ARCANES, la lettre

Les coulisses


Chaque mois, les Archives présentent dans la rubrique "les coulisses" ce que vous ignorez surement du fonctionnement des Archives. Retrouvez ici une petite compilation de tous ces articles.

LES COULISSES


Calendrier publicitaire pour la fabrique de papier à cigarettes JOB, représentant une jeune femme blonde en buste, de trois-quart, vêtue d'une jaquette rouge, fumant une cigarette, 1915. Gabriel Hervé (peintre) et Bernard Sirven (éditeur) - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 20Fi1276.

Dans les petits papiers de Job


janvier 2024
Ce mois-ci, pour faire le job, nous allons vous parler des archives privées puis plus précisément du fonds Job.

Les archives privées sont constituées de toutes les archives entrées « par voie extraordinaire » dans notre service. C’est-à-dire qu’elles sont dites « privées » dès lors qu’elles ne sont pas produites ou reçues par un agent public, ici un agent de la mairie de Toulouse. Ainsi, nous retrouvons les archives d’entreprises, d’associations, ou encore de familles toulousaines.

Les modes d’entrée sont variés :
• il est possible de nous donner ses archives : dans ce cas, un transfert de propriété est opéré ;
• il est aussi possible de déposer ses archives : dans ce cas, le déposant garde la propriété de ses documents ; en revanche, il s’agit d’un mode de moins en moins utilisé par les archivistes ;
• vous pouvez aussi nous vendre vos archives ou bien nous les léguer !
Que de choix s’offrent à vous !

Voici un petit exemple des fonds privés que nous pouvons conserver chez nous. 
Le fonds Job est acquis par les Archives municipales de Toulouse en 2003.
Née de l’idée du boulanger perpignanais Jean Bardou (1799-1852) de créer un petit livret contenant des feuilles prédécoupées qui permettent de rouler des cigarettes, la société Job est créée en 1903, par les familles Bardou et Pauilhac, et s’installe à Toulouse. Sa forte croissance nécessite rapidement la construction d’une nouvelle usine édifiée dans le quartier des Sept Deniers entre 1929 et 1931. Construit sur les plans de l’architecte Pierre Thuriès, le bâtiment principal se veut résolument moderne avec des lignes et des balcons filants, évoquant un immense paquebot. Se développant sur une superficie de 4,7 hectares, l’entreprise fabrique principalement du papier destiné à la mise en cahier du papier à cigarettes. 
Tout au long du 20e siècle, la société Job rayonne tant sur le plan national qu’international avec de nombreuses filiales. Dans les années 1980, les propriétaires décident de la vendre à l’industriel Vincent Bolloré qui ne garde que l’usine des Sept Deniers et celle de Perpignan (qui conditionne les livrets cartonnés). En 2000, l’entreprise est mise en cessation de paiement et s’oriente vers la liquidation judiciaire. Alors que débutent des travaux de démolition en 2003 et en 2005, le « Paquebot » est racheté par la mairie de Toulouse afin d’éviter la destruction de ce bâtiment emblématique d’une entreprise toulousaine majeure du 20e siècle. Le fonds acheté par les Archives est en grande partie composé des archives « récentes » de l’entreprise, et surtout de sa comptabilité.
L’accès à ces documents est simple comme bonjour : vous parcourez l’ inventaire en ligne depuis chez vous, puis une fois votre choix fait, il ne vous reste qu’à venir consulter ces archives en salle de lecture.

Et voilà, Job done ! 
Ceci n'est pas une légende.

Total Recall


décembre 2023
En 2048, dans le voyage au centre de la mémoire proposé par Paul Verhoeven, adapté d'une nouvelle de Philip K. Dick, des souvenirs factices sont implantés aux clients volontaires de la société Rekall. La promesse n'est cependant pas à la hauteur. Gardons le suspens et n'en disons pas plus. Tournée il y a plus de trente ans, cette fiction questionne tant la mémoire (peut-on travestir des souvenirs ?) que la perte de réalité et le rapport au virtuel. 
Pas de falsification en vue dans les services d'archives ! Le code de déontologie des archivistes précise bien que « les archi­vis­tes main­tien­nent l'inté­grité des archi­ves et garantis­sent ainsi qu'elles cons­ti­tuent un témoi­gnage du passé dura­ble et digne de foi ». Les services d'archives sont ainsi les gardiens d'une mémoire collective. Ils assurent aux citoyens l'accès aux traces des décisions et comme le rappelle le Conseil international des Archives (CIA), le droit des peuples à connaître leur histoire.
Pour autant, toutes les informations consignées dans les documents précieusement conservés ne sont pas forcément vraies. C'est donc au chercheur d'interroger les documents, de les comparer, de les analyser pour ainsi écrire l'histoire.
« L'histoire est un roman qui a été ; le roman est de l'histoire qui aurait pu être »
Visite dans les entrailles de l’ancien réservoir d’eau de Périole en 1992, avant leur réhabilitation en dépôt d’archives pour la ville. Tirage photo N&B 18 x 24. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 2Fi1368.

Accès restreint


novembre 2023
Pour approcher les fonds d’archives conservés aux Archives municipales, il faut attendre les jours d’ouverture exceptionnelle des magasins. Ceux-ci sont en effet inaccessibles aux personnes externes au service. La raison ? Assurer la bonne conservation des documents, éviter les dégradations et les vols. C’est aussi l’explication au fait que les documents d’archives ne sont pas disponible en accès libre. Le public, appelé lecteur dans les salles de consultation, est invité à commander les documents qu’il souhaite consulter aux présidents de salle de lecture (les archivistes) puis à attendre que les documents lui soient livrés. 
Au moins une fois par an, pour les journées du Patrimoine, les Archives municipales ouvrent les portes de leurs coulisses et dévoilent leurs trésors. C’est alors l’occasion de déambuler au cœur d’un réservoir d’eau construit en 1892. Rendez-vous en septembre prochain pour en savoir plus !
Correspondance de la marquise de Livry à la présidente Dubourg. Atelier du samedi 4 novembre (9h30-12h30). Venez découvrir plusieurs centaines de lettres écrites depuis Paris, Versailles et Soisy, et reçues à Toulouse ou Rochemontès entre 1763 et 1792. Deux femmes de la meilleure société, deux amies qui échangent sur leur quotidien, mais aussi celui de la cour, et qui traitent des petites comme des grandes affaires du royaume.

Qui va là ?


octobre 2023

Les archivistes sont tellement passionnés par leur métier qu'ils n'hésitent pas à proposer des activités hors-norme, le soir ou bien le week-end.

Il y a bien sûr les populaires Journées Européennes du Patrimoine qui, tous les ans, en septembre, permettent au public de visiter les mystérieux sous-sols des Archives et de participer à divers ateliers.

Les Samedis des Archives vivent leur 2e saison. Ces rencontres organisées chaque premier samedi du mois sont ouvertes à tous et invitent les participants à découvrir, à toucher et aussi à travailler de manière souvent ludique avec des documents d'archives.
La programmation est variée, et chacun peut y trouver son bonheur. Elle permet aux uns de se frotter à des affaires criminelles d'Ancien Régime, aux autres de se plonger dans la correspondance échangée durant la seconde moitié du 18e siècle entre la présidente Dubourg et la marquise de Livry. On est même invité à faire un bond dans le temps en choisissant de participer aux ateliers de "dépoussiérage numérique" (on n'en dit pas plus pour vous tenir en haleine). Last but not least, l'image est aussi à l'honneur, en particulier sous le prisme du fonds photographique de Marius Bergé, qui donne lieu à des ateliers sous forme d'un véritable rallye-enquête dans Toulouse entre les deux guerres.

Les Archives passent au noir est le fruit d’un partenariat entre les Archives municipales et le festival Toulouse Polars du Sud. Cette union heureuse a permis d’organiser quatre rencontres durant la première semaine d'octobre. Un public friand de littérature policière s'y est pressé et s'est trouvé confronté aux pièces d'un procès pour cas de meurtre. Durant trois soirées et une matinée, les participants ont été projetés en août 1744 sur le pont Neuf, où gisait le corps inanimé du jeune Ducos, percé d'un coup de baïonnette au flanc gauche. Après une lecture – souvent ardue – des archives du procès (descente sur les lieux, autopsie et certains témoignages), tous ont su pointer du doigt le meurtrier, sans pourtant que son nom apparaisse jamais dans les documents conservés, et que seule la victime, dans un dernier souffle de vie, nommait énigmatiquement : "Qui va là".
Rendez-vous est déjà pris pour la prochaine édition du festival en octobre 2024.

Les Masterclass viennent compléter ces activités. Après le succès des trois galops d'essai du printemps dernier, ces séances deviennent depuis la rentrée universitaire un rendez-vous régulier (chaque troisième samedi du mois). Elles sont exclusivement réservées aux universitaires, qu'ils soient chercheurs confirmés ou jeunes étudiants.
Historiens de l'art ou du droit, historiens tout court, étudiants en architecture, en musicologie, et autres encore s'y retrouvent pour étudier les sources qui nourrissent et enrichissent leurs sujets de recherche. On vient en solo, en duo, en trio… On y travaille certes, mais aussi on échange, on questionne, on partage ses doutes comme ses trouvailles.

Alors, la prochaine fois que vous pousserez la porte des Archives municipales pendant les horaires officiels d'ouverture, ouvrez bien les yeux : une ou plusieurs affiches vous inviteront à y revenir différemment en soirée ou bien le temps d'un samedi.
Plus simple encore : consultez régulièrement en ligne notre espace presse.

La Gazette des archives, n°49, 1965. pp. 41-48 (L'archiviste et le tourisme - Persée (persee.fr), crédit Association des Archivistes français (AAF).

« C’est en chartiste que l’archiviste doit s’intéresser au tourisme »


septembre 2023

L’article publié en 1965 dans la Gazette des archives - « L’archiviste et le tourisme » - ne pouvait échapper à Arcanes de septembre !
Jacques Levron, conservateur en chef directeur des services d’archives de Seine-et-Oise, y conte qu’en 1951 une circulaire de la direction des Archives de France invite les préfets à nommer un archiviste dans les commissions consultatives de tourisme nouvellement créées. L’argument est simple : « Ce fonctionnaire connaît parfaitement l'histoire du département où il réside, ses richesses archéologiques, folkloriques et plus généralement toutes ses ressources culturelles. Il peut donc fournir d'utiles indications pour la mise en valeur de telle ou telle partie du département, pour l'organisation des visites guidées des villes ou des sites les plus importants, pour la mise sur pied d'un programme de conférences sur l'histoire monumentale ou littéraire de la région... »
Jacques Levron évoque ensuite le rôle de conseiller que peut jouer l’archiviste dans toutes les structures liées au tourisme, à commencer par les syndicats d’initiatives créés à la fin du XIXe siècle. Il saisit l’occasion pour mettre en garde ses collègues : il ne devrait pas accepter de poste de direction de tels organismes, autant pour des raisons d’incompatibilité entre cette fonction et le statut de fonctionnaire, que parce qu’ « elle exige des loisirs et chacun sait qu'en province, depuis quelques années, les directeurs des services d'archives n'en disposent guère ».
C’est sur un ton tout aussi sérieux qu’il rappelle à la fin de son article la « vocation fondamentale d’administrateur et d’érudit des directeurs de service d’archives » : « l'archiviste a d'abord pour mission, selon les termes mêmes du Règlement de 1921, de recueillir et de classer les documents, de rédiger les inventaires et les répertoires, de faire connaître les richesses dont il a la garde ». S’il est « parfaitement qualifié pour apporter aux organismes touristiques un concours apprécié (…) il doit le faire en restant dans la perspective de son rôle traditionnel. Il doit surtout n'y consacrer qu'une part raisonnable de son temps. C'est en chartiste que l'archiviste doit s'intéresser au tourisme. Et, en fin de compte, il n'en servira que mieux les intérêts de celui-ci. »

L’archiviste n’a pas le temps d’être un touriste de l’histoire !

Agent des Archives en salle de lecture, 26 mai 2016. Stéphanie Renard – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 4Num12/81

En salle de lecture


juillet-août 2023

Les Archives municipales de Toulouse étant fermées au mois de juillet pour des travaux de mise en accessibilité du bâtiment, il nous paraissait important de vous parler d’un lieu emblématique de notre métier : la salle de lecture. C’est l’espace qui vous accueille et dans lequel vous pouvez consulter les archives.
Habituellement, la salle de lecture est ouverte de 9 heures à 13 heures du lundi au vendredi. Vous pouvez y venir gratuitement, simplement en présentant un document d’identité à l’agent d’accueil.
Aux Archives municipales de Toulouse, nous, les agents, nous partageons la gestion de la salle en fonction de nos emplois du temps. A deux par matinée, nous sommes chargés de vous communiquer les documents que vous souhaitez consulter. La plupart du temps, nous vous aidons à rechercher LE document dont vous avez besoin, que ce soit pour vos recherches personnelles, administratives ou universitaires.
Une fois ce document identifié, nous entrons sa cote (son identification) dans notre logiciel afin de pouvoir aller le chercher dans nos magasins. Ensuite, nous vous le remontons et vous pouvez le consulter. Mais pour cela, de nombreuses règles sont à respecter afin que nos documents puissent être bien conservés sur le long terme. Sont ainsi prohibés dans cette enceinte stylos, boissons et nourriture. Mais ne vous inquiétez pas, la salle n’est pas sale… elle est même nettoyée tous les jours pour éviter toute poussière ou autre.
Alors, venez nous voir dès le mois d’août !

Contact

Logo du Conseil international des Archives, CIA, kit média (https://www.ica.org/fr/kit-media-75ansica).

Gâtez le CIA, il a 75 ans !


juin 2023

Dans un murmure, chaque début juin, se déroule la semaine internationale des Archives.
Le 9 juin 1948, le Conseil international des Archives (CIA) est créé sous l’égide de l’UNESCO. Il « rassemble les institutions d'archives et les professionnels à travers le monde pour défendre la gestion efficace des archives et la protection matérielle du patrimoine écrit, pour produire des normes reconnues et de bonnes pratiques et pour encourager le dialogue, les échanges et la transmission de ces connaissances au-delà des frontières nationales » *.
Depuis 2007, le 9 juin est la date choisie pour célébrer les archives. Désormais, pendant toute une semaine, les archivistes de tous les continents unissent leur voix pour expliquer au public que les archives et archivistes « jouent un rôle important dans les domaines de la responsabilité, de la transparence, de la démocratie, du patrimoine, de la mémoire et de la société » *. Les archives représentent une richesse sans équivalent. Témoins des événements passés, elles restent fragiles et vulnérables. A la veille de cette semaine de fête, dans le climat de tension que connaît actuellement le Sénégal, les archives de l’université de Dakar ont été incendiées. Ailleurs, des archivistes ont été enlevés et séquestrés, paralysant le fonctionnement des Archives nationales et de l’état civil.

Cette année, juin est l’occasion de célébrer les 75 ans du Conseil international des Archives. #Archives unies #RenforcerLesArchives.

International Council on Archives 

Foire de Toulouse, 1930, détails, Mairie de Toulouse, Archives municipales, cote 1Fi1761.

Raconter des salades ?


mai 2023

Parce qu’elles ont le pouvoir de transformer le temps en mémoire et le passé en histoire, les archives sont au cœur d’interrogations philosophiques, comme celles de Serge Margel et ses archives fantômes1, ou psychanalytiques avec Derrida et son mal d’Archives2. Quel rapport les archives entretiennent-elle à réalité, à l’inconscient ?
«  L’archive, si ce mot ou cette figure se stabilisent en quelque signification, ce ne sera jamais la mémoire ni l’anamnèse en leur expérience spontanée, vivante et intérieure. Bien au contraire : l’archive a lieu au lieu de défaillance originaire et structurelle de ladite mémoire3 ».

L’archive est une trace, une preuve. « Son contenu est l’expression d’un fait, d’un projet, d’une requête, d’une décision et est indissociable de ce fait, de ce projet, de cette requête, de cette décision. C’est pourquoi la première lecture que l’on fait de l’archive doit intégrer les motifs de son élaboration, c’est-à-dire la poursuite d’une action donnée et le contexte dans lequel elle prend place. (…) L’archive a vocation à servir de preuve à l’action qu’elle supporte. (…) C’est ainsi que les archives constituent la source de l’Histoire par excellence4. »
Alors, les archives ne racontent pas de salade ? A priori non… Ou si l’intention de l’auteur est d’en raconter. Les archives pourront toujours être utilisées comme source pour construire un discours ou servir d’illustration à un propos, indépendamment de l’action dont le document témoigne. Des chercheurs peu scrupuleux pourront toujours détourner un discours.

Et lorsque Arcanes vous parlera de légume, il sera temps de vérifier que la constitution des fonds d’archives n’est pas le fruit du hasard.

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1 - Serge Margel, Les Archives fantômes, Paris, Nouvelles éditions Lignes, 2013 (LES ARCHIVES FANTÔMES - Serge Margel - Éditions Lignes (editions-lignes.com))
2 - Jacques Derrida, Mal d’archives : une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995.
3 - Id, op. cit.
4 - Maire-Anne Chabin, Je pense, donc j’archive, Paris, L’harmattan, 1999 (Je pense.... Chapitre 2 - Tout est archive - Le blog de Marie-Anne Chabin (marieannechabin.fr).

Message promotionnel de Louis Bazerque, maire de Toulouse, 1971. Pochette de l'enregistrement gravé sur disque vinyle. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 5AV3.

Disques noirs


avril 2023
Parmi les fonds singuliers des Archives municipales se trouve une collection de vinyles pour le moins hétéroclite.
Vous pouvez passer du « tam tam de la colère » (enregistrement réalisé lors du conflit de Sud aviation en 1963), à l’ Eglise en fête chantée par Gérard Rey accompagné de la paroisse de Blagnac, pour terminer votre écoute par la lecture de la profession de foi de Louis Bazerque, maire de Toulouse, candidat à sa réélection en 1971 sous le slogan « promotion, permanence, Toulouse ». D’autres voyages sonores sont possibles : découvrez-les en consultant les fonds d’archives audiovisuelles publiques et privées.
Pas de précipitation ! Le disque vinyle, apparu dans les années 1950, est un des supports d’enregistrement sonore les plus stables. Ses ennemis, les ultraviolets et la chaleur. Ils provoquent une dégradation chimique du chlorure de polyvinyle qui le constitue. Si le vinyle est résistant, il convient cependant de le manipuler avec précaution pour éviter les rayures. Petit conseil pour les collectionneurs, les vinyles se conservent à la verticale. Si vous les empilez, vous risquez de les déformer et de les voiler.
Angelots sous la glace, fontaine place Olivier, quartier St-Cyprien. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi11628.

Frozen : les archives papier sauvées des eaux


mars 2023

Au mois de novembre dernier, l’un de nos locaux a subi un dégât des eaux. Grâce aux mesures de conservation préventive mises en place, notamment une bonne aération du local et le positionnement des boîtes d’archives à plus de 10 cm. du sol, les dommages ont été de faible importance et les documents, après quelques semaines de séchage et de mise en quarantaine, sont à présent hors de danger. Malgré ces mesures de prévention, conserver des documents sur le long terme n’est pas une mince affaire et le risque d’inondation existe, quelle qu’en soit la cause. Pour cette raison, un archiviste doit connaître les mesures d’urgence à adopter face à un local d’archives inondé. Parmi ces dernières, la congélation est une méthode conseillée dès qu’elle est financièrement et techniquement possible.

Lorsque les documents papier sont détrempés, ils peuvent subir un gonflement, des déformations, leur encre peut couler ou pâlir jusqu’à devenir illisible. L’humidité ambiante devient en outre un terrain propice aux moisissures. La congélation est alors le meilleur moyen de stopper cette dégradation, le temps de réfléchir aux solutions de restauration les plus appropriées. Les documents sont placés dans des sacs en plastique – polyéthylène ou polypropylène – par petits paquets placés à une température inférieure à – 20°C, si possible dans un congélateur industriel. L’idée est de faire en sorte que toutes les épaisseurs soient congelées le plus rapidement possible. Dans un second temps, ils sont lyophilisés, c’est-à-dire déshydratés pour retrouver leur état d’origine.

Malheureusement, ce procédé ne répare pas les dommages que le document a déjà subi avant la congélation, comme la dilution des encres, raison pour laquelle il faut agir au plus vite. De plus, la lyophilisation n’est pas sans danger, notamment pour les reliures en cuir, qu’elle peut raidir de manière irréversible. De même, il n’est pas recommandé de congeler  les parchemins et les sceaux, pour lesquels le séchage à l’air libre reste la meilleure solution.

Service Traitement de l’information de la Ville de Toulouse en 1973. Direction de la communication - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi530/7.

Les archives numériques, des archives vertes ?


février 2023

Le numérique n’est pas écolo. Si c’est déjà une évidence pour vous, c’est un très bon début. Tout est fait pour nous renvoyer une image légère et inoffensive du numérique : on parle de données « immatérielles », stockées dans un « nuage » – cloud – et de la fin de la consommation du papier. Pourtant, l’impact environnemental du numérique est incontestable : 4% à lui seul des émissions de gaz à effet de serre, 5 fois plus gourmand en ressources naturelles que le parc automobile français, en constante augmentation1. Cela étant dit, la dématérialisation, si elle est raisonnée, a toute sa place dans une démarche de développement durable.
À l’heure où le télétravail augmente le besoin d’accéder à des informations à distance et le volume de données produites, le records management (ou gestion des documents engageants) et l’archivage numérique sont essentiels pour mettre en place une gestion des données efficace. Ainsi, l’accès aux données est facilité et leur volume limité (on ne conserve que ce qui est utile, le temps pendant lequel c’est nécessaire).
Les Archives municipales accompagnent les producteurs de données dans la mise en place d’une véritable politique de maîtrise de l’information numérique et participent ainsi à la réduction l’empreinte carbone.

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1 - C. Jost et B. Texier, « L’écologie numérique : infographie, chiffres-clés et conseils pour une dématérialisation plus verte », Archimag, 27 janvier 2023, en ligne (consulté le 06/02/2023).

Mairie de Toulouse, Archives municipales, non coté.

Bouts de fantômes


janvier 2023
Pourriez-vous croiser Belphégor aux archives ? Le fantôme échappé de l’Opéra ? Peut-être pas, mais un fantôme, certainement !
Si vous demandez à consulter des archives dans une salle de lecture, l’archiviste enregistre votre demande dans un… fantôme. Il va ensuite en magasin d’archives déposer la moitié de ce fantôme à la place des documents que vous avez commandés. L’autre moitié suit les documents. Elle vous est présentée en salle de lecture pour que vous y apposiez une signature. La communication des archives est ainsi consignée. Quand les documents retrouvent leur place, les deux moitiés du fantôme sont réunies, signe que les documents n’ont été ni volés, ni perdus.
Aux Archives municipales, les fantômes sont donc en papier.
La montée des eaux, Mairie de Toulouse, Archives municipales, non coté.

Quand les siphons débordent


décembre 2022

Parfois les siphons s’obstruent et débordent. C’est ainsi qu'à la suite d'une panne de pompe de relevage d’un local situé sous le niveau de la Garonne, les archives de la Métropole se sont retrouvées à l’eau.

Intervention d’urgence : relevé d’hygrométrie, surveillance du niveau de l’eau qui va et vient. Trop longtemps exposées à l’humidité, les documents ont dû être évacués vers le site historique des Archives municipales, l'ancien réservoir d’eau de Périole. Le risque  de moisissure était trop important. Plus d’une semaine a été nécessaire pour que l’ensemble des 800 mètres linéaires arrive à bon port !

Les archivistes ont ensuite changé de casquette pour se pencher sur la rénovation des rayonnages roulants. Ceux-ci sont en effet surélevés sur les planches de contreplaqué sous lesquelles l’eau s’est engouffrée. Désastre ! La moisissure n’a pas gagné les archives, mais le sol du rayonnage.

Et pendant ce temps-là, les archivistes fuient vers d’autres horizons, plus au sec !

Inauguration de la Foire exposition, stand de la mairie, avril 1989. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi4742.

Entrevue avec un geek...


novembre 2022

…Commence le cérémonial des présentations jusqu’à ce qu’il me demande la nature de mon métier, question à laquelle je réponds un timide « archiviste », rentrant un peu la tête dans les épaules par réflexe, attendant une réaction peu obligeante malheureusement trop habituelle, à cause d’une ignorance indéfectible et presque volontaire de ce métier.
« Woah ! », qu’il fait.
Étonnée, je répète un peu plus fort : « archi-viste… ».
Il poursuit : « Archiviste ! Le gardien de la mémoire ! ».
Je rougis, mais parviens à rester digne. « Euh oui voilà ».
Enfin un autre point de vue sur le métier d’archiviste, qui fait beaucoup de bien à entendre.

En creusant un peu, je me rends compte effectivement que l’archiviste est plutôt bien représenté dans le milieu des geeks. Alors qu’on trouve rarement le terme « archiviste » dans les listes des métiers les plus communs sur internet, il constitue une classe à part entière dans les jeux célèbres d’heroic fantasy, à commencer par Donjons et Dragons qui place les Archivistes dans la catégorie des Magiciens. Et en effet, ils peuvent jeter des sorts puissants qu’ils ont collectés dans des parchemins magiques et leur discipline mentale les rend également eux-mêmes résistant à la plupart des sorts. Grâce à leur savoir encyclopédique, ils connaissent les faiblesses de leurs adversaires qu’ils n’ont aucune crainte à combattre.

Ma découverte préférée reste la BD d’Ugo Bienvenu, Préférence Système, dont l’histoire se passe dans un futur très proche, au moment où la seule solution pour faire face au débordement des archives est de détruire ; de manière drastique et systématique. Les deux héros sont un archiviste (sans pouvoir magique cette fois) qui sauve en cachette des documents qu’il considère essentiels pour l’humanité, et un robot qui mémorise les documents sauvés et les enseigne plus tard à une petite fille (l’enfant de l’archiviste) qu’il a portée lui-même dans son ventre. Nous avons donc affaire ici à un archiviste héros d’une BD de science-fiction, dont le véritable sujet est la mission de transmission…

Pour préserver cette image si fraîche de notre métier, voire héroïque pour les meilleurs d’entre nous, voici une lettre depuis nos Arcanes à nous pour vous dire : geeks, merci.

Voir aussi le blog « Archives et culture pop » (https://archivespop.wordpress.com/).

Intérieur du bâtiment des Archives de Toulouse : magasins de conservation. Juillet 2016. Stéphanie Renard – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 4Num13.

Qu'importe le flacon


octobre 2022
Des rayonnages interminables de boîtes identiques ? Pas du tout. Nos magasins d’archives contiennent des boîtes, certes, mais de toutes tailles, toutes formes, certaines debout, d’autres couchées, des boîtes très fines, calées entre les autres, d’autres qui s’étalent sur toute une tablette, et puis des tubes, des cartons à dessins dans des meubles à plans, des boîtes en bois, en plexiglas, des boîtes en carton, carton recyclé, carton celloderme pH neutre avec réserve alcaline... !
La majorité des boîtes d’archives définitives sont réalisées sur mesure. Nous conservons toutes sortes d’archives, et donc autant de formes de contenants.
Ce n’est pas tout. Ces boîtes, rangées sur une tablette, plus ou moins haut sur une travée, elle-même alignée avec d’autres travées formant un épi, au milieu d’autres épis mobiles, à l’intérieur d’un magasin. Le tout s’emboîtant harmonieusement, chaque boîte ayant une place attitrée, une adresse bien précise correspondant au numéro du magasin, puis de l’épi, de la travée et enfin de la tablette.
Certes, certains magasins conservent beaucoup de documents au format A4, donc beaucoup de boîtes identiques. Identiques ? Toujours pas. Car chaque boîte a son nom propre, qui nous informe sur son contenu et son origine : 878W763, 371W112, 379W27, 1050W62, 92Z848, 1Z31, ING412, B1948… Avec l’habitude, ce ne sont plus des boîtes que l’on voit, mais ce qu’elles contiennent. Ainsi, le magasin des autorisations d’urbanisme est rempli de toutes les adresses de la ville !
Association des archivistes français, Gazette des archives, n° 97, 1977.

Toujours le même thème ?


septembre 2022

Que conservez-vous sur le thème de… Stop ! Les archives ne sont pas classées par thème. Contrairement aux Musées ou aux Bibliothèques qui conservent des collections, les services d’archives conservent des fonds. Les fonds sont des ensembles de documents qu’une personne physique ou morale a produits ou reçus dans l’exercice de son activité, tandis que les collections sont la réunion artificielle de documents en fonction de critères établis par l’organisme chargé de les conserver.
Le classement opéré par les archivistes est guidé par le principe du respect du fonds, c’est-à-dire le respect de la provenance, de l’intégrité, et parfois même de l’ordre originel des documents. Ainsi, il ne viendrait pas à l’idée d’un archiviste de rassembler des documents produits par une personne privée, un service de la Ville et un service de la Métropole au prétexte qu’ils traitent d’un même sujet. Avant même de s’intéresser au contenu d’un document, les archivistes étudient son contexte de production : que faisait le producteur du document lorsqu’il l’a produit, reçu ou classé ? Quelle action a conduit à la création du document ? 
C’est grâce au contexte de production que l’archiviste peut déterminer la valeur d’un document et en proposer une description fiable. Pour reprendre l’exemple donné par le Piaf (portail international d’archivistique francophone), un état des récoltes sera interprété différemment selon qu’il vient : du fonds de l’exploitation agricole elle-même (on peut penser qu’il est exact puisqu’il s’agit des archives de gestion de l’exploitation), d’un fonds d’administration fiscale (il y a de fortes possibilités qu’il ait été sous-estimé pour payer moins d’impôts ou même obtenir un dégrèvement), d’un dossier judiciaire issu d’un contentieux (par exemple entre propriétaire et métayer : il pourra avoir été surestimé ou sous-estimé selon la partie concernée).
Les archives sont la documentation pour la recherche historique. Sans documents d’archives fiables, l’histoire reposerait sur des affabulations. L’archiviste doit donc préserver les éléments qui permettront au chercheur d’analyser un document sans faire de conjectures.
Alors, lorsque vous viendrez aux archives et que vous demanderez à consulter des documents sur les pistes cyclables à Toulouse entre 1976 et 1981, l’archiviste qui vous accueillera ne saisira pas l’occurrence « pistes cyclables » dans la base de données. Il cherchera à savoir quel service de la Ville avait la responsabilité des pistes cyclables puis consultera les fonds de ce service et vous proposera ensuite des archives à dépouiller. 

Le « respect des fonds » en archivistique : principes théoriques et problèmes pratiques, La Gazette des archives, n°97, 1977. - Persée (persee.fr)

Haut-parleur dans un des magasins des Archives municipales, 2022. Delphine Rezé - Mairie de Toulouse, Archives municipales, non coté.

Let’s all chant


juillet-août 2022

Sa disparition est arrivée en début d’année, mais le thème de ce mois-ci fait remonter des souvenirs d’un témoin du passé : notre micro de salle de lecture !

Probablement installé en 1996 lorsque les Archives municipales ont investi le réservoir de Périole, il a accompagné les présidents de salle pendant 26 ans. Il permettait à celui qui restait en salle de transmettre des informations à celui qui était descendu chercher les documents, ou faire appeler un collègue, grâce aux haut-parleurs installés dans les couloirs des magasins et des bureaux. Et puis nous nous sommes modernisés, et le téléphone a fait son apparition dans l’ensemble du bâtiment. Le micro a perdu son rôle, mais il est resté spectateur du va-et-vient de la salle de lecture jusqu’en février 2022. 
C’est au cours d’une réflexion sur la salle de lecture pour mettre à plat nos procédures et repenser l’aménagement que la décision a été prise à l’unanimité : le micro et son équipement volumineux devaient laisser leur place. 

Et c’est aussi à cette date que certains d’entre nous ont découvert que, même s’il n’était jamais utilisé, il fonctionnait encore, et que certains collègues s’étaient bien gardés de le dire aux petits nouveaux ! Vous vous en doutez, un certain nombre d’entre nous ont rêvé de passer une annonce avec lui pour tester l’acoustique, et ont très vite été déçus quand ils n’ont pas entendu le son de leur voix raisonner en salle. Car, en voyant ce micro posé là, on se dit forcément que c’est pour se faire entendre des lecteurs, alors qu’en réalité on vous entend dans tous le bâtiment SAUF de là ou vous vous exprimez (mais ça, vous l’apprenez bien plus tard). 

Combien de « 1, 2, 1, 2… » ou de « la salle de lecture va fermer ses portes dans 5 min » ont été prononcés ? Mystère ! Ce qui est sûr, c’est que certains ont été plus créatifs en poussant la chansonnette un midi où les lecteurs étaient déjà partis. Et si vous leur demandez, je suis certaine que chaque agent des Archives municipales aurait une anecdote à raconter grâce à ce micro ;-) 

Let’s all chant !

Mairie de Toulouse, Archives municipales, sans cote.

L'archive est dans le pré


juin 2022
Ce n’est pas peu dire que nos collègues de la Mairie et de la Métropole nous envient notre environnement de travail. Niché en plein cœur d’un quartier résidentiel, bien au calme dans son écrin de verdure, le chant des oiseaux y est appréciable.
Notre bâtiment attire aussi quelques curieux, et il faut dire que son architecture est atypique : il s’agit d’un réservoir d’eau reconverti. Au rez-de-chaussée, des magasins et juste au-dessus, des bureaux … et des herbes sauvages ! Régulièrement dans l’année, notre lieu de travail revêt un costume champêtre. C’est particulièrement le cas en ce moment. Faut-il y voir une métaphore et conclure que les archives sont un terreau fertile où poussent des graines de savoir ?
Ou bien peut-être s’agit-il encore d’une allégorie représentant le nombre de communication en salle de lecture : une touffe d’herbes = une communication en salle de lecture. Plus de 4 300 documents ont été consultés l’année dernière pour 1 000 visites en salle de lecture, à multiplier par 26 années de présence en ces murs et le compte est bon (à quelques brins près mais personne n’ira vérifier) !
Chaque matin, du lundi au vendredi, notre salle est ouverte de 9h à 13h. Pas de prêt de document, uniquement des consultations sur place ou depuis chez vous grâce à notre base de données en ligne qui héberge de nombreux documents numérisés.
Et si vous souhaitez découvrir les lieux dans une ambiance décalée, alors on vous attend les 1 er et 2 juillet prochain pour la Faites de l’image.
Plein d’occasions de venir admirer notre bâtiment ou nos archives, ou les deux d’un peu plus près !
Portrait de trois scouts suisses saluant, sur le quai d'une gare (années 1930). Mairie de Toulouse, Archives municipales, 1Fi1995 (détail).

Tirer sa révérence


mai 2022
Aux archives, nous conservons des kilomètres de papier et plusieurs milliers de giga octets. Ça, tout le monde le sait. Ce qui est moins connu, c’est que nous conservons également toute sorte d' objets insolites : des maquettes, des objets d'observation astronomique, une mallette de peinture, des instruments de mesure ou encore une couronne. Ces objets proviennent pour l'essentiel de personnes, de familles, d'associations ou d'entreprises et entrent dans la catégorie de ce que nous appelons les « archives privées ». Celles-ci se sont considérablement enrichies ces 18 dernières années, grâce au travail réalisé notamment par une collègue particulièrement douée pour construire et entretenir de belles relations humaines avec les détenteurs de ces témoignages de tout un pan de l'histoire toulousaine. Elle entame aujourd'hui un nouveau volet de sa vie, qui nous n'en doutons pas, lui offrira également l'opportunité de belles rencontres humaines. Pascale, à l'occasion de ton départ en retraite, nous souhaitons te dire « chapeau pour le travail accompli ! » Et merci pour avoir apporté ta pierre à l'édifice mémoriel de Toulouse !
Archives municipales de Toulouse, 26 mai 2016. Reportage sur la vie des Archives, réalisé pour la journée internationale des archives 2016 ; photos du personnel lors de ses activités de dépoussiérage. Stéphanie Renard – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 4Num12/140.

Sous la poussière...


avril 2022
… les documents ? Eh bien non ! Contrairement aux idées reçues, les services d’archives ne sont pas des oubliettes poussiéreuses.
Les archivistes luttent quotidiennement contre cet agent biologique de dégradation des documents. La poussière est un facteur favorable à la croissance de champignons sur les documents. Et des archives moisies, non merci ! Les champignons peuvent en effet détruire définitivement le papier ou l’altérer durablement (taches, coloration des fibres). Alors, dans les bâtiments d’archives, tout est fait pour que la poussière ne s’installe pas : tablette de couverture pour protéger les documents les plus hauts, conditionnement (mise en boîte de conservation) de tous les documents, y compris les registres, revêtement des sols avec de la peinture anti-poussière, dépoussiérage très régulier…
Et pour éviter que la poussière n’entre, les bâtiments de conservation des archives sont dotés de salle de dépoussiérage. Elles sont équipées de matériel spécifique comme les aspirateurs à filtre ; on y nettoie soigneusement les documents.
Pas un grain de poussière dans les archives !
Mairie de Toulouse, Archives municipales, sans cote.

Au coin !


mars 2022
Qui n’a jamais entendu cette injonction étant petit ? Elle rappelle, à n’en pas douter, quelques mauvais souvenirs à certains, synonyme de punition à l’issue d’un caprice ou d’une bêtise puérile. 
D’autres cependant passent leur vie au coin. Je parle bien sûr de ces petits objets métalliques qui, regroupant plusieurs feuilles, ornent les coins des dossiers : agrafes, trombones, coins de lettre, et parfois même aiguilles ! 
Très utile à la tenue des dossiers et donc très utilisés, ils sont pourtant indésirables sur le long terme. Ces petites pièces peuvent s’oxyder avec le temps et tâcher les documents. Les archivistes prennent soin de les retirer à chaque classement définitif par souci de conservation. On vous laisse imaginer le nombre de petites pièces qu’il faut enlever, parfois non sans danger quand une aiguille manifeste sa présence de manière impromptue, et les heures de travail nécessaires pour bichonner les archives.
On en vient donc à se demander qui, de l’archiviste ou de l’agrafe, subit la punition ! Heureusement, rien n’est plus satisfaisant que de voir des documents en bon état et un public ravi d’accéder aux sources d’information.
Sceau secret de la ville de Toulouse (1438) « S. S[ECRETU]M CAPITULI URBIS ET SUBURBII THOLOSE ». Mairie de Toulouse, Archives municipales, ii26/17 (détail).

Les arcanes des archives


février 2022

Chut ! C'est un secret réservé aux initiés !

Circulez !  Il n'y a rien à voir. 

L'accès aux archives peut être parfois considéré comme un parcours du combattant : documents confidentiels, cachés dans des dépôts sombres et impénétrables. Les kilomètres de documents conservés dans les couloirs des archives publiques sont-ils vraiment librement communicables ? Selon le Code du patrimoine (art. L.213-1), oui : les archives publiques sont par principe communicables à toute personne qui en fait la demande. Cependant, certains documents peuvent contenir des informations qu'il est nécessaire de protéger. Les secrets d'État, les secrets des personnes et de la vie privée, les secrets industriels et commerciaux, les secrets judiciaires ne seront pas communicables  pendant une période définie. À l'issue des délais de communicabilité, ces documents pourront enfin être consultés. 

Mais il n'y a pas que les délais légaux qui rendent les archives non communicables. Les restrictions d'accès aux documents peuvent s'appliquer pour d'autres raisons. En effet, les archives mal conservées, les documents détériorés ou encore les fonds non classés ne sont pas consultables. Si la consultation des archives protégées par des délais légaux de communicabilité peuvent faire objet d'une autorisation exceptionnelle avant l'expiration de ces délais, les documents non communicables en raison de leur état matériel ne peuvent bénéficier d'une dérogation. 

Il n'y a donc pas de mystère : la mauvaise gestion et la mauvaise conservation peuvent condamner les archives aux oubliettes, à jamais occultées dans le secret. 

Statue dite la "Tuffolina", par Odoardo Tabacchi, reproduction en plâtre par l’atelier Giscard, vers 1900. Cyanotype Fabrique Giscard - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 46Fi 2117.

Virer au...


janvier 2022

  ROUGE, en 1733, au quartier du Port-Garaud, le petit Costa est soupçonné d'avoir sévèrement battu un autre enfant ; protectrice, sa mère assure que c'est en fait la mère de l'adversaire qui a giflé son petit Costa d'amour, à tel point qu'il « avoit les joues enflées et rouges, pleurant beaucoup »1. La suite de l’affaire ne sert plus à notre propos, mais est délicieusement riche en insultes échangées entre les parents respectifs.
  BLANC, pour Georges Miquel, se faire traiter publiquement de cocu volontaire et entendre dire que sa femme est une putain, c'est déjà un peu dur à avaler ; mais lorsque la harpie qui l'invectivait accompagna ses mots de gestes violents, c'est à dire qu'elle lui asséna sur l'estomac un poids de une livre, George « changea de couleur et devint fort pâlle »2.
  VERT, pour Marie Blanc, changer de couleur aura été un moment agréable (enfin, on l'espère) ; en effet, on peut dire qu'elle passe au vert le 24 juillet 1792, en s'unissant au coutelier Guillaume Vert3.
  JAUNE, pour Marie Rouziers, ça ne va pas fort en ce moment : « depuis environ trois semaines, la bile répandue dans son corps lui a enlevé ses couleurs naturelles et lui a substitué une jaunisse prodigieuse ». Pire encore, ses nouvelles couleurs lui valent les sarcasmes de Jeanneton qui, dotée d’un « esprit méchant », fait maintenant courir le bruit que sa maladie est toute autre, assurant à qui veut l'entendre que Marie « avait tant fait la putain qu'elle avait attrapé la vérole »4.
  BLEU, faute de trouver des personnes virant au bleu, nous nous rabattrons sur la garde-robe de Margouton, dans laquelle se trouve «  une paire soulliers de peau bleue »5. Las ! Margouton ne portera plus ses beaux souliers, car elle vient de chausser les bottes de sept lieues en s’évadant du quartier de force de l’hôpital où elle était renfermée.
  NOIR, Suzanne Bosc se plaint d’avoir été maltraitée, mais l’accusé répond par l’intermédiaire de son avocat qui se fend d’un superbe factum dans lequel il assure que ladite Bosc plaignante, sujette à une « vapeur noire qui trouble et dérrenge le cerveau »6 serait en fait l’agresseuse et non pas la victime ; le procès qu’elle intente n’étant de fait qu’une « noire calomnie ».
  ARC-EN-CIEL, lessivant du linge à « la fontaine Del Prad, au-dellà de celle de Sainte-Marie, sur le chemin de Saint-Martin du Touch », Catherine se fait agresser par une autre blanchisseuse ; son adversaire « la serra si fort qu'elle faillit à l'étrangler, étant venue de plusieurs couleurs »7.
En hélant par hasard une autre femme dans la rue, Marie Filles « s'apperçeut que lad. femme avoit changé de couleur et s'étoit troublée ». Normal, car Marie ne le sait pas encore, mais l’autre est une receleuse chargée d’un butin – qui conduira son mari à la potence8.
Marie Longuevergne est manchote. Malgré cette affliction qu’il a plu « au bon Dieu de luy donner », elle gagne sa vie comme portefaix. Qu’a-t-elle fait pour que la nommée Chimoncle se jacte ainsi de lui couper son autre bras ? Passant même à l'action, c’est avec une pierre que la Chimoncle lui assène un coup « sur sa teste, dont elle fut estourdie et […] elle changea de couleur »9.
Finissons avec Jeanne Bonnet, danseuse de la comédie de Toulouse, plus connue sous le nom de la Devillier. Ses cheveux sont généralement d'un châtain foncé. Or, lorsque nous la découvrons, au matin du 21 avril 1784, ils « sont venus couleur d'or »10. Quant à son visage, il présente plusieurs nuances subtiles de rouge et de noir, rehaussées par ses « yeux, rouges comme du feu ». Un véritable changement d'apparence, jusqu'à son manteau noir qui affiche maintenant des tons roux et ses gants de soie blanche désormais jaunes. Ce virage chromatique radical s'explique par l'agression à l'acide dont cette jeune étoile (filante) vient d'être victime la veille !

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1 - FF 777/3, procédure # 057, du 14 avril 1733.
2 - FF 789/1, procédure # 002, du 9 janvier 1745.
3 - GG 464, f° 136 verso.
4 - FF 834/1, procédure # 026, du 6 mai 1790.
5 - FF 789/6, procédure # 133, du 21 octobre 1745.
6 - FF 802/2, procédure # 057, du 3 avril 1758.
7 - FF 797/3, procédure # 092, du 6 mai 1753.
8 - FF 811/4, procédure # 071, du 6 avril 1767.
9 - FF 772/2, procédure # 058, du 29 octobre 1728.
10 - FF 828/3, procédure # 46, du 21 avril 1784.

Bâtiment des Archives municipales de Toulouse (2016). Stéphanie Renard – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 4Num13/01.

Droit de vie ou de mort


décembre 2021

Plusieurs religions l’affirment : Dieu est Tout-Puissant. Il nous donne le souffle de la vie et  nous fait traverser le pont vers l'au-delà. C'est par Lui que tout commence et tout se termine.
Vu comme ça, pour le pauvre mortel, le destin est tout tracé. Au début, il est jeune et plein de vie. Il grandit en force, en vitalité et peut-être indispensable pour certaines missions de la vie. Puis, le personnage avance en âge et n'est plus sollicité que ponctuellement. Enfin, on ne fait quasiment plus appel à lui. Le temps est venu d'être éloigné pour laisser la place aux jeunes arrivants. Son sort est scellé.
Sur le temps qui passe et le moment de partir, le pauvre mortel n'a pas son mot à dire. Dieu décide. Mais comment s'y prend-Il ? Dieu obéit-Il à des lois, des règles ? A-t-Il des critères bien définis au moment de prendre ses décisions ? Ou agit-il au gré du hasard ?  « Toi, tu restes. Et toi, tu pars définitivement ». J'espère pour Lui que ses choix sont basés sur des éléments clairs et précis. Cela Lui rendrait plus facile la tâche difficile de choisir.Magasin d'archives (2008). Francis Alexandre - Mairie de Toulouse, Archives municipales, non coté.

Et voilà que nous aussi, au sein des archives, nous nous trouvons souvent face à la complexité des choix à faire pour mener à bien la conservation du patrimoine archivistique. Le volume documentaire produit est abondant. Toutefois, tous les documents n'ont pas vocation à être conservés pour l'éternité. Une fois la durée d'utilité administrative des documents arrivée à son terme, il est temps de distinguer les documents à conserver de ceux à éliminer. Vouloir tout garder peut compromettre la préservation de l'ensemble des archives ainsi que l'efficacité de leur communication.

Tel que Dieu, nous voilà voués à sceller le sort des documents : éliminer certains pour mieux conserver d'autres. Mais nous avons un atout : des dispositions réglementaires jalonnent nos décisions. « Toi, tu pars. Et toi, tu restes définitivement ».
Ah, le pouvoir de l'archiviste ! Contrairement au pauvre mortel qui part à jamais, les documents devenus historiques trouvent un second souffle, et remplissent une nouvelle mission : faire vivre la mémoire.

« Symétrie axiale », Mairie de Toulouse, Archives municipales.

Un seul taquet vous manque, et tout est désaxé !


novembre 2021

Déplacer des boîtes d'archives, on sait faire. C'est notre quotidien : arrivées de versements, traitement et reconditionnement, recherches et communications… Mais il y a des cas où cela peut s'avérer plus compliqué. Quand l'espace entre les tablettes1 n'est pas adapté à la taille de vos boîtes par exemple ! Il n'y a pas 36 solutions, il faut retabletter2. Cet été, nous avons entrepris de déménager certains versements d'autorisations d'urbanisme pour les centraliser dans le même magasin, plus proche de la salle de lecture. Plus de 800 boîtes transférées (et ce n'est pas fini), et environ 707 ml au total à retabletter. Trois demi-journées de travail ont été nécessaires. Voici le déroulé de cette opération d'envergure :
Pour ce travail, il faut : des collègues, 3-4 boîtes vides qui serviront de mesure, des tablettes, 4 taquets par tablettes, des marchepieds, un peu de souplesse, des bouchons d'oreilles pour l'étape 4, un gâteau.

  • Étape 1 : mobiliser ses collègues.
  • Étape 2 : mesurer l'espace nécessaire entre deux tablettes avec une boîte, compter les trous.
  • Étape 3 : placer les taquets sur l'axe des ordonnées les montants du rayonnage, fixer la tablette. Ne pas hésiter à s'asseoir ou se coucher par terre pour les tablettes les plus basses. Utiliser le marchepied pour celles en hauteur.
  • Étape 4 : « la tablette ne rentre pas, tape dessus », « BAM BAM », « ça y est ! … Mince, c'est pas droit », « le taquet du fond n'est pas au bon niveau, soulève la tablette », « MAB MAB3, SCHBLING », « zut, ils sont tombés ! », « il faut les accrocher à quel trou, déjà ? », « c'est bon, on est en face », « BAM », « on passe à la suivante ».
  • Étape 5 : Passer à la suivante et répéter les étapes autant de fois que nécessaire.
  • Étape 6 : Vérifier que chaque rayonnage soit symétrique par rapport aux montants. Sinon vérifier la propriété suivante : si deux tablettes sont perpendiculaires à un même montant, alors ces deux tablettes sont parallèles. Reprendre à l'étape 2 en cas d'erreur.
  • Étape 7 : Contempler ce bel exemple de symétrie axiale. Et enfin, pour remercier ses collègues, récompenser les efforts de chacun et soulager ses oreilles, manger le gâteau promis aux volontaires en salle de pause !

 

Cette opération reste malgré tout exceptionnelle, fort heureusement pour nous. Le retablettage, de manière générale, est néanmoins indispensable pour garantir un rangement optimal des versements et aide à gagner de précieux mètres linéaires.
Bientôt, le magasin sera rempli d'autorisations d'urbanisme, et les espaces libérés dans les autres magasins seront très vite comblés par d'autres versements (500 mètres par an, eh oui…).

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1 - Nom donné aux étagères des rayonnages dans le jargon de l'archiviste
2 - Rehausser, abaisser ou retirer des étagères
3 - « BAM BAM », mais dans l'autre sens

Pas sable ...


octobre 2021
 

Et « pas sable », pour un archiviste, c’est déjà très bien ! Non pas que nous manquions d’ambition, mais les grains de sable et les archives, ça ne fait pas bon ménage.

Laisser s’accumuler de la poussière sur un support, qu’elle soit composée de particules minérales ou organiques (suies, pollens, poils, etc.), c’est prendre le risque que le document subisse des dégradations chimiques avec l'acidité, mécaniques par abrasion ou même biologiques avec le développement de moisissures.

Alors, pour éviter dans arriver là, on époussette, on gomme, on aspire, non seulement à l’arrivée des documents dans le service d’Archives, mais encore de façon régulière pour maintenir un environnement sanitaire favorable à la conservation des documents.

La Justice a son garde des Sceaux, les Archives ont leurs marchands de sable… !

De Re diplomatica libri VI, in quibus quidquid ad veterum instrumentorum antiquitatem, materiam, scripturam et stilum ; quidquid ad sigilla, monogrammata, subscriptiones ac notas chronoligicas ; (...). Accedunt commentarius de antiquis regum Francorum palatiis ; veterum scripturarum varia specimina, tabulis LX comprehensa ; nova ducentorum, et amplius, monumentorum collectio, opera et studio domni Johannis Mabillon,... sumtibus L. Billaine (Lutetiae Parisiorum), In-fol., XIX-664 p. - Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, V-5291.

De re diplomatica


septembre 2021

Depuis le Moyen Âge, des faux documents circulent au sein des lieux de pouvoirs. Ce sont soit des documents falsifiés, soit des documents créés de toute pièce. Ces derniers sont appelés forgeries, car leur vocation est de délibérément tromper le lecteur en modifiant, voire en créant un événement. L'historien Laurent Morelle estime que les deux tiers des actes des rois mérovingiens sont faux ou falsifiés. Au cours de l'histoire, de nombreux faux documents sont devenus célèbres : les fausses lettres de Marie-Antoinette dans l'affaire du collier de la Reine ; les photographies falsifiées en URSS ; les faux carnets d'Hitler par exemple. Si ces faux documents sont conservés, c'est parce qu'ils témoignent d'intentions de la part de leurs auteurs, et sont donc une source inestimable pour les historiens.
Au 17e siècle, la préoccupation de reconnaître les faux a donné naissance à une discipline permettant de critiquer les documents et de déterminer leur statut de vrai ou de faux.
Daniel van Papenbroeck, un jésuite hollandais, compare des sources littéraires avec les actes des rois mérovingiens et carolingiens pour vérifier des faits. Il déclare alors que des diplômes mérovingiens sont des faux et déclenche une polémique. Jean Mabillon, un moine bénédictin, est chargé par Colbert (ministre de Louis XIV et contrôleur des Finances) d'éclaircir cette affaire. Pour ce faire, il met sur pied une méthode d'analyse critique des documents. Il réunit le document déclaré comme faux ainsi qu'une collection de plus de 200 actes dont il va se servir comme outil de comparaison, s'intéressant aussi bien à la forme des documents qu'à leur contenu. Il définit ensuite un vocabulaire pour la description et la critique de son corpus. Le résultat de son étude est publié dans un traité : De re diplomatica (1681). La diplomatique est née.
La méthode de Mabillon consiste à analyser les caractères externes des actes : (matière du support, encre, forme de l'écriture, mise en page, ornementation des documents), ainsi que leurs caractères internes : les éléments d'identification (par exemple la suscription, soit l'identification de l'auteur ; la date du document), le corps de l'acte et ses clauses. Son analyse s'étend également aux mentions hors teneur : ce sont tous les éléments reportés sur l'acte qui vont donner des informations sur sa production, sa transmission et sa réception.

Arme contre le démon Titivillus, la diplomatique est une démarche qui permet d'analyser méthodiquement un document pour en déterminer la véracité. Elle est encore utilisée aujourd'hui, d'autant plus que le monde numérique est enclin à produire des faux.

Le rétablissement du parlement ; fête de la ville organisée sur la place Royale le 21 mars 1775. Huile sur toile (détail), Moretti, 1775. Mairie de Toulouse, Musée Paul-Dupuy.

Toi, toi(t) mon roi


juillet-août 2021

Qui se souvient encore que nos anciens rois, oints du Seigneur, tutoyaient non seulement le firmament, mais encore que leur rayonnement pouvait illuminer les toits du Capitole ? Un couronnement, une naissance princière, une victoire militaire ou simplement le rétablissement de la santé du monarque, donnaient lieu en effet à de véritables bacchanales lumineuses dont les chroniques passées nous éclairent quelquefois.
Prenons par exemple deux événements assez rapprochés : la « reconvalescence » du jeune Louis XV, début août 1721 (après un vilain virus) et le rétablissement du parlement de Toulouse dans ses droits anciens par Louis XVI, en mars 1775. Pour ces deux occasions, les capitouls s'empressent de célébrer en grande pompe ces « miracles royaux » et, pour cela, n'hésitent pas à faire embraser les toits – et les finances  – du Capitole pour que Toulouse y gagne son titre de « ville de lumière » bien avant celui de « ville rose ».

Clash of illuminations
En août 1721, le toit du Capitole est en partie éventré par le recouvreur Jean Faure afin de pouvoir déposer sur sa façade et ses fenêtres des falots et des chandelles1. Ces illuminations célestes sont accompagnées de réjouissances aériennes et terrestres avec des fusées volantes, de la musique et des feux de joie qui embrasent les cœurs dans chaque foyer : « on ne voyoit que feux alumés et des illuminations extraordinnaires, et dans le public, et dans les maisons des particuliers. On y fit feste pendant trois jours »2.
En mars 1775, la folie des illuminations bascule dans l'outrance. Deux mille lampions et vingt-quatre pots à feu sont commandés le 23 mars3. Cette débauche de lumière est installée par le nommé Vigoû, couvreur de son état, sous le regard bénévolent d'une statue en carton-pâte de Louis XVI. Cette dernière, installée au centre de la place Royale, trône au sommet du théâtre du feu d'artifice et contemple les toits du Capitole. Ce double inanimé du roi singe son modèle qui, rappelons-le, affectionne particulièrement les promenades, perché sur les toits de Versailles.

Belote et rebelote
Mais une fois la fête terminée, les réparations doivent commencer. Comme faire et défaire est toujours travailler, nous retrouvons Jean Faure qui est commissionné cette fois pour réparer les dégradations causées aux toits lors de l'installation des illuminations ; même tarif pour Vigoû en 1775, tant et si bien que ces festivités engendrent des dépenses qui se montent respectivement à plus de 722 livres en 1721 et 6 270 livres en 1775 !
Et, si jamais quelqu'un se penchait sur les dépenses lors des festivités en l'honneur de Louis XIV, verrait-on les toits du Capitole transformés en véritables féeries lumineuses ? Car, si tous les Louis brillent, le Roi Soleil resplendissait indéniablement de mille feux.

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1 Pièces à l'appui des comptes, 1720-1721. CC 2737, pièces n° 51-52. Ce volume contient encore d'autres documents relatifs aux dépenses de la ville à l'occasion des célébrations organisées lors de la convalescence du roi.
2 Chroniques des Annales manuscrites des capitouls pour l'année 1721. BB 283, chr. 392, p. 134.
3 Pièces à l'appui des comptes, 1775-1776. CC 2809, pièce n° 73. Ce volume contient encore d'autres documents relatifs aux dépenses de la ville à l'occasion des nombreuses célébrations organisées lors du rétablissement du parlement.

Cirque Amar. Un magicien habillé en clair, avec un turban, un autre en smoking enferme une jeune femme dans une caisse. Emile Godefroy - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 19Fi8664.

Baguette magique


juin 2021

Tadaaa !
Ah, si seulement les archivistes pouvaient avoir une baguette magique pour faire apparaître et disparaître, à la demande, la foultitude de documents et de données produits par la collectivité !
Trois petits coups sur la boîte, et hop ! La facture réclamée par le Trésor Public, le plan demandé pour isoler une école, ou la photographie recherchée pour illustrer un événement apparaîtrait, tel un lapin hagard sorti d'un chapeau haut-de-forme.
Mais point de magicien dans la fonction publique, point de havresac où compiler toutes ces connaissances. Rien que l'espace fini des bâtiments d'archives et des serveurs informatiques…

Heureusement, il y a les archivistes !

Cadre de classement des archives privées (série Z).

Tout ce que vous bouliez savoir sur les archives privées (sans jamais oser le demander)


mai 2021

C'est quoi, les archives privées ?
Des archives incommunicables ? Parmi les archives privées, il y en a.
Des archives non classées ? Il y en a aussi (eh oui, elles arrivent parfois en vrac...).
Quand j'étais lecteur à l'Archivio secreto du Vatican, je siégeais à côté d'une Polonaise qui en lisait au petit-déjeuner. Ces archives n’étaient donc pas secrètes. Elles étaient communicables, et même classées. Mais arrêtons avec ma vie privée (et inclassable... mais chut ! C'est un secret).
Bon, en théorie c'est simple : les archives privées sont celles produites par des gens ou des organismes qui ne sont pas publics. Principe rigoureux comme l'algèbre de Boole. Je ne vous dis pas le casse-tête quand il s'agit d'organismes semi-publics, voire d’organismes privés avec mission de service public... De quoi perdre le Boole. Alors, restons sur les fondamentaux.

A Toulouse, nous avons des archives privées. Du lourd à déchiffrer : sans compter notre iconothèque et notre bibliothèque, on en dénombre environ 2 500 mètres linéaires. Pour la circonstance, lançons-nous dans une ronde des chiffres, en mode écologique : adieu calculatrice électronique, bonjour boulier. Et comme j’écris un matin, je vous impose l’ordre décroissant :
1) près de 1400 mètres d'archives d'entreprises : espace urbain oblige, les architectes s'y taillent la part du lion (une bonne moitié), suivis par les métiers du livre et de la presse, puis par une constellation de métiers ;
2) plus de 900 mètres sont occupés par la mémoire d'associations et autres organismes de droit privé : on y trouvera des sources sur le monde du travail, l'éducation, les loisirs, et des mouvements intellectuels, sociaux et scientifiques en tous genres ;
3) et les contributeurs de l'histoire toulousaine (voire au-delà) ? Ils nous ont légué 116 mètres d'archives d'érudits. Un trésor de guerre, pour sûr ;
4) à propos de guerre : quoi de mieux que les archives intimes pour raconter, avec une émotion que l'Administration ne saurait se permettre, le quotidien des soldats, des prisonniers, des résistants, des exilés ? C'est une part très prisée d'un dernier grand ensemble que l'on pourrait appeler "Archives personnelles et familiales", qui atteint presque 100 mètres.

Ces fonds rivés à la vie quotidienne des Toulousains, considérablement enrichis ces vingt dernières années, ne sont pas tous exploitables, mais il était temps de leur construire un nouveau "cadre de classement" agrémenté de statistiques. Les chiffres étant encore un peu à la louche, on les servira avec un camembert bien fait. Vous avez dit boul… imique ?

Seing du notaire Claude Galaberti, reçu et enregistré par les capitouls le 17 septembre 1501 (n. st.). Mairie de Toulouse, Archives municipales, BB209, f°9 (détail).

Pour valider, faites-moi signe !


avril 2021

La validation d’un document est une étape cruciale de son cycle de vie. Elle marque le moment où le document quitte les mains de son auteur pour devenir un document qui engage tout un organisme. Cette validation le transforme donc en instrument juridique : la signature du document validé participe à son caractère exécutoire et donne les preuves de son authenticité.

Les signes de validation ont évolué au fil des siècles, la signature n’ayant pas toujours eu le rôle de validation qu’on lui connaît aujourd’hui.
Avant le 11e siècle, les documents étaient validés par la présence, en fin de document, de souscriptions et de signa. Les souscriptions consistaient en la consignation autographe des noms, titres et qualités des auteurs, parties ou témoins. Elles étaient accompagnées généralement de l’empreinte du cachet ou anneau à signer de la personne traçant la souscription, les fameux signa. Les personnes ne sachant écrire faisaient rédiger leur souscription par un témoin et traçaient une croix en guise de signum, le témoin certifiait alors la souscription de l’auteur dans la sienne. Cette « croix » devient le seing manuel qui, en fonction de la maîtrise ou non de l’écriture, peut prendre des formes plus ou moins compliquées. Le seing manuel remplace progressivement l’empreinte de l’anneau à signer et adopte différentes formes, tel le monogramme, propre à celui désigné dans la souscription. De très beaux exemples de seings manuels sont conservés aux Archives de Toulouse dans les livres des matricules des notaires enregistrés par les capitouls.
Puis les souscriptions tendent à disparaître au cours du 11e siècle, et le recours aux seings manuels ne se poursuit que dans la pratique des notaires. Ces seings manuels deviennent les « grands seings » et se voient adjoindre le « seing du nom », constitué des lettres du nom du notaire, et accompagné d’un paraphe. Au cours du 16e siècle, le seing du nom finit par remplacer le « grand seing » et devient à proprement parler une signature et un signe de validation.
Et le sceau dans tout ça ? Son usage se développe, par imitation des actes royaux, à partir du 12e siècle. Il n’est pas un signe de validation, mais donne le caractère authentique à un document (après sa validation, le document n’a pas été modifié). Il est peu à peu supplanté par la signature, préférée dès le 14e siècle pour la validation de documents de moindre importance. Le recours à la signature est même rendue obligatoire en mars 1554 pour tout un ensemble d’actes.

Et notre sujet du mois d’avril : le tampon ? A lui seul, il n’a aucune valeur juridique. Pour ce faire, il doit impérativement être accompagné d’une signature. Bien qu’il n’existe aucune obligation légale à l’apposition d’un tampon, il comprend généralement des informations indispensables à l’authentification d’une signature en indiquant le nom et la qualité du signataire. Il permet également de tracer la provenance d’un document et peut aussi donner des informations sur l’état d’un document (informations sur sa valeur) : « original », « copie », classification telle que le « secret défense ».

Jeunes femmes en train de danser un « cancan » au Ramier le 14 juillet 1956 (détail). Emile Godefroy. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 19Fi2204.

Les deux choux de l’Histoire


mars 2021

Les Archives sont à l’Histoire ce que les jupons sont aux robes des dames.

C’est la base, la trame qui sous-tendra vos écrits et donnera du corps à vos propos.

Il est vain de se rendre dans un service d’archives en demandant : « Je veux tout savoir sur l’hygiénisme au XIXe siècle » ou encore « Je m’intéresse à mon quartier. Qu’avez vous à ce sujet ? ». C’est comme confondre un agent immobilier et un magasin de bricolage. On ne fait pas visiter des maisons, on fournit les matériaux pour la construire !

Alors si vous voulez continuer à tirer le fil de cette histoire, venez aux Archives municipales, c’est bête comme chou !

Cueillette ou désherbage, dans une planche de maraîchage. Cliché Jean Ribière, vers 1959. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 41Fi110.

Des archives non archivées


février 2021

« Les archives sont l'ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité ».
Le volume d'archives produit chaque année est donc colossal. Tout garder ? Ce serait utopique. « Ma mémoire est comme un tas d'ordure1 » expliquait Funes, qui  n'oubliait rien. Nous risquerions, comme lui, de devoir nous cloîtrer pour faire face à ce surplus de mémoire ou, plus exactement, de détails.
Les services d'archives conservent l'essentiel. Le reste est jeté : 80 à 90 % des documents produits finissent à la broyeuse. Le rôle de l'archiviste c'est évaluer, trier, sélectionner les archives essentielles ; d'autant plus que la sur-conservation (conserver trop de documents, inutilement) a un coût.
La production documentaire papier a explosé dans les années 1940. Aujourd'hui, ce sont les documents numériques dont les volumes sont exponentiels. L'infobésité, ou  surcharge informationnelle, est le nouveau mal du siècle. Pour y faire face, l'archiviste change de technique : « Avant, je désherbais. Aujourd'hui, je cueille2. », écrivait Marie-Anne Chabin il y a quelques années. Car, face à des téraoctets de données ou des centaines de mails, il est chronophage, voire impossible, de commencer par jeter toutes les données qui peuvent l'être. La technique la plus appropriée à l'ère numérique c'est de sélectionner ce que l'on veut conserver et de le classer en sécurité. Ce qui restera, ira à la destruction.

Jetons !

__________________________________________________

1 Jorge Luis Borges, Funes ou la Mémoire, Fictions, 1944.
2 Marie-Anne Chabin, Gestion des mails : j'ai changé de formule, 2014.

Pas à pas


janvier 2021
 

Hier : 5346 pas, 3,7 km, 13 étages. Aujourd’hui : 3691 pas, 2,5 km, 12 étages. Aller chercher un permis de construire, c’est 400 pas aller-retour. Oublier de prendre avec soi la référence du dossier, ben... 400 pas de plus ! Et tant que les bras ne sont pas chargés, prendre l’escalier pour rester en forme !

L’histoire s’écrit pas à pas, et en bonne archiviste, j’arpente les kilomètres linéaires à petite foulée, bien loin d’exercer uniquement un métier de « bureau ».

De quoi tenir la distance jusqu’à la retraite, bon pied bon œil… ?!

 

 

Donjon du Capitole, l’intérieur du bureau de l’archiviste (1946) – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 2Fi1349.

Ad vitam


décembre 2020

Le dernier soupir des mortels, évoqué dans le billet précédent, est l’occasion de se poser la question du dernier soupir de l’archiviste, ou plutôt, de la viabilité de cette fonction dans un futur incertain.
Profession peu, voire mal connue du grand public, l’archiviste existe pourtant depuis des millénaires et, malgré les nombreux défis auxquels il doit faire face à notre époque, ne semble pas voué à disparaître. 

Les missions de l’archiviste - collecter, classer, conserver et communiquer - sont des piliers immuables qui résistent face aux grands vents des documents produits par l’espèce humaine, qui soufflent dans tous les sens, sans savoir où ils nous mènent. Si les archives sont restées similaires pendant des siècles, elles évoluent au fil du temps et ont marqué ces dernières décennies un véritable tournant, amenant avec elles une tornade de modernisme : l’image est apparue, immobile ou mobile, les données se sont petit à petit dématérialisées. Conjointement, les organismes se sont complexifiés et les volumes produits n’ont cessé d’augmenter. 

Ces grands vents ont quelque peu désorienté l’archiviste, notamment lorsque le tout numérique a surgi. Il aurait pu se poser la question de l’avenir de sa profession face à un monde nouveau qui offrait de fausses promesses quant à la conservation et à la sécurité des données. Pourtant, le voilà encore debout, sans hésiter à rappeler l’importance de son rôle, même si le terrain de jeu a changé. La forme évolue, mais le fond reste le même. Pire, de nouvelles problématiques apparaissent. La gestion des documents actuels nécessite donc toujours un accompagnement technique : l’archiviste a su s’adapter et n’hésite pas à ouvrir son champ de connaissances afin de s’approprier un environnement instable, appelé à évoluer sans cesse. 

Au-delà de l’intérêt immédiat de l’archiviste pour mettre de l’ordre dans le grand chaos documentaire dans lequel nous sommes plongés, la constance de sa profession est une nécessité, car il est un gardien de l’histoire et se doit d’offrir aux futures générations un terreau sain où ces dernières planteront leur réflexion et leur construction citoyenne. 

Ainsi, l’archiviste nous démontre chaque jour qu’il n’est pas prêt à rendre son dernier souffle. Malgré les grands vents, il est à l’écoute, prêt à s’acclimater pour offrir un service au plus près des besoins actuels. 

L’archiviste n’a pas dit son dernier mot !

« Arcanes, la lettre », ASCII Art, Marie-Hermine SCHNEIDER

Point, espace, tiret


novembre 2020

Lorsque le classement d’un fonds d’archives est terminé, l’archiviste entame l’étape de l’analyse. L’objectif de cette étape est de décrire le contenu informatif du fonds de manière organisée afin de mettre en valeur sa structure cohérente. L’analyse archivistique doit être concise, pertinente et non-ambiguë afin que le lecteur puisse accéder rapidement à une information fiable. En effet, elle est le point d’entrée à toute curiosité externe, elle revêt donc une importance primordiale si l’archiviste souhaite que le fonds soit consulté.

L’analyse peut être brève ou détaillée : il est possible d’indiquer de nombreuses informations, mais la richesse de la description dépend souvent de la complexité du fonds classé. Elle doit généralement faire apparaître, si l’information est connue, l’objet, la localisation, l’action sur l’objet, la typologie des documents, l’acteur à l’origine de l’action ainsi que les dates extrêmes.

Comment organiser ces différents éléments dans l’analyse sans perdre de lisibilité ? La ponctuation y joue un rôle indispensable. Elle est un outil de rédaction, utilisée comme ciment de construction entre les informations. Voici un exemple d’analyse ponctuée :

Objet. – 1re action : typologie, autre typologie (dates). 2e action : typologie (dates).

Dates extrêmes

Arcanes. – Thématique : listes annuelles (2010-2020). Rédaction : brouillons, numéros validés (2015-2020).

2010-2020

La première combinaison de ponctuation, le point-espace-tiret, est utilisée pour séparer l’objet principal du reste des éléments de l’analyse. Tout ce qui va suivre cette ponctuation se rapporte à l’objet, mais elle ne peut être employée qu’une seule fois au sein d’une même analyse. Cependant, elle ne revêt pas un caractère obligatoire : l’analyse peut être allégée si celle-ci est très succincte (par exemple, Objet : typologie).

Comme nous pouvons le voir dans le premier exemple, le point-espace-tiret n’est pas la seule ponctuation utilisée, la variété des signes permet d’organiser et de hiérarchiser l’information :

    • le point seul permet de séparer la description des différents contenus à l’intérieur d’un même dossier ;

    • les deux points apportent une précision, comme pour indiquer la typologie ;

    • La virgule et le point-virgule séparent des données de niveau équivalent.

Le jeu de l’analyse repose en la capacité de l’archiviste à jongler entre la ponctuation et l’information qu’il souhaite transmettre pour, au final, obtenir un point d’entrée efficace pour quiconque lira la description du fonds.

Affiche réalisée pour les journées du patrimoine (2020). Mairie de Toulouse, Archives municipales, non coté.

Coup de projecteur sur la face cachée des documents numériques


octobre 2020
Tous les jours, vous manipulez des mails, fichiers bureautiques, données consultées ou récupérées sur Internet... La quantité de données produites ou reçues quotidiennement est en constante augmentation. On estime que 293 milliards de mails sont envoyés chaque jour dans le monde. Contrairement aux documents papier, les documents numériques n’encombrent pas vos placards et vos étagères. A coup sûr, ils sont immatériels ! Pourtant, le contrecoup pour l’environnement est bien réel. Par exemple, envoyer 20 mails par jour pendant un an émet autant de CO² que parcourir 1000 km en voiture. Une journée de travail devant un ordinateur équivaut à la consommation électrique de 80 ampoules basse consommation. Pour un coup d’éclat, il est urgent d’adopter des pratiques simples afin de maîtriser « le voyage et le stockage » de vos données : ne conserver que les données utiles, trier régulièrement votre boîte mail, privilégier le stockage des données sur un poste non connecté (conservation « offline ») plutôt que sur le cloud. Vous réduirez ainsi le coût de vos pratiques numériques pour la planète. Pour en savoir plus, suivez le guide de l’Ademe. Et pour éviter un coup du sort, pensez à sauvegarder vos données sur des supports différents (idéalement de technologie et marque différentes). Pour les documents dont la durée de conservation est longue et à forte valeur de preuve, il est conseillé de prévoir une copie au format papier. Que deviendront vos fiches de paie de 10, 15, 20 ans ? Que deviendront les coffres-forts électroniques mis à votre disposition pour conserver vos documents numériques ? Alors, pensez à les imprimer !
Classement de fonds ancien. Marie-Hermine Schneider - Mairie de Toulouse, Archives municipales, non coté.

Dans le bon ordre


juillet-août 2020

Le mot « ordre » est un maître-mot en archivistique : fer de lance ou injonction, il est une composante essentielle du travail de l'archiviste et permet d'aborder aujourd'hui la notion du classement.
Le classement est l'opération qui consiste à la mise en ordre intellectuelle et physique des documents d'archives, offrant ainsi aux lecteurs une compréhension rapide de l'information et une facilité de recherche dans les documents. Cette opération intervient après la collecte des archives ou lors de reprise d'arriéré, lorsque les archives sont difficilement compréhensibles par d'autres personnes que celles qui les ont produites. L'archiviste opère alors pour mettre de l'ordre dans les fonds et faciliter la compréhension par les lecteurs en identifiant les unités d'information et en les ordonnant selon une hiérarchie logique, procédant du général au particulier.
En fonction de la complexité des fonds d'archives, le travail de classement ressemble un peu à une séance de puzzle. L'archiviste travaille sur des documents ou des dossiers et tente de trouver leur place au sein d'un ensemble afin qu'apparaisse au final un cliché des activités du producteur. De la même manière que chacun a sa méthode pour réaliser un puzzle (commencer par les coins, par les bords, trier par couleur) ; chaque archiviste a sa manière de classer. Mais certaines règles sont primordiales à respecter s'il veut conserver une compréhension globale du fonds. Issues d'une notion phare, le respect des fonds, ces règles permettent de garantir l'authenticité et la valeur des archives.
En premier lieu, l'archiviste doit respecter la provenance du fonds, c'est-à-dire qu'il ne doit pas le mélanger à d'autres, même s'il émane du même producteur. Par exemple, il peut paraîtrait incongru de mélanger deux puzzles représentant deux photographies différentes d'une même montagne car l'image définitive n'est pas la même. Les pièces d'un puzzle ne trouveraient pas sens avec celles de l'autre.
Ensuite, l'archiviste doit respecter l'intégrité du fonds, qui consiste à ne pas en retirer des archives pour constituer une collection à part ou à les rajouter à un autre fonds. Entre autres, il n'y aurait pas grand intérêt à garder tous les coins des puzzles pour les mettre à part, même s'ils ont la même forme et qu'ils se ressemblent.
Enfin, l'archiviste doit conserver l'ordre original du fonds, qui consiste à reformer l'ossature originelle en fonction des activités du producteur. L'objectif est de ne pas bouleverser l'ordre initial, représentatif d'une manière de travailler et qui donne du sens aux documents. Il serait difficile de vouloir terminer un puzzle dans un autre sens que celui que le constructeur lui a donné. Tout comme chaque pièce a sa place logique par rapport à celle des autres, chaque document d'archives a sa place et prend son sens dans un tout.
En respectant ces règles, le classement devient une étape indispensable du traitement des fonds d'archives. L'ordre, oui, mais pas à n'importe quel prix : l'archiviste se doit de garantir aux lecteurs l'intégrité des fonds pour une lecture dans le bon ordre.

Plan de classement des Archives municipales de Toulouse.

Fonds clos : la série continue


mars 2020

Fonds clos, fonds ouvert. Série close, série continue. Fonds continu, série ouverte. S'agit-il d'un nouveau jeu pour passer le temps en confinement ? Eh bien non : c'est de l'archivistique !
Selon la terminologie des Archives de France, un fonds clos est un fonds « ayant cessé de s'accroître en raison soit de la disparition de son producteur, soit d'une réorganisation interne profonde de celui-ci, soit encore d'une cessation de fait de ses fonctions, par opposition à un fonds ouvert » (Dictionnaire de terminologie archivistique, Archives de France, 2020).
Ainsi, l'histoire de Toulouse Métropole s'écrit avec une succession de fonds clos : en 1993, la création du district du Grand Toulouse annonce la clôture du fonds d'archives de la Société d'économie mixte pour la technopole ouvert en 1988. Le fonds d'archives du District est lui-même clos au 31 décembre 2000 après la création de la communauté d'agglomération du Grand Toulouse. Les clôtures de fonds d'archives (ceux des services de la communauté urbaine en 2009, ceux des syndicats intercommunaux…) s'enchaînent jusqu'à l'ouverture des fonds de Toulouse Métropole au 1er janvier 2015, dont la conservation est désormais sous la responsabilité des Archives municipales.
Ces fonds d'archives clos sont classés dans la série continue des archives de Toulouse Métropole. Fonds clos ? Série continue ?
Depuis le 19e siècle, les documents d'archives publiques sont organisés en ensembles thématiques appelés séries et représentés par des lettres allant de A à R. Par exemple, la série E est consacrée à l'état-civil, et la série H aux affaires militaires. Les séries forment le cadre de classement. A mesure que la production documentaire des administrations s'accroît, la répartition des documents dans les séries se complique. Les archivistes n'arrivent plus à réceptionner les documents et à les répartir dans les séries thématiques. Alors, à la fin des années 1970, les séries des cadres de classement sont closes au profit d'une série continue, la série W. La date choisie pour ouvrir la série continue est le 10 juillet 1940, date symbolique qui clôt une époque. Les documents produits après la chute de la IIIe République seront dès lors rangés en série continue.
Le principe est simple. A l'arrivée d'un ensemble d'archives, les Archives municipales attribuent un numéro à ce dernier. Cet identifiant correspond à l'ordre d'arrivée des documents : rien à voir avec leur contenu ou leur producteur ! Par exemple, au sein des archives métropolitaines, le versement 1W est consacré à la création du Syndicat d'économie mixte pour la technopôle de l'agglomération toulousaine (SMTAT). Le versement 2W est dédié à la création de la Société d'économie mixte technopôle de l'agglomération toulousaine (SEMLTAT) et le versement 3W à la création du District. Et ainsi de suite… l'histoire continue.

Maison Janin – Fondée en 1822 – Déménagements pour la France – Etranger – Colonies –Vaste garde-meubles – La plus importante du Midi. Années 1920. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi7821.

Pendant ce temps...


février 2020

On valorise. Mais sans collecte, point de valorisation ! Une équipe de choc aux Archives municipales, chargée de collecte et des relations avec les services municipaux et métropolitains est à l'affût pour sauver les documents d'aujourd'hui qui feront la mémoire de nos collectivités et de nos concitoyens de demain.
L'objectif est simple : préserver les documents qui sont altérés par les années qui passent, par les variations de température et autres aléas climatiques, ou encore par la présence de bestioles indésirables qui pourraient en faire leurs quatre heures.
C'est ainsi que près de 54 mètres linéaires de documents de la direction Enfance et Loisirs stockés dans un hangar ont été récemment mis à l'abri dans les magasins normés des Archives.
Pas de temps à perdre non plus lorsqu'il y a déménagement et transfert de compétences au sein des services. Cette équipe de « drôles de dames » a encadré les transferts de documents à la suite des nouvelles dispositions de délégation de service public pour la gestion de l'eau potable et du traitement des eaux usées. Elle a ainsi récupéré près de 170 mètres linéaires d'archives.
Maintenant, nous en appelons à votre indulgence, car il va nous falloir un peu de temps pour identifier cette masse de documents et vous assurer une valorisation de qualité !

 

Cuir et parchemin, Archives municipales, ville de Toulouse, non coté.

Cuir ou parchemin ?


janvier 2020

A partir du haut Moyen Âge, la peau animale a été utilisée pour recouvrir la reliure des livres ou comme support de l'écriture.
Elle peut être travaillée de deux façons :
- soit elle est tannée. Dans ce cas, à la suite de ce travail, elle prendra le nom de cuir. Ce dernier peut ensuite être teinté ou non ;
- soit, après épilation, elle est mise en tension sur un cadre afin d'être poncée et de sécher. Dans ce dernier cas, après ce traitement, elle prendra le nom de parchemin.
Les peaux animales les plus utilisées, et donc que l'on retrouve aux Archives, sont la chèvre et le mouton. On peut rencontrer aussi, mais beaucoup plus rarement, du veau ou du porc.
De nos jours, les restaurateurs de documents d'archives et les relieurs utilisent toujours le cuir et le parchemin pour restaurer les registres ou pour réaliser une reliure.

Bâtiment des Archives municipales de Toulouse : magasin de conservation. 2016. Stéphanie Renard - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 4Num13/5.

Un, deux, trois… Tout est là !


décembre 2019
Les fidèles lecteurs d'Arcanes le savent : aux Archives municipales de Toulouse sont conservés près de 15,5 kml linéaires d'archives. Imaginez…. Une guirlande ininterrompue de boîtes allant de L'Union à Portet-sur-Garonne...

Autant vous dire que, pour retrouver nos petits dans cette farandole, il faut que nous sachions précisément où tel ou tel dossier est rangé. Pour cela, nous utilisons un outil indispensable : le récolement. Ce tableau recense les localisations de tout ce qui est conservé aux Archives. Bien que mis à jour au fil de l'eau, il est contrôlé à chaque changement de directeur des Archives et à chaque élection municipale. Bref, vous l'aurez compris, sa vérification s'approche à grand pas ! Et, sitôt les fêtes terminées, nous nous y attellerons activement.

Si, au cours de cette opération, des lacunes sont constatées, elles sont indiquées. Parfois, nous retrouvons des dossiers qui n'ont pas été rangés à leur bonne place. L'erreur est alors corrigée.
Nous espérons vivement que, cette fois-ci, à l'issue de ce contrôle d'envergure, nous pourrons dire « tout est là ! ».

Au bout du rouleau ...


novembre 2019
 

Quel est le comble de l'archiviste ? Finir au fond d'une boîte ? Hum, possible... Être au bout du rouleau ?! Ça, certainement pas, car le rouleau, l'archiviste n'en viendra jamais à bout.

Qu'il soit en plastique ou en carton neutre, de section ronde ou de format carré, le tube est l'accessoire idéal pour protéger au mieux les plans et autres cartes aux formats récalcitrants. L'archiviste roule, enroule et déroule sans cesse les forêts anarchiques de documents pour arriver à les discipliner à son regard, sans jamais pour autant en venir à bout !

 
« Sauvons nos forêts avec la récupérations des vieux annuaires ». Place du Capitole, 2 décembre 1983. Reportage réalisé lors d'une opération de collecte et de recyclage des annuaires. En présence de Dominique Baudis, maire de Toulouse, et Philippe Dufetelle, adjoint au maire chargé de l'environnement. Daniel Molinier – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi10862.

Tris de gros


octobre 2019
Savez-vous qu'avant de conserver, un archiviste est surtout un champion de la destruction ? 85 % des données et des dossiers produits par l'administration sont détruits au bout d'un délai compris, le plus souvent, entre 5 et 10 ans. Dans la profession, nous avons même coutume de dire qu'un bon archiviste est un archiviste qui jette. Tout-à-coup, vous n'êtes finalement plus très rassurés de savoir que LE document dont vous pourriez avoir besoin pourrait avoir été jeté par un archiviste fou…
Dans la pratique, tout ceci est extrêmement encadré. Des circulaires de tri sont élaborées, au niveau national, pour donner les grandes orientations de la sélection à faire. Puis, localement, une analyse des processus et une évaluation de la valeur juridique et historique des dossiers permettent d'adapter les règles de tri nationales au contexte de l'institution. Les demandes d'éliminations sont ensuite visées par le directeur des Archives départementales, en charge du contrôle scientifique et technique de l'État sur les archives publiques. Alors seulement, les documents sont broyés puis recyclés.
Finalement, les archivistes construisent les rails de la mémoire, puis aiguillent les dossiers vers la destruction ou la conservation. Donc, vous l'aurez compris, du tri, oui, mais pas n'importe comment ! Les archivistes ne sont pas des TRIpatouilleurs de la mémoire, mais bien les conservateurs de la mémoire.
Affiche annonçant les journées européennes du patrimoine du 21 et 22 septembre 2019. Ministère de la Culture.

SO Archives


septembre 2019

La tendance actuelle est aux noms de marques, événements, entreprises, précédés du mot « so »,  traduit de l'anglais par « tellement ». Le plus connu des Toulousains étant sans conteste « SO Toulouse », ou encore pour les agents de la collectivité, les « SORH » !
C'est ainsi que nous venons d'inventer pour les besoins de notre chère lettre d'information « SO Archives » ! Cette appellation, qui n'est bien entendue pas officielle, vise à promouvoir l'intérêt que nous portons à nos archives, celles de la commune de Toulouse.
Nous vous invitons donc à découvrir notre bâtiment, nos trésors d'archives et nos métiers « SO » passionnants lors des journées européennes du patrimoine les 21 et 22 septembre prochains aux Archives municipales de Toulouse.

Référentiel général de gestion des Archives, pourquoi les archives sont-elles un atout de modernisation pour votre administration, Comité interministériel aux Archives de France (2013).

Sans archives ?


juillet 2019

Sans archives, pas de droits. En 1194, le roi de France, Philippe Auguste, est vaincu par Richard Coeur de Lion lors de la bataille de Fréteval (Loir-et-Cher). Philippe Auguste perd ses archives. Sans les titres justificatifs de son pouvoir, il ne peut plus – entre autres – prélever l'impôt. A son retour à Paris, il fait reconstituer ses archives et décide de les sédentariser pour mieux les protéger.  
Sans archives, pas de transparence. C'est ce que rappellent plusieurs institutions, comme l'UNESCO dans sa déclaration universelle sur les archives : « Les archives consignent les décisions, les actions et les mémoires. (…) Sources d'informations fiables pour une gouvernance responsable et transparente, les archives jouent un rôle essentiel dans le développement des sociétés en contribuant à la constitution et à la sauvegarde de la mémoire individuelle et collective ». Quant au Conseil international des archives, il déclare dans le préambule de ses statuts : « Parce qu'elles garantissent l'accès des citoyens à l'information administrative et le droit des peuples à connaître leur histoire, les archives sont essentielles à l'exercice de la démocratie, à la responsabilisation des pouvoirs publics et à la bonne gouvernance ».
Sans archives, pas d'histoire. Mais de l'imagination et de la fiction ! Les archives sont la documentation pour la recherche historique. L'écriture de l'histoire nécessite d'interroger, comparer, analyser les documents. Sans eux, l'histoire reposerait sur des affabulations.  
Sans archives, pas d'avenir. « La question de l'archive n'est pas une question du passé. […] C'est une question d'avenir, la question de l'avenir même, la question d'une réponse, d'une promesse, d'une responsabilité pour demain. » (Jacques Derrida, Mal d'archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995.).
Sans hésiter, prenons soin de nos archives et conservons-les de façon raisonnée.

 

Rentrée des classes 1978-1979. Ecole mixte du Nord, 13 boulevard d'Arcole. 20 septembre 1978. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi1824.

La Maison municipale des familles prend son envol


juin 2019

Depuis le 3 mai, les directions de la Petite enfance, Éducation, Enfance et Loisirs, ainsi que les missions Dossier unique interactif et Observatoire enfance de la Ville de Toulouse, historiquement installées dans le bâtiment de l'ancienne caserne de Compans, ont déménagé dans le quartier de Borderouge.
Jean-Luc Moudenc, Maire de la ville, a décidé de nommer ce nouvel espace la « Maison municipale des familles ». Située aux 32-34 boulevard André Netwiller, elle est un véritable pôle municipal du XXIe siècle dédié à l'enfance et à la jeunesse.
Avec ce déménagement, c'est le projet global de modernisation et d'optimisation des services destinés aux familles qui se met en œuvre : un projet dénommé « Envol » depuis ses débuts en novembre 2016.
Ce déménagement est aussi la concrétisation, pour les Archives municipales de Toulouse, d'un important travail de sensibilisation et d'accompagnement des directions.
Le service Collecte et Relations avec les services versants a ainsi apporté son aide dans l'évaluation des documents à détruire, à conserver ou à transférer vers le nouveau site de Borderouge.

Il a coordonné les opérations de transferts de documents aux Archives municipales, et a accompagné les projets de dématérialisation.
Au total, 299 mètres linéaires de documents ont été éliminés et 100 mètres linéaires transférés aux Archives municipales pour classement. Parmi ces archives, figurent des registres de déclaration d'ouverture d'écoles privées pour la période 1902-2007.

 

Archiviste sur le pont. Cliché de S. Renard, 2019. Ville de Toulouse, Archives municipales.

Être sur le pont


mai 2019

"Semper parati !"

Telle pourrait être la devise des archivistes, toujours sur le pont, ou plutôt sur le quai de versement, à guetter l'arrivage de nouveaux documents. Nés dans l'océan de l'administration communale, rares sont les dossiers qui réussissent à se frayer un chemin à travers les mailles des pêcheurs de données pour finir en boîtes dans la grande conserverie de l'histoire locale. Les meilleurs filets auront, de plus, l'illustre honneur d'être mis en ligne sur le site des Archives municipales de Toulouse, foi d'archiviste !

Livre I des Annales (1295-1532), chronique 133. Les portraits des capitouls des années 1438-1439 et l'entrée du dauphin Louis à Toulouse le 25 juin 1438. Ville de Toulouse, Archives municipales, BB273 feuillet 8 verso.

Se partager le ciel


avril 2019

Parmi les ciels possibles, nous avons choisi d'évoquer ici celui qui couvre les dais de procession de la ville.
Le dais ou pallium (ce qui donne poile-poêle..., bref toutes les graphies possibles dans les archives) est un élément indissociable des entrées royales dans les villes.
Plusieurs enluminures des Annales manuscrites des capitouls montrent ainsi ce dais dont les huit bâtons sont tenus par les capitouls, sous lequel parade le Roi ou le Dauphin. L'illustration ci-contre montre ce dernier, futur Louis XI, faisant son entrée en Toulouse sous un dais au ciel à rayures, le 25 juin 1438.
Notons que les capitouls refuseront les honneurs du dais à sa mère, la reine Marie d'Anjou, lorsqu'elle fit son entrée dans la ville en mars 1442. Mais, maligne, elle monta en croupe sur le cheval de son fils et bénéficia ainsi de l'agrément du dais, au nez et à la barbe des capitouls.

Si la Reine avait su qu'en 1606 on aller proposer le dais au connétable de Montmorency, gouverneur du Languedoc, elle en aurait été certainement piquée. D'ailleurs, celui-ci, grand seigneur, le refuse et le dais, vide d'occupant, est porté symboliquement devant lui jusqu'à l'église Saint-Étienne.
Ce qui va suivre est moins glorieux : une fois le cortège achevé, les pages et laquais du connétable se jettent sur le dais « l'enlesverent par force, sans en pouvoir conserver que la moytié » (BB277, chronique 279, p. 121). Cet assaut sur le dais, qui s'apparente au pillage d'une ville forcée, est pourtant caractéristique des entrées officielles. Les suivants du connétable escomptent ainsi revendre au plus offrant les riches dépouilles qui garnissent ce dais : les franges de soie cramoisie, la crépine d'or comme le drap garni du ciel (CC2586, pièces n°85-86).

Enfin, pour preuve que le ciel était accessible à tous (en revanche, de nos jours, on ne saurait trop dire), il suffit de quitter la rue où parade le roi et d'entrer dans l'intimité des maisons où trône un élément mobilier indispensable : le lit. Lui aussi couvert de son ciel.

Pour en découvrir les caractéristiques et usages, nous ne saurions trop vous recommander la lecture du dossier des Bas-Fonds « In bed with... », il ouvre vers d'autres cieux.

Placard diffamatoire contre le nommé Lougayrou (avant restauration), Ville de Toulouse, Archives municipales, FF 818 (en cours de classement), procédure du 3 juin 1774.

Faire du jeune avec du vieux


mars 2019
Placard diffamatoire contre le nommé Lougayrou (après restauration), Ville de Toulouse, Archives municipales, FF 818 (en cours de classement), procédure du 3 juin 1774.Parfois les documents d'archives ont besoin qu'on leur redonne un coup de « jeune ». Les mauvaises ou trop fréquentes manipulations sont la première cause de leur vieillissement précoce. Aussi, il faut intervenir dès que le document présente des déchirures, des plis ou des lacunes afin de le rendre accessible au public.
La restauration doit rester visible, réversible et compatible chimiquement avec le matériau ancien.
Pour le rajeunir, le restaurateur utilise donc des gommes, des papiers et des colles spécifiques.
Voici en image un exemple parlant. Cette ancienne affichette diffamatoire du XVIII e siècle, qui a servi de preuve lors d'un procès, a été intentionnellement pliée, et même froissée par ceux qui l'ont décollée du mur sur lequel elle avait été placardée.
Il a fallu la remettre à plat et restaurer les lacunes afin qu'elle retrouve une nouvelle « jeunesse ».
Moon walk d'archiviste. Mairie de Toulouse, non coté. Cliché de Stéphanie Renard, 2020.

De grâce, portez des gants ! Ou pas ...


février 2019

 

 

Il est de ces images d'Épinal, telle celle de l'archiviste aux mains gantées présentant à l'assistance d'antiques parchemins. D'aucuns ont d'ailleurs fait usage de gants de coton pour présenter cérémonieusement nos registres anciens aux médias...
Or, nous nous devons aujourd'hui de rétablir la vérité : non, les gants blancs ne protègent pas les documents. C'est tout le contraire ! Sauf à éviter les traces de doigts sur les tirages photographiques, les gants de coton accumulent la saleté et favorisent la sudation. De plus, porter des gants diminue le sens du toucher, ce qui accroît sensiblement le risque de déchirer les documents fragiles.
À bien y réfléchir, manipuler du papier à main nue ne doit pas plus que cela détériorer le papier, sinon il n'y aurait pas grand-chose à conserver dans les bibliothèques et les services d'archives !
Alors, avant de rentrer en salle de lecture, lavons-nous les mains, cela sera bien suffisant, et gardons les gants de coton pour les caméras de télévision !

 

 

Transmission de documents au comptoir de la salle de lecture des Archives municipales de Toulouse. Ville de Toulouse, Archives municipales, non coté. Cliché Stéphanie Renard, 2018.

Brève de comptoir


janvier 2019
Dans le milieu des archives, le comptoir matérialise une frontière entre deux mondes : celui des archivistes et celui des lecteurs. Les documents passent ainsi de main en main, roulant tranquillement des locaux feutrés de conservation vers la lumière vive de la salle de lecture. Pour les archives ainsi exposées, cette escapade en dehors des abysses de l'histoire ne durera hélas qu'un instant, le temps d'une brève de comptoir !