Arcanes, la lettre


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archives ou de ressources en ligne. Ainsi, des thèmes aussi variés que la mode, la chanson, le cinéma, le feu sont abordés...

HORS / OR


avril 2025

DANS LES ARCANES DE


Enfant déguisé en Indien lors de la matinée Travesty, Palais des Sports, 5 mars 1959. Emile Godefroy - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 19Fi5417.

Or de "sauvage"


avril 2025

Lors de leur arrivée en Amérique, les conquistadors furent fascinés par les parures dorées qu’arboraient les dignitaires natifs. Il faut dire que leur voyage était principalement motivé par la découverte de nouvelles richesses, au premier rang desquelles figurait l’or. Ainsi, de véritables hordes sauvages déferlèrent sur ces territoires « inconnus » en quête d’un hypothétique Eldorado provoquant directement ou indirectement la destruction des populations autochtones, tant dans le sud que le nord.  

Mais si les Amérindiens ont été largement décimés, ils ont été - comme c’est souvent le cas - également mythifiés par la littérature et le cinéma. A tel point que l’Indien a longtemps été un incontournable des panoplies pour bambins. Je vous invite donc à enfiler vos mocassins en peau de daim et votre coiffe en plumes d’aigles pour suivre la piste n°163 d’Arcanes et y découvrir moult trésors.  

  

Tout d’abord des portraits carte-de-visite, typiques du 19e siècle, réalisés par des photographes toulousains. Ces « attrapeurs d’ombres » font apparaître quelque chose comme l’âme de leurs sujets.    

  

Ensuite des hommes-médecine d’Ancien Régime dans leur quête éperdue du métal jaune : alchimie, magie, nécromancie. Ils se révèlent essentiellement des charlatans qui devront rendre des comptes à la justice. Rien à voir avec Sitting Bull. 

  

En matière de peinture sur peau, les congénères des Sioux, Kiowas et autres Iroquois ont des leçons à nous donner. Mais concernant les dorures sur cuir ou parchemin, les Archives pourraient leur en remontrer. 

  

En revanche, nul besoin de remonter l’étonnante pendule qui orne la façade d’un bâtiment de la rue Rivals. Les occidentaux ont un temps linéaire et des horloges circulaires, les natifs Américains ont un temps cyclique, et pour cadran la terre sur laquelle ils marchent. 

  

Sur laquelle ils marchent, et dont ils sont issus, si l’on en croit les cosmogonies de la Terre-Mère. Il en est de même d’une certaine monnaie d’or découverte lors des travaux de percement du métro et qui disparut quelques mois plus tard. 

  

Enfin, si vous souhaitez explorer de nouveaux territoires toulousains et partir à la chasse aux trésors patrimoniaux, nul besoin d’être un fin pisteur. Tout est à disposition sur Urban-Hist. J’ai dit ! 

ZOOM SUR


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Portrait d’un anonyme, Provost Père et fils, circa 1870 - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 1Fi109.

Précieux


avril 2025

La sous-série 1Fi comprend plus de 10 000 clichés réalisés entre 1850 et 2000, classés et conservés ensemble pour des raisons de format et de support (tirages photographiques). Parmi ces images, dont les dimensions sont inférieures à 13 x 18 cm, figurent plusieurs centaines de portraits dits « carte-de-visite » ou « portrait-carte » signés au bas et au dos, par de grands noms de la photographie toulousaine : Trantoul, Provost, Massip, Decap, Delgay, etc. De simples portraits en buste ou en pied, qui se présentent parfois sous la forme de médaillons, et montrent des personnes lambda, tombées depuis dans l’anonymat. 

Mais alors, comment ces milliers d’images des plus ordinaires peuvent-elles se transmuer en clichés extraordinaires ? Car, pour qui sait les regarder, ces photographies valent de l’or. Telle celle que nous vous présentons ici, attribuée à la maison « Provost père et & fils » dans les années 1870 : un tirage photographique assez quelconque, contrecollé sur carton, aux petites dimensions (10,5 x 6,5 cm). Tout ce qu’il y a de plus banal, me direz-vous. Et pourtant…  

Ce jeune homme – faisant fi de l’espace et du temps – nous jetant son regard anachronique et vibrant depuis un studio de la rue Lafayette, il y a plus de 150 ans, me fascine. Cette image m’interpelle et fait signe à l’archiviste-iconographe que je suis, comme tous ces reflets de vies anonymes, anodines, minuscules pour emprunter le titre de Pierre Michon1, que nous consignons. 

Dans la (re)découverte de ces portraits « mineurs » se joue quelque chose de touchant et d’essentiel. Il s’agit là de « l’ordinaire extraordinaire » dont parle le photographe Lee Shulman, qui dans son « Anonymous project » exhume les archives photographiques de personnes inconnues et leur redonne vie en les soumettant, dans ses expositions, à nos regards émus. 

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1.Vies minuscules, Pierre Michon, éd. Gallimard, Paris, 1984. 

DANS LES FONDS DE


“Midas se lavant dans le Pactole”, huile sur toile par Nicolas Poussin, c. 1627. Metropolitan Museum of Art (MET), New York, inv. n° 71.56 (OA – public domain).

La fièvre des enfants déchus de Midas


avril 2025

La Garonne n'étant pas la rivière Pactole, les Toulousains qui souhaitaient obtenir de l'or ont été contraints de recourir à d'autres moyens pour s'en procurer, en barre ou en paillettes. Voici trois recettes distinctes essayées par nos aînés ; toutes tournant au fiasco, bien évidemment.

- l'alchimie 
En 1752, Guillaume Melhet et le nommé Cadet entreprennent de transformer le plomb en or et le fer en argent1. Jean d’Albaricy, ancien conseiller au parlement et féru de chimie, met à leur disposition son laboratoire. Une première tentative en mêlant du fer, de l'antimoine et du nitre échoue dans le creuset. Mais, peu de temps après, leur seconde tentative est couronnée de succès : ils obtiennent effectivement des lingots d'argent pur ! Victoire de courte durée puisque le sieur d’Albaricy se rend compte, mais un peu tard, que les deux escrocs ont profité de son hospitalité et de son matériel pour fondre de la vaisselle d'argent volée. 

- la magie ou divination 
En 1761, un neveu de grand Marc Arcis, lui aussi sculpteur, s’associe avec les nommés Barrère et Personne, l'un un peu sourcier, l'autre un peu sorcier. Ils approchent la veuve du président de Caulet et lui indiquent que son hôtel recèle un trésor, estimé à environ 900 000 livres. Celle-ci autorise Arcis et ses deux comparses à creuser dans sa cave, avec promesse de partage par moitié du pactole. Or, les recherches s’éternisent et, à défaut de filon, les ouvriers semblent surtout arriver à la nappe phréatique. Devant l'eau qui ne cesse de monter, les chercheurs de trésors en viennent à improviser un cérémonial afin de masquer l'humiliation de leur échec : ils « attachèrent un grand crucifix au pied d'une pompe qu'ils s'étoient procurés, et firent dessendre dans le trou qu'ils avoit fait creuser des enfants nuds, faisant semblant de lire un livre qu'ils appelloient "Agripa", exhorttant tout le monde qui travailloit à prier Dieu et que le diable alloit paroitre »2. En fin de compte la veuve de Caulet en est quitte pour une cave inondée et le trio Arcis-Barrère-Personne pour un procès qui, heureusement pour eux, va se terminer sur une simple admonestation par les capitouls. 

- la nécromancie 
En 1778 le quartier quasi-désert et alors viticole de Lalande aurait pu devenir un nouvel eldorado si tout avait fonctionné comme prévu. Pourtant, les protagonistes avaient minutieusement préparé leur cérémonie, rien ne manquait : une maison isolée louée à un boucher, une tête humaine que l'on était allé chercher à minuit, une casserole de terre, les cierges, la nappe noire et surtout ce petit livret tiré de la vraie nécromancie immanquable. On ne saura jamais ce qui a fait capoter cette entreprise (peut-être une erreur dans la cuisson de la tête), mais les participants ont visiblement été déçus car l'esprit invoqué (celui d'Etienne Chabrié3, l’infortuné "propriétaire" de la tête) n'a pas rapporté l’or escompté. De dépit, ils ont jeté la tête dans une vigne et sont retournés à leur anonymat, laissant toutefois le livret d’incantation, qui est désormais conservé aux Archives4

L'histoire ne dit pas si tous les malheureux escrocs, alchimistes, idéalistes (mais quand même matérialistes) ou expérimentalistes ont ensuite été méditer sur la malédiction du roi Midas ou bien sur la morale de la fable du laboureur et de ses enfants. 

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1 - FF 796/1, procédure # 011, du 29 janvier 1752.
2 - FF 805/7, procédure # 171, du 23 décembre 1761. 
3 – Etienne Chabrié avait été pendu peu auparavant. Sa tête ainsi disponible avant pu être collectée en toute discrétion aux fourches patibulaires où son corps était exposé « pour donner de la terreur aux méchants ».
4 - FF 822/7, procédure # 144, du 27 juillet 1778.

LES COULISSES


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Représentation allégorique de Toulouse, Annales manuscrites des capitouls, frontispice du livre II et de la chronique 210 des années 1532-1534. Mairie de Toulouse, Archives municipales, BB274 (détail).

Un trésor doré insoupçonné


avril 2025

Les Archives de Toulouse ne sont ni une banque, ni une bijouterie et pourtant, nous pouvons y trouver parfois quelques microgrammes d’or. 

En effet, dans nos magasins de conservation, les reliures et les pages de certains de nos documents en parchemin sont parfois ornées de décorations dorées qui embellissent ces archives. 

On trouve, par exemple, sur quelques reliures en cuir, des dorures parfois très décoratives. Celles-ci ont été réalisées à l’aide de fers à dorer. Ces fers servent à la fois à écrire les textes et à créer des motifs sur le dos et parfois les plats des reliures en cuir. Pour les réaliser, on apprête les impressions préalablement réalisées avec les fers chauds sur le cuir, à l’aide d’une colle spécifique appliquée au pinceau, puis on vient poser une feuille d’or, épaisse de quelques microns, sur ces mêmes impressions. Afin de fixer l’or, il suffit d’appliquer de nouveau les fers chauds sur les impressions. On obtient ainsi les décors dorés que l’on peut voir sur certaines reliures. Ces techniques, décrites ici, peuvent sembler simples, mais sont, dans les faits, très complexes à exécuter et nécessitent beaucoup de pratique, en particulier pour manipuler les très fines feuilles d’or. 

Certaines pages en parchemin de nos registres peuvent aussi être ornées d’or. On trouve ces dorures principalement dans les peintures qui jouxtent les textes. Ces dernières sont appelées enluminures et servaient à illustrer les manuscrits en parchemin au Moyen Âge. Vous pouvez en admirer certaines dans les Annales manuscrites des Capitouls de Toulouse, aussi appelées « trésor des archives », conservées en nos lieux. Un détail photographique d’une des pages de ces registres est présenté ci-contre. 

Pour réaliser ce décor, les enlumineurs préparaient la surface du parchemin puis posaient une « assiette » ou une « mixtion » qui servait à la fois à faire adhérer la feuille d’or au support, mais aussi à rendre la surface très lisse. Une fois posée, la feuille d’or était brunie à l’aide d’une pierre d’agate afin de la faire briller et de rendre la page étincelante. 

Si vous souhaitez admirer ces décors peints, vous pouvez vous rendre sur le site des Archives, dans l’onglet « Archives en ligne » puis dans le répertoire « Trésor des Archives ». 

DANS MA RUE


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Immeuble depuis la rue Rivals. Photo Krispin, Laure. (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, 2025. IVC31555_20253100221NUCA.

"Il est l'or, Montseignor"


avril 2025

Comment ne pas penser, en regardant ce bâtiment, à cette célèbre réplique du film devenu culte de Gérard Oury, La folie des Grandeurs (1971), qui par un jeu de mots évoque l’heure et les tas d’or ! En effet, cet édifice, occupé par différentes institutions bancaires durant plus d’un siècle, se distingue par la présence d’une singulière horloge. Cette dernière déconcerte par son cadran peu commun affichant les 24 heures d’une journée.  

Elévation antérieure, détail de l’horloge. Photo Krispin, Laure. (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, 2025. IVC31555_20253100223NUCA.

Cet édifice, portant la date gravée de 1895, a été bâti selon les plans déposés auprès des services de la Ville par l’entrepreneur Joseph Montariol (père du célèbre architecte toulousain, Jean Montariol) pour le compte du propriétaire Manuel. Il est venu remplacer un immeuble plus ancien, comme le montre l’élévation dessinée en 1890, et dont le réalignement de la rue de Rivals a entrainé la démolition. 

Ses façades, érigées en pierre de taille, s’appuient sur une maçonnerie de briques et une structure métallique rivetée, visible sur une carte postale ancienne, et qui est réapparue à l'occasion de travaux réalisés en 2023.

Cet immeuble révèle une architecture de style éclectique, au programme ambitieux, avec des élévations ornées de bossages, de nombreux décors sculptés - dont certains (frontons et médaillons coiffant les portes du rez-de-chaussée) ont disparu lors des réaménagements successifs -, une rotonde couronnée par un dôme d’ardoises mais qui, par ailleurs, manquant de hauteur, semble écrasé par ces mêmes éléments et les édifices voisins de la rue d’Alsace-Lorraine.  

SOUS LES PAVÉS


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Triens en or à l’effigie Sévère III découvert lors des fouilles archéologiques de la ligne A du métro de Toulouse, infographie Marc Comelongue, Direction du Patrimoine de Toulouse Métropole.

L'or maudit de Toulouse (nouvel épisode)


avril 2025

Nous avions déjà parlé du consul romain Caepio qui, après avoir exhumé l’or que les Toulousains avaient caché dans des lacs, perdit rapidement son butin, donnant ainsi à toute richesse dorée provenant de notre ville, un parfum de malédiction. Et parfois l’histoire se répète. 

En 1990 et 1991, on procéda à des fouilles archéologiques préalablement à la construction de la première ligne de métro toulousaine. Puis, à l’ouverture de la station Station-Alsace, on décida d’y exposer temporairement les plus beaux artefacts découverts. Notamment le triens en or, illustré ci-contre, à l’effigie de Sévère III qui a régné de 461 à 465. Monnaie rare, d’autant plus qu’il ne s’agissait pas d’une frappe officielle mais d’une imitation locale dont le style approximatif ne présentait pas vraiment l’empereur sous son meilleur profil. Cette louable médiation s’arrêta prématurément dans la nuit du 5 au 6 décembre 1991 quand la vitrine d’exposition fut fracturée. Et voilà encore un objet en or toulousain qui disparaissait à peine mis au jour. Encore cette fameuse malédiction. Peut-être faudrait-il faire appel à un exorciste ? Qui conclura probablement qu’il fallait utiliser une vitrine plus solide. 

EN LIGNE


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Canal du Midi, un promeneur sur le chemin de halage, André Cros, Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi3239.

Hors les murs


avril 2025

Toulouse est importante et mystérieuse. Il y a la ville que l’on connaît, et celle qui reste cachée. Celle que l’on traverse sans y prêter attention, et celle qui ne se révèle qu’à ceux qui osent sortir hors des sentiers battus. Le printemps se montre enfin, alors il est l’heure de mettre ses chaussures et d’aller dehors ! 

 

Avec UrbanHist, franchissez cette frontière. Derrière les façades de briques roses se cachent des histoires hors du commun : une ancienne échoppe sous les arcades du Capitole, les vestiges de remparts oubliés, un jardin secrètement caché que seule une porte entrouverte laisse deviner. Mais l’Histoire ne s’arrête pas aux limites du centre-ville. Hors du cœur de Toulouse, les faubourgs portent encore les vestiges et la mémoire des transformations industrielles, alors que les anciens ports de la Garonne rappellent les gabarres et le commerce du pastel, or bleu qui localement a permis de développer une économie florissante. 

 

Pour passer du dedans au dehors, du connu à l’inexploré, il n’y a qu’un simple pas... du bout des doigts. Ce printemps, ouvrez les yeux, et arpentez Toulouse téléphone en main pour découvrir ce que la ville a à vous offrir. Ce qui est hors-champ n’en est pas moins intéressant. Surtout quand du nouveau contenu est à prévoir sur UrbanHist ! Alors, ne restez pas hors-ligne trop longtemps…