Arcanes, la lettre


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archives ou de ressources en ligne. Ainsi, des thèmes aussi variés que la mode, la chanson, le cinéma, le feu sont abordés...

TROUBLE


septembre 2025

DANS LES ARCANES DE


Les frères Durand du Toulouse-Vélo-Club, vers 1940. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi5859.

Double trouble


septembre 2025

Ce week-end, nous espérons que vous serez nombreux à venir troubler la quiétude des Archives pour les Journées Européennes du Patrimoine. Vous aurez droit à un double programme, samedi et dimanche, à base de visites, d’ateliers et d’exposition. Mais que cela ne vous empêche pas de parcourir le délicieusement trouble 167e numéro d’Arcanes

C’est aux confins du septentrion, que commence votre voyage, vers la mythique Thulé. Dans ce paysage, théâtre des sagas nordiques, un groupe de savants, parmi lesquels Maurice Gourdon, se dirige vers le Spitzberg. L’aventure ne se passe pas comme prévu. Il faut croire qu’un Doppelgänger maléfique était sur leurs traces.   

On ne sait si ces explorateurs de l’extrême avaient consommé beaucoup d’aquavit, mais on espère qu’il était de meilleure qualité que les vins frelatés dont il est question dans les procédures judiciaires des 17e et 18e siècles. Certes, l’abus d’alcool fait parfois voir double, mais quand on y ajoute de la chaux, il fait surtout voir rouge. 

Au contraire, l’archiviste doit garder la tête froide en toute circonstance, notamment lors du traitement d’un fonds. Il se doit de prendre une certaine distance pour le contextualiser, et pour l’aider, il y a le RIC (Records in Context). D’autre part, je pense que nous devrions lancer un référendum sur le thème des acronymes “confusionnants”. 

De la confusion, il pourrait y en avoir autour des frères Bénézet. Tous les deux sont actifs à Toulouse dans les années 1860. L’un, Bernard, est un peintre célèbre dont les œuvres ornent de nombreuses églises toulousaines : Saint-Nicolas, Notre-Dame la Daurade, Saint-Etienne, Saint-Sernin et Notre-Dame du Taur. L’autre, Baptiste, est un photographe moins connu dont le studio était installé 5, rue Croix-Baragnon. 

On ne sait si les deux frangins s’entendaient bien, en revanche il est des frères ennemis qui s’affrontèrent violemment à Toulouse quelques siècles plus tôt. Huguenots et catholiques eurent en effet maille à partir au cours de l’année 1562, une porte de la ville en a longtemps gardé les stigmates. 

Mais vous pouvez aussi débusquer d’autres traces de faits divers plus ou moins brutaux dans les zones éloignées du centre urbain. Dans cette banlieue alors rurale, vous vous ferez l’effet d’avoir le don de double-vue, grâce à la couche « champs troubles » d’Urban-Hist. Un pied dans le passé et un autre sur votre trottinette. Attention ! Un accident est si vite arrivé... 

ZOOM SUR


.

Navire naviguant sur eaux agitées en mer de Barents, entre le Cap Nord et l’Île aux Ours (Norvège), 17 juillet 1906, Maurice Gourdon – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 98Fi322_r.

Voyage en eaux troubles


septembre 2025

Le dimanche 8 juillet 1906, 137 touristes et scientifiques embarquent depuis le port de Dunkerque à bord du paquebot-yacht L’Île-de-France pour un voyage sur les terres polaires du Spitzberg[1]. Aux alentours de minuit, le navire quitte la côte des Dunes de Flandres et longe le littoral norvégien en direction du Cap Nord. Il s’embarque dans les eaux mouvementées des mers du Groenland et de Barents pour atteindre, enfin, le 18 juillet, la pointe sud de l’archipel. Tout en remontant le versant ouest des îles, les explorateurs traversent, ébahis, ce panorama arctique à la découverte de ses multiples fjords, glaciers et massifs montagneux.

Dans le fonds du pyrénéiste Maurice Gourdon (1847-1942), de nombreuses boîtes cartonnées et annotées : « Spitzberg 1906 » renferment presque 200 plaques de projections numérotées et légendées retraçant l’itinéraire de ce voyage. Elles s’accompagnent de sources précieuses qui agrémentent l’histoire : des billets de train pour Dunkerque, un carnet répertoriant l’ensemble des images, des dessins sur calque, le programme imaginé et rédigé par le professeur Nordenskjold, un récit de voyage d'Eugène Gallois, des tirages signés de la main de Maurice Gourdon et des notes sur la faune et la flore étudiées sur place. Un brin nostalgique de mes pérégrinations estivales, sachez que je suis à deux doigts de créer un Polarsteps pour dépeindre, jour par jour, les différentes étapes de cet incroyable Boat Trip. Au pays du soleil de minuit, tout semblait si mirifique. Mais contre toute attente, les déconvenues vont finir par pointer le bout de leur nez, précipitant nos touristes dans la tourmente, et cela pendant 34 longues heures.

Le 25 juillet, c’est aux abords du Raudfjorden – le fjord rouge –, que le drame se produit. Tragique moment où l’expectative du programme finement ficelé se confronte à la réalité du territoire hostile parcouru. Car soudainement, L’Île-de-France, naviguant dangereusement au milieu d’îlots de glace et d’icebergs, se heurte violemment à des roches abruptes absentes des cartes marines. Quelle infortune… le navire se trouve bel et bien échoué au beau milieu des eaux glaciales de l’Océan Arctique. Eugène Gallois raconte : « On envisageait froidement le cas de l’abandon du navire, avec la peu réjouissante perspective d’être réduits à débarquer sur un coin de sol glacé où il faudrait camper un certain nombre de jour, et dans des conditions peu confortables qui ne rappelleraient nullement celles d’un bon camping préconisé par le Touring-Club ! » Toujours à bord, et après une première nuit de frayeur, les vacanciers impatients, débarquent sur la petite île Ytre Norskøya (Île Outer Norway) située sur le point le plus septentrional de l’archipel, à seulement une heure en chaloupe à vapeur du point d’échouement. Sur ce havre désertique, habité par d'innombrables oiseaux, les excursionnistes installent un semblant de campement en espérant un sauvetage imminent.

[Débarquement des passagers de l’Île-de-France sur l’Île Outer Norway (Ytre Norskøya), Svalbard (Norvège), 26 juillet 1906, Maurice Gourdon – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 98Fi408_v.]Le 27 juillet, au matin, après une première tentative avortée, ils sont finalement secourus par le Friesland et rejoignent les banquises aperçues au loin. Cet événement ne va pas tarder à sonner la fin du périple. Encouragée par un temps désastreux, la troupe vire de bord et fait route vers le sud en direction de terres plus familières. Toujours est-il que nos chers passagers de L’Île-de-France repartiront certainement les yeux emplis d’étoiles (ou d’aurores boréales) et d'histoires rocambolesques plein les poches. On tient là la formule idéale pour des vacances mémorables.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________________________________________________

[1] : En 1920 la Norvège devient souveraine de l’archipel du Spitzberg qu’elle renomme Svalbard. Spitzberg désigne aujourd’hui l’île principale de l’archipel du Svalbard.  

DANS LES FONDS DE


[scène dans un cabaret villageois], huile sur panneau de bois (H. 62 cm x L. 82.6 cm), par Cornelis Saftleven, 1642. Rijksmuseum, Amsterdam, inv. n° SK-A-715 (détail).

Vin fleuri, vin trouble


septembre 2025

Tout aurait pu commencer à Toulouse par cette ordonnance du 20 juillet 1340, mais l'on sait bien que les trouble-vins existaient probablement depuis la nuit des temps.
Ce jour-là, après mûre réflexion entre les capitouls, les assesseurs, les médecins et autres prud'hommes, une délibération est prise, et l'on publie cette ordonnance municipale qui interdit aux marchands et taverniers de travailler le vin, d'y mêler de la terre glaise, du sel, du vermillon du Brésil1, de l'alun de roche, du calomel, des crottes de chien, de la chaux et autres matières nuisibles, comme aussi d'importer à Toulouse aucun vin ainsi arrangé2.

Les mélanges du cabaretier
Joseph Chevalier, dit Quic, prétend que les cabaretiers voisins mettent de l'eau dans leur vin. C'est là une accusation des plus courantes, mais ici la calomnie fonctionne puisque ces derniers sont obligés de faire appel à un expert qui, « ayant fait l'épreuve dud. vin » devant témoins, « il reconnut que ledit vin étoit pur et sans aucune mixion »3. En 1733, Jean Caillive commerce dans le vin : il laisse 17 tonneaux chez un cabaretier afin qu'il les vende à pot renversé. Le bruit se répand vite dans le public, que ce vin de Roquemaure est excellent. Mais voilà, le tavernier enivré par le succès va rapidement faire des mélanges avec d'autres fonds de barriques, afin de tirer plus de profit. Ses dons pour l'assemblage sont à l'évidence limités puisque ceux qui le goûtent le trouvent pour le mieux un « vin qui tiroit sur le fort », sinon « trouble » – « très mauvais et louche », jusqu'à « aigre et sentant le pourry » ; les experts appelés confirmeront4
En 1706, depuis Versailles jusqu'à Toulouse, la mode du « vin sur la glace » s'est répandue, jusque dans les auberges rurales, comme ici à Pouvourville. Le cuisinier Vidal, son épouse et son beau-père, profitent d'un beau lundi de juillet pour quitter la ville afin d'aller s'y promener. Après le déjeuner, « ayant fait partie d'aller boire chès le nommé Firmy, hoste audit endroit, ils y seroint allés ensemble. Et ayant fait tirer du vin et mettre à la glace, et après qu'ils en ont eu bu presque la moitié, ayant dit à l'hoste de leur en porter un demy-pégua pour huilier5 l'autre, ledit hoste, au lieu de leur porter du même vin, il auroit au contraire porté du vin farlatté et aygre »6
Le vin n'est pas toujours frelaté à dessein. Il se peut qu'un défaut de surveillance et d'ouillage dans les tonneaux le rendent fleuri. Ainsi, un dimanche de juillet 1745, sortant de la taverne de Françon Clémens, le doreur Joseph Cazalbon, est furieux ; il clame qu'elle « luy avoit donné du vin fleury, ce qui l'avoit obligé de dire à laditte Clémens, que si elle luy en donnoit une autre fois de semblable il vouloit le luy jetter au vizage »7.

Le public pas en reste
Pour la demoiselle Vey, cabaretière, le problème est différent. Elle tire à l'avance le vin des tonneaux et le stocke dans des pots sous l'escalier. Mais les voisins du dessus font quotidiennement du train dans leur ménage, « ce qui, en faisant tomber la poussière dans les pots où l'on met le vin, l'expose à être entièrement troublé »8. En 1691, Ursule Bayouli, tavernière, baille un péga (3,17 l.) de vin blanc à une domestique pour le dîner de son maître. Celle-ci revient peu de temps après en demandant d'échanger le vin blanc pour du vin rouge. Ursule refuse de reprendre le péga vendu « parce que elle ne pouvoit pas sçavoir si le vin blanq qu'elle avoit baillé étoit le mesme ou s'il avoit esté farlaté »9. Effectivement, une fois le vin tiré, rien n'empêche d'y ajouter quoi que ce soit. Par exemple, le forgeron Cayrol qui, invité à manger des crêpes chez le métayer de Bordenove près Larramet, s'y rend avec sa charrette et un tonneau de vin ; « il y resta en conséquance jusques à sept heures du soir, à laquelle il s'apperçut qu'on luy avoit bu près de huit pégas de vin de sa barrique et qu'on avoit en outre mis dans son gobelet avec le vin, du tabac pendant deux fois de suite, ce qui l'obligea à s'en plaindre »10. Cas extrême, ces buveurs – dont la tavernière pense qu'ils « estoint ivronnés par les marques qu'ils en donnoint » – qui « pissèrent chacun dans leur verre »11, puis vomirent tout, à tel point que « sella santoit si mauvais qu'on ne pouvoit pas rester » dans le cabaret.
On aimerait croire que la diffusion du vin bouché a rendu les choses plus sûres. Ce n'est pas évident : le contrebandier Philippe Huet, en sait quelque chose, en plus de son trafic de tabac de Macouba, il fait aussi dans le vin bouché qu’il achète à bas prix en Espagne, et y colle allègrement des étiquettes imprimées qui ne sont visiblement pas du cru12.

Et, même si le vin n'est pas toujours frelaté, il peut faire naître force troubles et conflits, Trouble-vin vous emmène justement à Lalande, sur le domaine de Lassesquières, du temps où un château se dressait encore là où un lac a maintenant élu domicile. 
Et justement comme le ban des vendanges approche, l'atelier Au fil des chroniques des capitouls du samedi 25 octobre sera entièrement consacré à la vigne et au vin.

______________________________________

1. Certes le Brésil que nous connaissons n’est pas encore connu à cette date, mais le mot existe bien, il désigne généralement un bois rouge couleur braise, importé des Indes.
2. AA5/156. Notons que si l'acte est en latin, on précise bien que l'ordonnance, elle, sera publiée en roman (en occitan si vous préférez) et communiquée à tous les intéressés.
3. FF 824/6, procédure # 103, du 25 juillet 1780.
4. FF 777/7, procédure # 191, du 23 novembre 1733.
5. Entendre « ouiller », même si dans ce cas précis le sens est un peu détourné.
6. FF 750/2, procédure # 048, du 27 juillet 1706. L'affaire se termine par une rixe générale où s'entrechoquent bouteilles, fusils une hallebarde et encore une masse.
7. FF 789/3, procédure # 088, du 20 juillet 1745 – la maladie de la fleur correspond à la formation d'un voile qui apparaît sur le vin dans la cuve ou tonneau au contact de l'air.
8. FF 801/6, procédure # 148, du 8 septembre 1757– elle ne va pas jusqu'à jeter le vin, et le réutilise dans le vinaigre – en le filtrant des poussières on espère.
9. FF 735/1, procédure # 044, du 5 novembre 1691.
10. FF 825/1, procédure # 023, du 8 février 1781.
11. FF 760/2, procédure # 049, du 31 octobre 1716.
12. FF 831/1, procédure # 007, du 10 janvier 1787.

LES COULISSES


.

RIC, d'après l'illustration de France Archives (Records in Contexts : un nouveau modèle de description archivistique).

Ne pas semer le trouble grâce à RIC


septembre 2025

Ne pas semer le trouble, c’est l’un des défis de l’archiviste lorsqu’il classe et décrit des documents. En accomplissant sa mission de mise à disposition des archives, l’archiviste prend soin de préserver le contexte de production des documents afin que ceux-ci conservent leur valeur de preuve et d’authenticité ; et aussi pour que les chercheurs puissent les analyser sans biais. Le contexte de production d’un document est en effet essentiel pour comprendre comment les documents ont été produits, dans quelle intention, et quel effet ils devaient produire.

Cette notion de contexte est au cœur même du principe fondamental en archivistique : le principe du respect des fonds. La conservation et les opérations de classement des archives doivent respecter la provenance et l’ordre originel des documents : on ne doit pas soustraire de documents à un fonds ou créer des collections... au risque de semer le trouble dans l’esprit du chercheur, à qui il manquera des clés pour analyser les documents d'archives. 

Le portail archivistique français (le PIAF), dans ses cours en ligne, donne l’exemple simple d’un état des récoltes. Le chercheur n’abordera pas de la même manière le document suivant son fonds d’origine :

« - du fonds de l’exploitation agricole elle-même (on peut penser qu’il est exact puisqu’il s’agit des archives de gestion de l’exploitation) d’un fonds d’administration fiscale (il y a de fortes possibilités qu’il ait été sous-estimé pour payer moins d’impôts ou même obtenir un dégrèvement)- d’un dossier judiciaire issu d’un contentieux (par exemple entre propriétaire et métayer : il pourra avoir été surestimé ou sous-estimé selon la partie concernée)[1] ».

C’est ainsi que dans la littérature normative des archives, vous pourrez croiser RICnon pas un chanteur exposant les règles de l’amourmais Records in Contextle nouveau modèle de description des archives. RIC fait du contexte de production, de conservation et d’utilisation des archives le cœur des descriptions archivistiques. Il vise à faciliter l’utilisation des descriptions des documents d'archives sur le long terme, et à offrir aux chercheurs un meilleur accès aux documents. Finalement, RIC poursuit et met en perspective dans un univers multi-dimensionnel une affirmation énoncée depuis près de 150 ans : « les archives ne peuvent pas être comprises (évaluées, prises en charge, classées, décrites, exploitées) sans prendre en compte et comprendre leurs contextes de production, de transmission et de gestion[2] ».

DANS MA RUE


.

Notre-Dame la Daurade, chapelle de l’immaculée Conception, détail de la Vierge, peinture de Bernard Bénezet. Photo B. A. (c) Mairie de Toulouse, 2022.

Trouble des sentiments


septembre 2025

Qu’ont en commun les églises de Saint-Nicolas, Notre-Dame la Daurade, Saint-Etienne, Saint-Sernin et du Notre-Dame du Taur ? Si vous donnez votre langue au chat, sachez qu’elles sont ornées d’un cycle pictural signé par Bernard Bénezet (1835-1897). Formé à l’école des Beaux-arts de Toulouse puis dans l’atelier d’Hyppolite Flandrin à Paris, cet artiste se spécialise comme son maître dans la peinture monumentale religieuse, reprenant à son compte l’idéal classique du peintre parisien.

Après son échec en 1861 au Prix de Rome qui lui aurait permis de partir se former quelques années dans la ville Eternelle, il retourne à Toulouse où il obtient une reconnaissance rapide de son travail. Proche du milieu catholique, Bénezet reçoit de nombreuses commandes dans la région toulousaine durant toute la seconde moitié du 19e siècle, essentiellement des œuvres religieuses (peinture murale ou de chevalet). L’artiste, empreint d’un fervent régionalisme, recherche une peinture d’inspiration médiévale, et n’hésite pas à plaquer ses silhouettes sur des fonds d’or, accentuant l’expression dramatique des personnages, dont les visages et la gestuelle sont les principaux éléments retenant le regard du spectateur. Avec le temps, l’artiste atténue cet aspect en installant ses figures dans un décor prenant peu à peu plus de corps, créant un cadre dans lequel s’exprime pleinement le trouble des sentiments.

 

Notre-Dame du Taur, transept “Dogme de l’Eucharistie” (détail), peinture de Bernard Bénezet. Photo Maligne, Frédéric (c) Mairie de Toulouse, 2024.

Selon les édifices, les œuvres de Bénezet occupent un pan de maçonnerie, une voûte, une chapelle ou les murs de la nef. A la Daurade, ce sont les chapelles de l’Immaculée Conception et celle du Sacré-Cœur qui reçoivent les peintures de l’artiste. A Notre-Dame du Taur, les œuvres de Bénezet se déploient dans la partie haute du transept (dogme de l’Eucharistie), dans la chapelle axiale (Martyre et Apothéose de saint Saturnin) et la chapelle Saint-Joseph (Mort de saint Joseph). Sa dernière œuvre se développe sur les murs de la nef de l’église de Saint-Cyprien sur lesquels six panneaux sont consacrés à la vie de saint Nicolas. Pour les journées européennes du patrimoine, les 20 et 21 septembre prochains, ces trois lieux seront animés par des visites flash proposées par la Direction du Patrimoine, présentant l’histoire de ces églises et les peintures de Bernard Bénezet.

 

SOUS LES PAVÉS


.

En M, un bouche-troubles alias l’ancienne porte murée de Villeneuve, Plan de la ville de Toulouse dédié et présenté à Monsieur Frère du Roi le 21 juin 1777, Joseph Marie de Saget dessinateur et Pierre Gabriel Berthault graveur, Mairie de Toulouse, Archives municipales, II686 (extrait).

Bouche-troubles


septembre 2025
Les troubles, c’est le sujet de l’un des premiers livres imprimés à Toulouse : Histoire de M. G. Bosquet sur les troubles advenus en la ville de Tolose l’an 1562 . Cette année-là, pendant quelques jours du mois de mai, huguenots et catholiques s’affrontèrent au prix de plusieurs centaines de morts. Apparemment, ce furent les protestants qui lancèrent les hostilités, lassés d’être constamment brimés dans l’exercice de leur nouvelle religion. Et ce sont eux qui perdirent finalement la partie. Le 17 mai, ils furent tous expulsés par l’une des sorties orientales de la ville, la porte de Villeneuve, qui fut aussitôt murée. Toulouse venait ainsi d’inventer le concept de bouche-troubles. Pour quelle raison ? Probablement symbolique, mais aussi hygiénique, puisque les Annales de la ville indiquèrent que la porte était dorénavant « contamynée ». Avant d’être finalement démolie vers 1780, elle fut aussi surnommée « porte du Ministre », en référence aux pasteurs protestants, ou « de Notre-Dame » car une statue de la Vierge y avait été installée, probablement en guise de décontaminant. Les plans anciens, tels que celui que nous présentons, permettent de la localiser à l’emplacement de la cour de l’actuel hôtel Capoul, au n°13 de la place du Président-Thomas-Woodrow-Wilson.

EN LIGNE


.

Vue d'ensemble d'un homme portant un arbre, André Cros, Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi4750.

Semer le trouble


septembre 2025

Le réveil vient de sonner. Tout en émergeant, vous traînez les pieds jusqu’à la cuisine. Le temps que le café coule, vous regardez par la fenêtre le temps qu’il fait. Alors que le soleil de septembre se lève, dorant les façades des bâtiments au même rythme que le grille-pain colore les tartines, les Archives vous invitent à imaginer. Là où autrefois les champs s’étendaient, et que le blé se dressait, là où aujourd’hui s’élèvent les barres d’immeubles sur le bitume. Ces terres étaient le ventre de Toulouse. Elles auraient pu vous donner le pain que vous vous empressez de sauver juste à temps avant qu’il ne brûle, et le beurre tout juste sorti du frigo qui attend d’être étalé. Mais nourrir la ville pouvait aussi nourrir les litiges. Vous l’auriez compris : dans le Toulouse des métairies de l’Ancien Régime, qui sème le trouble récolte les conflits.

En consultant la couche « Champs troubles » d’Urban-Hist, suivez les contentieux tirés des archives judiciaires, comme on trace les empreintes de pas dans un champ boueux. Peut-être qu’elles vous mèneront à un agriculteur un peu trop buté, à des vols de volailles, à un chasseur qui confond gibier et bête de ferme, ou à boire un vin aussi troublant que troublé. Tout est renseigné par le greffier : on y compte autant les bottes de foin que les coups de bâtons assénés. Des affaires somme toute modestes, auxquelles les capitouls ont été amenés à réfléchir. Entre passion et jalousie, où souvent la faim justifie les moyens, comme celle qui vous a poussé à vous faire une dernière tartine « pour la route ». 

Lorsque vous fermerez votre porte à clef pour partir au travail, sur le chemin sortez votre téléphone. Tout en attendant le bus ou le métro, revivez les faits divers d’un temps passé en cherchant du bout de vos doigts encore péguant de la confiture que vous avez mangée ce matin.