élévation antérieure. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, 2010, IVC31555_20103101727NUCA

Reposant sur des fondations en béton, l'édifice est construit en brique, mais l'utilisation de l'enduit crée un jeu décoratif imitant une alternance de brique et de pierre.
Projetée dès 1905, l'usine hydroélectrique est construite de 1917 à 1922 sur les plans de l'ingénieur Pendariès. En 1932, elle est agrandie par l'architecte Jean Montariol. De nouveaux aménagements sont effectués dans les années 1950 et 1980. Cette usine qui permettait l'alimentation en énergie électrique de nombreux bâtiments municipaux (mairie, écoles, stades…) est toujours en activité. Toutefois, l'électricité produite est, de nos jours, vendue à EDF.

Une troisième centrale électrique a été inaugurée le 31 octobre 2014 sur le site de la Cavaletade, en amont de l'île d'Empalot. Par ailleurs, en augmentant le débit de l'eau dans le bras inférieur de la Garonne, elle permet de redynamiser la vie aquatique et la biodiversité des berges mises à mal durant de longues années par l'usine AZF.

La place du Capitole : plan de ville actuel, cadastre de 1680 et vestiges antiques.

Des cartes, oui… mais sur UrbanHist !


septembre 2017

Le nouvel UrbanHist vient tout juste de sortir du four… Outre un accès facilité aux essentiels et autres immanquables du patrimoine toulousain, vous avez la possibilité de construire des cartes historiques, grâce à une sélection des informations proposées, et de les partager le plus simplement du monde.

Tour d'horizon de quelques possibilités offertes par UH :

- Evolution du secteur de la place du Capitole de l'Antiquité au 17e siècle : cette carte matérialise la porte et le rempart de la ville antique, les constructions présentes à la fin du 17e siècle sur le sol même de la place, et l'emprise de l'hôtel de ville en 1680 qui allait jusqu'à la rue d'Alsace-Lorraine ! Pour cela, il suffit de superposer la couche du cadastre de 1680 avec celle des vestiges connus de Tolosa sur le plan de ville (sur lequel on a fait jouer la transparence pour mieux voir la couche du cadastre de 1680).

 

- La création des rues d'Alsace-Lorraine et de Metz : un coup de sabre dans le tissu urbain. Centrée sur la place Esquirol, lieu où se croisent les deux percées haussmanniennes toulousaines, cette carte montre comment ces deux rues sont venues couper des îlots entiers, éventrant des immeubles, des hôtels particuliers ou des bâtiments conventuels au nom de la modernité.

De ces destructions sont nés des édifices d'une grande qualité architecturale, tel que le grand hôtel Tivollier au n° 31 de la rue de Metz. Il suffit simplement de superposer le cadastre napoléonien (1830) sur le plan de ville.

La superposition des informations historiques sur un fond cartographique permet d'illustrer concrètement l'idée de la ville qui se reconstruit sans cesse sur elle-même. La « stratification historique » qui caractérise les villes est ainsi plus facile à appréhender.

Mais comme la carte n'est pas le territoire, nous vous invitons à vous balader dans les rues de Toulouse, le nez en l'air, en suivant les circuits proposés par UH ou au gré de vos envies… Bonne promenade !

Donjon du Capitole, les Archives municipales : salle du rez-de-chaussée avec sa voûte et les rayonnages d'archives, 1946. Photographie N&B, 13 x 18 cm. – Ville de Toulouse, Archives municipales, 2Fi1350.

Une tour pour protéger le trésor des capitouls


juillet-août 2017
Les consuls, constitués en assemblée pour la gestion de la ville depuis le milieu du 12e siècle, chargent en 1205 le notaire Guilhem Bernard, de transcrire tous les documents anciens touchant aux libertés fondamentales de la cité obtenues au fur et à mesure que s'affirme l'indépendance municipale (privilèges, coutumes, rachats de droits féodaux, statuts de la commune, propriétés, …). Deux recueils, un concernant le Bourg, l'autre la Cité, sont alors rédigés.
La conservation de ces documents, preuves irréfutables de ces droits difficilement acquis, était une nécessité pour les consuls, parfois en grande difficulté face aux rois, comtes ou seigneurs tentant de récupérer ou de contourner des privilèges concédés par leurs ancêtres !
 

 

Cette pratique est reprise de façon systématique 90 ans plus tard avec la rédaction des Annales manuscrites de la ville consignant chaque année les actes accomplis par les consuls durant leur charge. Cet ensemble, partiellement détruit à la Révolution, forme de nos jours une collection exceptionnelle de 12 grands livres racontant 500 ans de l'histoire capitulaire.
Au 16e siècle, moment où la ville est en pleine expansion économique, les édiles, qui se font alors appeler capitouls, décident de construire un bâtiment dont l'étage supérieur est réservé à la protection de ces documents : la tour des Archives. Bâtie entre 1525 et 1530, elle accueille au rez-de-chaussée une salle d'assemblée pour les capitouls, et à l'étage une pièce où est conservé ce trésor inestimable. Pour plus de sûreté, ce niveau n'est accessible que depuis l'extérieur par l'intermédiaire d'une tour d'escalier érigée en 1532 et d'un pont couvert reliant l'une à l'autre.


Entièrement restauré par l'architecte Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc dans le dernier quart du 19e siècle, cet édifice est occupé, depuis 1948, par l'office du tourisme.

Carte publicitaire pour la manufacture de miroirs J. F. Breton, illustrée par Jan Metteix. Vers 1900, Lahille et Blaissou (éditeurs), carton, 8,5 x 14,5 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 15Fi436.

Je ris de me voir si belle en ce miroir !


juin 2017

Même si elle n'est ni la Castafiore ni la Marguerite de Faust, c'est pourtant ce que semble se dire cette jeune femme, parée de ses bijoux, qui, tenant un miroir dans une main, se recoiffe délicatement de l'autre.

Elévation du 31 rue Croix-Baragnon. Photo Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2017, n.c.

Ornant un tract publicitaire pour une manufacture de miroirs et de vitrages, cette silhouette élancée a été esquissée dans un style art nouveau par l'illustrateur et caricaturiste Jan Metteix, très actif à Toulouse dans le 1er quart du 20e siècle. En effet, ce dernier croque régulièrement les hommes politiques locaux dans le journal satirique « Le Cri ». Il publie également durant la Grande Guerre plusieurs séries de cartes postales patriotiques, qui conservent toutefois un certain mordant et dont la majorité ont été regroupées dans l'ouvrage des Archives municipales « Drôle de Guerre ».

Les bureaux de la manufacture sont installés au 13 rue Saint-Étienne, actuel 31 rue Croix-Baragnon. Cet édifice, dont la façade sur rue date du dernier quart du 19e siècle, possède une architecture soignée. Sa tonalité claire évoque la pierre tandis qu'aux étages, des pilastres superposés et des balcons filants animent la façade.

Élévation antérieure du n°19 rue des Couteliers. Photo Christian Soula, Région Occitanie – Inventaire général, 1976, IVR73_76310001V_P.

La Maison des femmes au 19 rue des Couteliers (1976-1982)


mai 2017

En cette période d'élection, il est bon de rappeler les combats qui ont été menés par nos mères, nos grands-mères, voire nos arrières-grands-mères, dans les différents mouvements d'émancipation des femmes qui ont émaillé le 20e siècle. Luttes politiques (droits de vote et d'éligibilité obtenus en 1944), droit à disposer de son corps (création du planning familial en 1956, lois sur la contraception en 1967 et sur l'avortement en 1975) ont permis aux femmes de se libérer du « genre », construction sociale arbitraire résidant dans une domination masculine symbolique fondée sur la différence entre les sexes.

A Toulouse, différents mouvements féministes se créent dans les années 1970, notamment la Maison des femmes, association basée de 1976 à 1982 au n° 19 de la rue des Couteliers. Ce  lieu de rencontres et d'échanges autour des revendications sur les droits des femmes était installé dans une maison à pan de bois. Les baies étaient pourvues d'un appui aux moulures caractéristiques du 16e siècle. Elle était entourée d'autres maisons, datant du 18e siècle ou du 19e siècle, dans le même état de décrépitude avancée. Une nuit de décembre1983, le n° 15 s'effondre, heureusement sans faire de victimes. Un permis de construire, accordé en mai de la même année sur les n° 15 à 21, fait disparaître les autres immeubles, que nous connaissons grâce aux photographies prises par l'inventaire. Un grand immeuble de 92 logements est alors construit à la place de ces édifices.
En 2016, deux associations féministes toulousaines ont créé un parcours thématique à l'occasion des journées du patrimoine (rebaptisées pour l'occasion « matrimoine ») présentant les lieux et les personnalités emblématiques du féminisme toulousain, l'occasion de prendre conscience de l'importance de ces mouvements à Toulouse.

Élévation de la manufacture, de la corderie, des établissements Saint Frères ; 2 rue de Belfort ; projet de construction, 3 avril 1901. B. Guitard (architecte), dessin, papier, cyanofer, 35 x 51 cm, 1901. Ville de Toulouse, Archives municipales, 64Fi8593.

Du fil à (re)tordre ! La corderie Saint frères


avril 2017

Au moment où les Établissements Saint frères ouvrent une succursale à Toulouse en 1900, la ville ne compte pas moins de dix autres corderies selon l'annuaire de cette année-là. Les frères Saint sont spécialisés, depuis le 1er quart du 19e siècle, dans le tissage et le commerce de toiles d'emballage en étoupes de chanvre et de lin. L'activité qui a vu le jour dans la vallée de la Nièvre près d'Amiens, s'est considérablement développée tout au long du 19e siècle en proposant trois gammes de produit : les toiles d'emballage, le velours de jute pour teintures et tapis et la corderie. C'est dans cette dernière spécialité que l'entreprise, à son apogée au tournant du siècle, fait construire de nouveaux bâtiments rue Belfort après avoir été localisée durant deux ans au 48 rue de Peyrolières.


Ancienne corderie Saint frères, aujourd'hui centre communal d'action sociale (CCAS). Photo Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2017, IVC31555_20173100269NUCA.jpgL'édifice, dont les plans dressés par l'architecte Barthélémy Guitard, prend place sur une large parcelle rectangulaire. Il se divise en deux parties bien distinctes. Sur rue, un bâtiment présente un corps central à trois niveaux encadré par deux ailes à un étage couronné par un attique. Cet ensemble qui évoque une grande villa possède une architecture soignée de pierre et de brique. Au rez-de-chaussée sont installés les magasins de détail et des cordes, largement ouvert sur la rue par de grandes baies vitrées. A l'arrière, un grand entrepôt occupant un peu plus de la moitié de la parcelle accueille « le grand magasin ». Plus qu'un véritable centre de production, les établissements toulousains Saint frères semblent n'avoir été qu'un lieu de stockage et de diffusion de leurs produits dans le sud de la France.

Hôtel du Journal "Le Télégramme" et rue Constantine. Vers 1920. Merlin Eugène (photographe), carte postale n&b, phototypie, 9 x 14 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 9Fi4611.

Télex : Retour de la Censure pour la presse - stop


mars 2017

Journal "Le Télégramme". Les services de la publicité. Vers 1940. Le Télégramme (éditeur) ; Séréni (photographe), carte postale n&b, 9 x 14 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 9Fi6392.La presse française entièrement libre depuis la loi du 29 juillet 1881 renoue avec la censure à la demande des militaires au début de la Grande Guerre. Comme ailleurs, les journaux toulousains, au nom de l'Union sacrée, suivent dans les premiers mois du conflit les recommandations de l'armée. A cette époque, quatre organes de presse ont pignon sur rue à Toulouse : La dépêche du Midi, L'Express du Midi, Le Midi socialiste et le Télégramme. Auparavant rue d'Alsace-Lorraine, ce dernier s'installe en 1912 dans un nouveau bâtiment situé en léger retrait des boulevards Lazare-Carnot. Il est agrandi à partir de 1923 par un nouveau corps de bâtiment au caractère plus industriel.
Le Télégramme, façade principale. Photo Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2017

Le bâtiment d'origine, situé à l'angle, s'impose par une façade au style architectural très marqué. Ses murs polychromes, faits de pierre et de brique sont coiffés par le gris bleuté du toit à haut comble couvert d'ardoise. Cet ensemble, si peu toulousain, évoque des modèles du nord de la France. Il est signé par les frères Isidore, Raymond et Antoine, qui réaliseront également le monument aux morts de Toulouse situé au cimetière Salonique.
Un escalier mène à la porte monumentale couronnée par la balustrade fermant le balcon supérieur. Au-dessus, une inscription sur fond d'or « Le Télégramme » rappelle toujours le journal. Une grande attention a été également portée au décor sculpté (reliefs, masques, consoles, pointes de diamant…) ainsi qu'à la ferronnerie.
Selon les plans, le rez-de-chaussée accueillait, entre autre, la salle des dépêches, la salle des linotypes (machines sur lesquelles étaient tapé les textes et qui créait les matrices servant à l'impression), le bureau de l'administrateur. Le sous-sol était réservé au tirage : dépôt de papier, salle des rotatives, salle des départs tandis qu'à l'étage prenait place des salons parloir et les salles de rédaction.

Papier en-tête de M. Moynet, 11 août 1885. Ville de Toulouse, Archives municipales, 4 D 479.

Plus blanc que blanc


février 2017

Petits arrangements entre amis                                                                        

En 1876, Mme Moynet fait construire un lavoir public au faubourg Guilheméry, longeant le réservoir d'eau de la ville. L'établissement est transformé en blanchisserie en 1881. Active jusqu'en 1971, elle se situait aux numéros 2 à 10 de l'actuelle rue de la Blanchisserie, dont le toponyme en a conservé le souvenir. Un papier à en-tête donne un aperçu du bâtiment industriel avec son avant-corps central percé de grandes baies en plein-cintre et sa haute cheminée. Les origines de cet établissement sont mouvementées. En effet, la propriétaire de la blanchisserie n'est autre que l'épouse du chef du service des eaux de l'époque, lequel s'est attribué quelques largesses lors de la fondation de l'usine et a abusé de sa position au sein de l'administration municipale de l'époque. Il est d'ailleurs renvoyé en 1881, au moment où les faits apparaissent à la nouvelle municipalité mise en place depuis peu.

Les termes de la concession d'eau établis en 1876, au moment où notre homme est à la tête du service des eaux, prévoit un débit mesuré de sa prise d'eau (directement au réservoir qui lui est contigu) de 2 litres d'eau par secondes. Lors du procès que la ville lui intente, les experts estiment que, soit il a agi sans discernement (ce qui semble étonnant au vu de ses qualifications), soit il n'avait aucune intention de respecter le débit octroyé (ce qui semble en effet le cas). Il est donc condamné à verser à la ville 2 278 francs le 17 janvier 1888. L'activité de la blanchisserie se poursuit tout de même jusqu'en 1971, époque à laquelle M. Micouleau, son propriétaire, fait construire un immeuble à son emplacement, sur les plans des architectes Paul et Pierre Glénat.

Élévation principale. Photo Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2008,IVC31555_20083103233NUCA_P

De l'utilité de la porte charretière


janvier 2017

Jusqu'au début des années 1990, Toulouse était une ville qui accueillait encore sur son territoire de nombreuses fermes, liées notamment à l'activité de maraîchage. Depuis, un grand nombre de ces édifices a disparu, victimes en particulier de l'urbanisation des quartiers nord de la ville.

La ferme du 28 rue Loubiague est, quant à elle, toujours en place, et bénéficie depuis 2010 d'une protection dans le PLU, comme une trentaine d'entre elles reparties sur le territoire de la commune.

Porte charretière. Photo Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2008 IVC31555_20083103236NUCA_PConstruite dans le 1er quart du 20e siècle, elle reprend les caractéristiques traditionnelles de ce type de bâti. De plan rectangulaire, la ferme est orientée plein sud. Les parties agricoles sont situées dans le prolongement du logis. Ce dernier, encadré par les pilastres superposés, s'organise en sept travées. Le rez-de-chaussée est surmonté par un comble à surcroît. Pour sa part, la partie agricole est percée par une grande baie en plein-cintre composée d'une porte charretière, dont la grande taille facilite le passage des véhicules agricoles. Cette dernière est surmontée d'une ouverture d'imposte permettant d'engranger les récoltes directement dans le comble.

Ce bâtiment se distingue par le soin apporté à son enduit polychrome formant des panneaux aux coins échancrés soulignés par des cernes blancs et par son faux appareil de pierre marquant son soubassement. Ensemble, ils dissimulent les matériaux de construction dont la mise en œuvre alterne les assises de brique et de galet. Une noria et une remise de la même époque complètent encore aujourd'hui l'ancien site agricole.

Villa 8 rue Georges-Clemenceau.Phot. Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2016, IVC31555_20163100411NUCA.

Le « Grand parc » dans le quartier de Saouzelong : un lotissement sur le Gril


décembre 2016

Approuvé par les arrêtés préfectoraux du 19 novembre et du 14 décembre 1925, le lotissement du Grand parc est créé par Louis Gril, industriel à Toulouse, dont la famille a fait fortune dans la fabrication de chaussures. Situés entre l'avenue Crampel, la rue du Midi, le canal et les serres municipales, les terrains concernés par le lotissement ont une surface de plus de 90 000 m2 et la création de 1 737 mètres de nouvelles voies est prévue dans le projet.

Cependant, la division de ces terrains et la construction des nouvelles maisons débutent en 1922, avant la promulgation de la loi du 19 juillet 1924 réglementant la création des lotissements et obligeant les lotisseurs à viabiliser les parcelles avant leur commercialisation. Louis Gril ne s'est pas préoccupé de cet aspect de la question et l'ingénieur de la ville fait remarquer à de nombreuses reprises les problèmes d'évacuation des eaux dans les rues nouvellement créées. Les difficultés persistent, allant jusqu'à la condamnation en 1931 par le tribunal de Toulouse de M. Gril, l'obligeant à verser des dommages et intérêts à la ville et à divers propriétaires et à faire exécuter les travaux de mise en viabilité de voirie dans le lotissement du Grand parc.

Villa 9 rue Bertrand-Gril. Phot. Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2016, IVC31555_20163100416NUCA.Malgré ces ennuis, les maisons construites dans les années 1920-1930 dans ce lotissement présentent une architecture de qualité et sont l'œuvre d'architectes toulousains de renom. Edmond Pilette y est largement représenté, c'est d'ailleurs lui qui construit la villa du Grand parc pour Louis Gril en 1924. Dans un style encore plus pittoresque, avec son appareil de moellons en opus incertum, la maison du 9 rue Bertrand-Gril est également réalisée selon ses plans. Les frères Thuriès, auteurs entre autres du « vaisseau amiral » de l'usine Job aux Sept-Deniers, réalisent en 1926 la maison de style néo-basque au 8 rue Georges-Clemenceau.

A la fin des années 1950, Pierre Gril, le fils du fondateur, vend une partie des terrains à une société immobilière qui fera construire un ensemble de logements « économiques et familiaux », comprenant 218 appartements, 8 boutiques et 107 garages selon les projets, sur les plans de l'architecte Jean-Pierre Pierron. Pierre Gril fera lui-même édifier par le même architecte un ensemble de 43 logements, dont le permis est délivré en 1959.

Toulouse. La Garonnette. Vers 1900. Éditions V.P. - Paris. Ville de Toulouse, Archives municipales, 9Fi258.

L’arche disparue du pont de Tounis


novembre 2016

En 1515, les capitouls décident de faire reconstruire en maçonnerie le pont de bois reliant le quartier de la Dalbade à l'île de Tounis. Ce pont qui enjambe le bras de la Garonne appelé Garonnette est régulièrement détruit par les crues violentes du fleuve. Les travaux semblent s'étirer sur plus de dix ans et rencontrent des difficultés, notamment en 1518 avec l'effondrement d'une pile du pont emportée par le courant.

La construction du pont de Tounis. Annales manuscrites de la ville de Toulouse, 1516-1517, chronique sans n°, ([gauche/droite/verso], détail. Ville de Toulouse, Archives municipales, BB273.L'ouvrage en construction est représenté à la demande des capitouls dans les annales de la ville de 1516. Le pont de brique se compose de trois arches reposant sur deux piles dont les éperons permettent de rompre le cours de l'eau. Édifié en pente, il rattrape un dénivelé de plus de 5 mètres entre la rive et l'île. Remis en état régulièrement, il traverse les siècles et offre aux habitants de l'île de Tounis la possibilité de circuler plus sûrement entre les deux rives.

Le pont de Tounis. Plan de l'île de Tounis et des terriers donnant sur la Petite Garonne, dressé à l'occasion du procès entre les religieuses Sainte-Claire du Salin et le premier président Le Mazuyer (1650). Attribué à Hilaire Pader, détail. Ville de Toulouse, Archives municipales, 61Fi1.Ce pont, aujourd'hui le plus vieux de Toulouse, est peu visible. La Garonnette, asséchée à la fin des années 1950, a été transformée en voie de circulation. Quant au pont, il n'offre plus aux yeux des Toulousains qu'une fraction de son élévation. En effet, il semble que l'ouvrage, à partir de la seconde pile, ait été rapidement enserré par les constructions de l'île de Tounis avant de disparaître, complètement absorbé par les aménagements urbains du 19e siècle. La pose d'un enduit imitant la pierre de taille et la reconstruction partielle de l'éperon dissimule son aspect d'origine et affecte sa valeur historique.

Ancien hôtel de Champreux. Phot. Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Occitanie – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2010, IVC31555_20103100426NUCA

Un hôtel particulier pour l’Espagne !


octobre 2016

Dans la rue Sainte-Anne se trouve le consulat d'Espagne et, juste à côté, le logement du consul. Ce dernier prend ses quartiers dans l'ancien hôtel particulier du Marquis de Champreux d'Altenbourg construit à la fin du 19e siècle dans un style très classique évoquant, par de nombreux détails, le 18e siècle. Cet édifice se joue des codes de l'hôtel particulier pour mieux les adapter à la petite taille du terrain. En effet, le bâtiment se déploie en fond de parcelle. Il est précédé par un espace servant de cour et de jardin tandis que deux pavillons latéraux reliés par un mur de clôture et un portail l'isolent de la rue.

L'élévation principale combine les caractéristiques de la façade sur cour et de celle sur jardin. Symétrique, de plan en U, même si les ailes latérales sont peu saillantes, elle se développe sur un sous-sol semi-enterré servant de soubassement au rez-de-chaussée accessible depuis le perron par un double accès. Des baies segmentaires animent les murs. Elles sont ornées d'une clé sculptée d'une feuille d'acanthe, et de deux branchages rappelant le 18e siècle, tout comme les garde-corps évasés du 1er étage aux motifs de feuillage. Deux d'entre elles portent les armoiries de la famille : d'un côté celles du marquis de Champreux, et de l'autre celles de son épouse, née de Saint-Félix. Un toit à la « Mansard » couvert d'ardoises et éclairé par de petites lucarnes couronne le bâtiment, renforçant l'impression d'architecture classique.

Malgré toutes ces références au passé, la modernité n'a pas été oubliée, grâce notamment aux colonnes candélabres supportant la marquise qui, dès la nuit tombée, apportaient un éclairage bienvenu !

Le Pont-Neuf depuis le quai de Tounis. Phot. Louise-Emmanuelle Friquart ; Laure Krispin, Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées – Inventaire général / Toulouse Métropole / Ville de Toulouse, 2012, IVC31555_20123102123NUCA

Un pont pas si neuf résistant encore aux assauts de la Garonne !


septembre 2016

La construction du pont Neuf, essentiel pour Toulouse, a été longue et laborieuse. En 1541, une autorisation royale permet aux Capitouls de lever des taxes exceptionnelles destinées à financer la construction d'un nouvel ouvrage en maçonnerie sur la Garonne, pour remplacer d'un côté le pont couvert en bois de la Daurade et de l'autre le Pont-Vieux, réutilisant les structures antiques de l'ancien aqueduc. Trois ans plus tard, les travaux d'édification de la première pile démarrent sous la direction de Nicolas Bachelier, grand architecte toulousain de la Renaissance, auteur notamment de l'hôtel d'Assézat.
Le Pont-Neuf et son arc de triomphe avant 1860. Ville de Toulouse, Archives municipales, 3 Fi 140.L'impétuosité des eaux retarde sans cesse l'avancement du chantier, certaines crues emportant des éléments construits. La sixième et dernière pile est érigée à la fin du 16e siècle, et le début du 17e siècle voit l'édification des arches puis la pose du tablier. La mise en circulation de l'ouvrage s'effectue enfin en 1632. Dix ans plus tard, le Pont-Neuf, qui mérite alors bien son nom, est embelli d'un arc de triomphe monumental édifié sur la rive gauche (puis démoli en 1860).
Aujourd'hui plus ancien pont de Toulouse enjambant la Garonne, le Pont-Neuf est resté longtemps le seul axe reliant la rive droite et la rive gauche. En effet, il faut attendre le milieu du 19e siècle pour que les Toulousains se décident à affronter de nouveau la Garonne, non sans difficultés, puisque les ponts Saint-Pierre et Saint-Michel sont emportés par les crues de 1855 et 1875 !


Dans le cadre des journées européennes du patrimoine, une balade « bords de Garonne », invitant à la découverte du patrimoine en lien avec le fleuve dans sa traversée du centre-ville, est accessible sur Urban-Hist en mobilité, tandis qu'une version papier sous la forme d'une « carte de poche » peut être retirée auprès de l'office de Tourisme.

 

Pont des Catalans et ses pavés de bois, vers 1916. Vue perspective de la voie sur le pont, prise des Amidonniers vers Saint-Cyprien, où l'on constate les désordres de voirie liés au pavage de bois. Au fond sur la gauche le dôme de La Grave. Photographie NB, 16,5 x 22,5 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 2 Fi 5629.

Un pont en déroute


juillet-août 2016

Le pont des Catalans, construit entre 1903 et 1913 suivant les plans de l'ingénieur des Ponts et Chaussées Paul Séjourné, se distingue à l'époque des autres ouvrages d'art toulousains par son pavage. En effet, en 1911, il est décidé que ce pont serait couvert de pavés de bois ! Contrairement à ce que l'on peut penser de prime abord, ce n'est pas par manque de financement que cette solution est choisie -elle est d'ailleurs plus coûteuse comme le rappelle un conseiller lors d'une séance municipale- mais bien car elle parait être la plus résistante selon l'avis du concepteur. En effet, ce type de pavement, mis au point en Angleterre au milieu du 19e siècle, a principalement l'avantage de limiter le vacarme provoqué par les véhicules et les chevaux martelant le sol. Toutefois, il n'est pas exempt de défauts.

Le pont des Catalans depuis les Amidonniers. Phot. Olivier Balax (c) Inventaire général Région Occitanie, 1996, IVR73_19963100989ZA.Très sensibles à l'humidité, les pavés n'ont pas tardé à se rebeller et à soulever la chaussée, provoquant ci et là de véritables monticules. A posteriori, on se demande ce qui a amené Paul Séjourné à effectuer ce choix pour un pont ! En dehors de cette anecdote, il est bon de rappeler que cet homme, grand ingénieur, spécialiste des ponts et viaducs a construit un grand nombre d'ouvrages de qualité mêlant la maçonnerie traditionnelle et le béton, dont le pont des Catalans est un exemple original et gracieux. En effet, ce dernier se compose de deux ponts en brique réunis par une dalle en béton. Il est également l'auteur à Toulouse de l'actuel pont Paul-Séjourné, enjambant le canal de Brienne, dans l'alignement du pont des Catalans, et bâti pour parachever la ceinture des boulevards effectuant le tour de la ville.

Bureaux et logement du directeur de l'ancienne usine des gadoues. Phot. Inv. Philippe Poitou. Inventaire général Région Midi-Pyrénées, 19983100900XA, 1998.

Oh la gadoue, la gadoue...


La gadoue dont il question n'est pas un simple mélange de terre et d'eau de pluie, dans lequel les enfants aiment patauger, protégés par leurs bottes en caoutchouc, il s'agit ici d'un terme un peu désuet, employé pour désigner des ordures ménagères.

A Toulouse, l'usine des gadoues est construite en 1926 sur l'île du Ramier. Elle servait à l'incinération de ces déchets, dont la vapeur se dégageant de leur combustion alimentait le réseau de chauffage de certains bâtiments municipaux et permettait de chauffer l'eau de la piscine du parc des sports voisin. Une autre partie de cette vapeur était transformée en électricité et venait compléter la production de la centrale hydroélectrique toute proche. Les cendres recueillies servaient également à la fabrication d'engrais ou de matériaux de construction (briques de mâchefer). Il ne reste plus aujourd'hui de cette usine que le bâtiment qui abritait autrefois le logement du directeur. Ce bel exemple de l'architecture toulousaine d'entre les deux guerres est encore visible sur le chemin qui mène au Stadium (chemin qui risque d'être fortement fréquenté en ce mois de juin, moisBureaux et logement du directeur de l'ancienne usine des gadoues. Phot. Inv. Philippe Poitou. Inventaire général Région Midi-Pyrénées, 19983100900XA, 1998. footbalistique s'il en est). L'usine des gadoues est désaffectée au moment de la mise en service de celle du Mirail en 1969. Fonctionnant sur le même principe, l'usine d'incinération transforme les déchets en chaleur et en électricité, alimentant les quartiers alentours. L'architecte Alexis Josic est l'auteur du bâtiment. Membre de l'équipe Candilis, Josic, Woods qui a conçu la ZUP du Mirail dans ces mêmes années 1960, il est choisi en vue d'améliorer l'esthétique de ce bâtiment, en premier lieu pensé pour sa fonctionnalité.

 

Pavillon de thé du jardin japonais. Phot. Inv. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Meynen, Nicolas. (c) Inventaire général Région Midi-Pyrénées, 2004.

Du Zen dans la ZAC : la sérénité extrême-orientale au cœur de Toulouse


mai 2016

Inscrit à l'intérieur de la zone d'aménagement concerté de Compans-Caffarelli (1972), le jardin du même nom abrite un discret jardin japonais, dissimulé derrière une enceinte blanche aux tuiles grises. Conçu en 1982 sur le modèle des jardins de Tokyo selon les vœux du maire de l'époque, Pierre Baudis, grand amateur de culture orientale, il est labellisé « Jardin remarquable » par le Ministère de la Culture en 2006. Il a été rebaptisé du nom de Pierre Baudis le 11 mai 2016.

Véritable havre de paix, le jardin japonais peut se concevoir comme un univers calme et clos, ouvrant sur un espace intimiste à l'esthétique japonaise soignée, mais aussi, comme la découverte d'un lieu codifié, où de nombreux symboles et légendes accompagnent les pas d'un visiteur attentif.La statue d'un grand maître du Zen, Taïsen Deshimarii. Phot. Inv. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Meynen, Nicolas. (c) Inventaire général Région Midi-Pyrénées, 2004.

Pour s'en imprégner, une fois franchi le Torii - portique peint un rouge symbolisant le passage vers un monde spirituel - il suffit de suivre les chemins sinueux entre les essences d'arbre taillés en forme de nuage, de contourner les rochers de granit - sièges des divinités de la nature - ou de traverser le pont courbe, dont le rouge vermillon se reflète sur un lac peuplé de carpes koï. Afin de puiser l'inspiration dans une nature maîtrisée, domptée, offerte à la méditation, le promeneur peut s'ouvrir à la contemplation de la mer de sable du jardin Zen, et, au gré des ondes minérales, s'arrêter près des îles de la Tortue et de la Grue. Il peut aussi étancher sa soif spirituelle à la source métaphorique de la cascade sèche, ou bien contempler, dans la quiétude, la représentation du mont Shumisen, montagne de l'Axe du monde, gardée par une lanterne en pierre.

Pour clore ce voyage dans la mystique japonaise, le promeneur peut enfin s'arrêter dans le pavillon de thé en cèdre rouge, pour méditer sur une sentence du maître zen Taisen Deshimaru (1914-1982), dont la statue est nichée dans la verdure : « Il est parfois utile de se reposer ».

Fontaine Ravary, détail du médaillon. Phot. Fouquet, Julien, Ville de Toulouse ; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 2016, non coté

Miraculeuse ou non potable ? Les déboires de la fontaine Ravary.


avril 2016

C'est au cœur même de l'église de l'Immaculée Conception de Bonnefoy en construction que le père Guillaume-Philippe Ravary, premier curé de la paroisse, découvre, en 1863, une source d'eau providentielle.
Analysée en 1874 et déclarée d'une limpidité parfaite, la source attire à elle de nombreux habitants du faubourg qui constatent des effets curatifs ; la réputation de cette eau grandit et dépasse bientôt la cadre du quartier, puis de la ville.

Il n'en faut pas plus pour le père Ravary qui, pour financer le chantier de son église, fait imprimer en 1887 un prospectus avec des témoignages de guérisons (gravelle, diabète, anémie...) et met en vente, à un sou le litre, « l'eau de l'Immaculée Conception ».

Il organise alors sa distribution à travers les rues de Toulouse, avec un tonneau monté sur roues et tiré par un cheval, mais aussi par le train, dans des bonbonnes (10 litres pour 5 francs).

Fontaine Ravary. Vue d'ensemble. Phot. Fouquet, Julien, Ville de Toulouse ; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, IVC31555_20163100039NUCAEn 1944, en hommage au père Ravary, le chanoine Barthas confie la construction d'une fontaine publique à l'architecte Callebat et fait procéder à de nouvelles analyses par la Faculté de Médecine de Toulouse. La conclusion est toujours gravée sur le marbre de la fontaine : « Reconnue bactériologiquement très pure ».
Remise en eau et inaugurée par le maire de Toulouse en janvier 1991, les analyses détectent cette fois une forte présence de nitrates dans l'eau et la fontaine est longtemps affublée d'un panonceau « eau non potable », aujourd'hui disparu. La fontaine Ravary a été récemment rénovée et « l'eau de l'Immaculée Conception », jadis célèbre, continue de couler, gratuitement mais par intermittence, de 9h30 à 11h30 et de 14h à 16h. Alors qu'une prochaine analyse de l'eau doit avoir lieu, elle continue d'être consommée car « jamais personne n'a été malade » ; et ça, c'est déjà un miracle !

Halle d'abattage. Elévation antérieure sur cour en 1992. Phot. Noé-Dufour, Annie, Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 1992, IVR73_20043104736ZA.

Quand les abattoirs deviennent les Abattoirs ! ... ou l’histoire d'un site d’abattage promu en lieu culturel


mars 2016

En janvier 1823, la municipalité décide de regrouper les différents abattoirs de Toulouse tenus par des particuliers en un seul lieu hors les murs, en s'inspirant des modèles parisiens réalisés selon les dispositions du décret de 1810. En 1825, une ordonnance royale autorise la ville à construire ses abattoirs publics, interdisant par la même occasion les tueries particulières. Un terrain appartenant aux hospices civils de Toulouse est choisi sur la rive gauche de la Garonne, en bordure du fleuve chargé d'évacuer les déchets. Le nouveau bâtiment est construit entre 1827 et 1831 d'après un projet de l'architecte Urbain Vitry. Ce dernier propose des plans d'une grande rationalité : au centre de la parcelle, une grande halle accueille les échaudoirs pour les veaux et les bœufs ; dans l'alignement, un second bâtiment en arc de cercle est dédié aux porcs ; tandis que de part et d'autre, en lisière du terrain, se répartissent les corps de bâtiments annexes servant de bouverie et de bergerie. Des réaménagements et des agrandissements sont réalisés dans les années 1880 puis dans le 1er quart du 20e siècle avec la mise en place notamment des grands frigos.

Le site est fermé en décembre 1988. Les bâtiments de Vitry sont protégés au titre des Monuments historiques par arrêté le 13 mars 1990. D'importants travaux sont alors entrepris entre 1997 et 2000. Les extensions successives sont démolies tandis que les constructions d'origine sont adaptées pour y aménager un musée d'art contemporain : les Abattoirs !

Repère de nivellement, 10 rue Saint-Anne. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 2016, non coté.

Où l’on parle de l’échelle, non pas de Jacob, reliant la terre au ciel, mais celle reliant la mer à Toulouse.


février 2016

Le promeneur attentif n'aura pas manqué de remarquer les petites plaques en fonte ornées de deux croix occitanes, présentes sur certaines façades du centre ville. Il s'agit, comme cela est indiqué dessus, de repères de nivellement. Les chiffres permettent de connaître la hauteur des repères par rapport au niveau de la mer, donc leur altitude, indispensable à la réalisation des travaux de voirie, notamment pour résoudre les problèmes d'écoulement des eaux.

A Paris, le nivellement général de la ville est rendu obligatoire par le décret du 26 mars 1852. Ce décret est étendu à de nombreuses villes de province, dont Toulouse, qui entreprend le nivellement de la ville en 1857. Cette mission est confiée à M. Bayard, géomètre, déjà auteur du plan de la ligne de l'octroi. L'article 2 de l'arrêté de la ville de Paris repris par Toulouse, prévoit qu' « il sera placé à tous les carrefours, aux angles des rues, sur les soubassements des monuments, sur les murs des quais et sur les autres points que nous aurons déterminés, des repères en fonte, aux armes de la ville, indiquant des ordonnées de comparaison ». C'est ainsi que subsistent encore certaines de ces plaques, sur les 234 posées en 1857-1858, quand elles n'ont pas été déplacées ou emportées par les aménagements urbains (6 D 176 ; 1 O 297 à 316 rechercher "nivellement 1857").

Le cloître, détail d'un chapiteau © Jacques Sierpinski, IVC31555_20153100462NUCA. Les deux galeries est et sud du cloître, disparues en 1834, ont été remontées lors des restaurations de la 2e moitié du 20e siècle.

Les changements de régime ne sont pas tendres avec les monuments.


janvier 2016

« Au premier abord, Toulouse présente l'aspect d'une de ces villes des paysages du quinzième siècle, dominées par une foule de clochers pyramidaux et d'immenses nefs, hautes et larges comme des tentes, plantées par une race de géans [sic] pour abriter leurs descendans [sic] affaiblis. On approche, on ne trouve qu'une ignoble écurie, un grenier à foin, un prétendu musée, d'où vous écarte en criant quelque grossier soldat. »

Ainsi s'exprime Charles de Montalembert, dans une lettre écrite à Victor Hugo en 1833 et publiée dans la Revue des Deux-Mondes.

[Nef de l'église des Jacobins]. Vers 1860. Vue perspective générale de la nef de l'église des Jacobins avant sa restauration. Eugène Delon (photographe). Photographie N&B collée sur carton 37,5 x 51 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 26 Fi 55.Les changements de régime ne sont pas tendres avec les monuments. Symboles d'une autorité contestée, ils subissent les affres de la vindicte populaire et du nouveau pouvoir. L'iconoclasme et les destructions qui ont suivi la Révolution française sont d'une telle ampleur, que très vite de nombreux personnages s'en émeuvent. En 1793, l'abbé Grégoire invente le terme de « vandalisme » pour désigner les démolitions des révolutionnaires, par analogie avec le peuple des Vandales qui ravagea la Gaule lors des Grandes invasions. Si tout le pays est touché par ces destructions, Toulouse obtient quant à elle le titre peu glorieux de « patrie du vandalisme » décerné par le même Montalembert. Il est vrai que le journaliste et historien, homme politique, fondateur d'un catholicisme libéral, a sous les yeux une église des Cordeliers transformée en magasin à fourrage, le dernier vestige de l'ancien Capitole (le donjon) en train de s'effondrer ou bien encore une église des Jacobins inaccessible, occupée par l'artillerie. Transformée en caserne, sa nef a été divisée en deux : une écurie a été établie dans sa partie inférieure, le deuxième niveau aménagé en chambres et greniers. La chapelle Saint-Antonin sert quant à elle d'infirmerie vétérinaire ! Les militaires quittent le couvent en 1865, le laissant dans un état de désolation important. Restauré tout au long du 20e siècle, le couvent des Jacobins a été réaménagé récemment. Chef d'œuvre de l'art médiéval, il est également aujourd'hui un lieu culturel incontournable, accueillant des concerts, des lectures ou des expositions.

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Groupe scolaire Ernest-Renan, ancienne école des garçons, détail du bas-relief. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 2008, IVC31555_20083100422NUCA

Des jeux à la récré !


décembre 2015

Les filles s'amusent avec des poupées ou à la balançoire tandis que les garçons se poussent sur une planche à roulettes ou jouent à saute-mouton ! Ces bas-relief ornent l'école Ernest-Renan si caractéristique des constructions de l'entre-deux-guerres à Toulouse.

 

Groupe scolaire Ernest-Renan, ancienne école des garçons, détail du bas-relief. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 2008, IVC31555_20083100423NUCAGroupe scolaire Ernest-Renan, ancienne école des filles, détail du bas-relief. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 2008, IVC31555_20083100427NUCAGroupe scolaire Ernest-Renan, ancienne école des filles, détail du bas-relief. Phot. Noé-Dufour, Annie; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 2008, IV73_04314574ZAA

 

En effet, la réalisation du groupe scolaire Ernest-Renan fait partie d'un vaste programme de construction scolaire entre 1925 et 1935. En une dizaine d'années, c'est presque une quinzaine d'écoles ou groupes scolaires qui sont bâtis sur le territoire communal. Les plans signés par l'architecte de la ville Jean Montariol sont adoptés lors de la séance du conseil municipal du 30 juillet 1931 pour le groupe Ernest-Renan. Le chantier démarre en 1933 et les bâtiments sont livrés pour la rentrée scolaire de l'année suivante, le 1er octobre 1934.


Groupe scolaire Ernest-Renan, ancienne école des garçons. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure, Ville de Toulouse ; Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 2008, IVC31555_20083100420NUCALe groupe scolaire comprend une école des garçons, une école des filles, une école maternelle, les logements des directeurs ainsi qu'une salle des fêtes et de réunions pour les œuvres postscolaires.

L'organisation des bâtiments est guidée par la forme étirée de la parcelle. Ils s'organisent le long de la rue, de part et d'autre de la salle des fêtes, située au centre et en retrait. L'architecte a repris les dispositions d'ensemble des groupes scolaires de Jules-Julien, Jules-Ferry ou encore l'école maternelle du Docteur Bach.
Ces projets présentent une architecture moderne (ossature en béton et toit terrasse) dont les bâtiments principalement en rez-de-chaussée ouverts par de grandes baies sont interrompus par des pavillons à un étage, niveau destiné à accueillir les logements. Ces bâtiments très fonctionnels, bien éclairés et ventilés, ont été également soignés dans les moindres détails. La façade très linéaire est toutefois animée par un jeu de polychromie : le rouge de la brique s'opposant à l'enduit clair recouvrant le béton. Sur les pavillons, la ferronnerie des portes de style Art Déco, mêle aux motifs géométriques le sigle de la ville « VT ». De même, les bas-reliefs signés du sculpteur Jean Druilhe évoquent les enfants jouant à la récréation  Même si ces scènes semblent aujourd'hui très stéréotypées, elles viennent enrichir cette architecture scolaire alliant le progrès et la pédagogie symbole d'une époque où l'enseignement et l'éducation étaient un idéal démocratique.

 

Le musée Georges-Labit. Phot. Peiré, Jean-François, Inventaire général, Région Midi-Pyrénées, 1994, IVR73_19943100338XA.

C'est l'histoire d'une villa-musée qui voulait être un palais mauresque...


novembre 2015

Georges Labit est le fils d'Antoine Labit, commerçant à l'origine de l'un des premiers grand magasin toulousain rue d'Alsace-Lorraine : « La maison universelle ». Chargé par son père de prospecter de nouveaux produits pour son commerce, il parcourt le monde, se passionnant alors pour les différentes civilisations qu'il rencontre. Et parallèlement à sa mission commerciale, il commence à rassembler de nombreux objets d'art venant du Moyen-Orient, d'Asie et d'Europe.

En 1893, il contacte l'architecte Jules Calbairac afin que ce dernier conçoive un écrin digne de présenter et de conserver ses collections. Calbairac propose alors une œuvre d'inspiration mauresque, courant très en vogue à la fin du 19e siècle. En effet l'architecte met l'accent sur l'animation des façades et puise dans plusieurs sources d'inspiration. Il réalise un édifice à l'image de son client grand voyageur, aventurier et ethnologue passionné d'Orient, en inscrivant le bâtiment dans un courant stylistique tourné vers l'exotisme.

De plan carré, la villa-musée s'organise autour d'un espace central couvert par une grande verrière, point de lumière sur lequel s'ouvre l'ensemble des pièces. Les façades sont rythmées par des arcs outrepassés polychromes. Le pavillon d'entrée est couvert par un dôme aux tuiles en écaille de poisson en céramique vernissée couleur vert-d'eau. D'autres éléments décoratifs en terre cuite émaillée ponctuent les façades : des frises de carreaux bleus et cabochons étoilés vert et jaune sont disposés à intervalles réguliers. Ces ornements polychromes soulignent l'architecture tout en renforçant le caractère orientaliste de l'ensemble.

Quelques années après la mort de son fils, survenue en février 1899, Antoine Labit, lègue à la ville de Toulouse, la villa-musée et ses collections pour que l'ensemble devienne un musée ouvert à tous consacré aux arts orientaux. Le legs est reçu par la municipalité en 1919. Les collections se sont depuis grandement enrichies.
Pour en savoir plus sur le musée Labit, rendez-vous sur Urban-Hist.

Alexandre Laffon, Élévation pour le projet de reconstruction de la façade de M. Rascol, angle de la rue du Rempart-Villeneuve et du 29 de la rue Lafayette (actuellement n° 35), 1877. Dessin sur papier. Ville de Toulouse, Archives municipales, 64 Fi 947.

Les origines de la pharmacie rue Lafayette


octobre 2015

Quel toulousain ne connaît pas la pharmacie rue Lafayette, devant laquelle la foule se presse, faisant parfois déborder la queue sur le trottoir ?

En fait, il y a une pharmacie à cet emplacement depuis 1860. En 1877, M. Racsol, propriétaire de l'immeuble et pharmacien, le fait reconstruire. Pour cela, il fait appel à l'architecte Alexandre Laffon, auteur de nombreux immeubles à Toulouse dans les années 1860-1870, mais également de l'église de Lardenne et de l'école normale avenue de Muret (IUFM, aujourd'hui École supérieure du professorat et de l'éducation). Pour M. Rascol, Alexandre Laffon conçoit un édifice à l'architecture typique de la bourgeoisie de la IIIe République.

Sa forme générale est héritée du modèle haussmannien avec une hiérarchisation des niveaux : rez-de-chaussée surmonté par un entresol, un balcon filant à l'étage noble au 1er étage, des balconnets au second et de simple garde-corps au 3e étage. Cependant, ce modèle rigoureux est atténué par des ouvertures aux formes variées, une place plus importante laissée au décor et un traitement de l'angle différent, mis en valeur ici par les pilastres et la fenêtre jumelée du dernier niveau. Sur l'élévation conservée aux Archives municipales (64 Fi 947), Alexandre Laffon avait prévu des colonnes engagées ornées d'un chapiteau corinthien, elles ont finalement été remplacées par des pilastres plus simples, en léger relief. Si vous cliquez sur le lien et zoomez dans l'image, vous remarquerez également sur ce plan l'enseigne de la pharmacie Rascol, ainsi qu'un pot à pharmacie qui orne la corniche de l'entrée.