Il y a bientôt trente ans, j’entrais en salle de cours du Département Archives et Médiathèque de l’Université de Toulouse Le Mirail et constatais avec surprise que l’assemblée était à 99 % composée de femmes. M’apparaissait alors les membres d’un ordre archivistique, presque exclusivement féminin, au vocabulaire ésotérique émaillé de « versement », « récolement » et autre « diplomatique ». Je compris que la vocation de cette communauté était la préservation du Patrimoine qui portait bien son nom, tant il émanait principalement d’hommes. Ce statut de gardiennes du temple patriarcal ne pouvait que révolter les intéressées qui se mobilisèrent. Ainsi, de nombreux fonds d’archives féminines ont depuis intégré nos institutions ; une grande collecte sur cette thématique a d’ailleurs été organisée en 2018. Mais comme un combat n’est jamais gagné le n°162 d’Arcanes, se devait, en ce mois de mars, de rendre hommage à ces femmes.
« Être une femme libérée, tu sais, c’est pas si facile » aurait pu dire la photographe Germaine Chaumel (dont nous conservons les clichés depuis 2012), elle qui a toujours suivi ses passions. Divorcée à l’âge de 28 ans, elle se lance dans une carrière de chanteuse lyrique puis bifurque vers la photographie au mitan des années 1930. Etoile montante du photojournalisme local, participant à la fondation du Cercle photographique des XII, elle a laissé une marque indélébile sur la scène toulousaine.
Pour continuer sur la lancée des tubes des années 1980, on pourrait résumer le parcours de la nommée Varenne par « Je suis libre, je suis Catin ». C’est en effet le surnom que se donna Catherine-Elisabeth, femme de tête, qui vécut à la fin du 18e siècle et qui ne s’en laissait conter par personne. Les démêlés qu’elle eut avec la loi et qui figurent dans les procédures judiciaires des capitouls nous ont permis de la connaître.
Comme elle, nombreuses sont les féministes qui se sont mises hors la loi, et longtemps leurs archives sont restées hors les murs. A présent, nous conservons dans nos fonds pas moins de six ensembles provenant d’associations (MLF Toulouse, collectif Midi-Pyrénées pour les droits des femmes, Badgam Espace Lesbien) ou de personnalités (Monique-Lise Cohen, Irène Corradin, Marie-France Brive) illustrant ce mouvement politique et sociétal.
Archi-femmes ce pourrait-être aussi le nom de ces femmes architectes qui, au cours du 20e siècle, ont conçu nombre de bâtiments de notre ville : la Cité Bagatelle, l’Hôtel du département, le Théâtre Garonne, etc. Longtemps invisibilisées ou dans l’ombre d’un mari exerçant la même profession, les Marguerite Moinault, Marie-Louise Cordier ou Denise Scott-Brown sortent enfin de l’ombre.
De l’ombre à la lumière, c’était également le chemin promis aux prostituées qui intégraient, sous l’Ancien Régime, le couvent des Repenties situé rue des Couteliers. Hélas, il s’agissait simplement d’un transfert d’une prison vers une autre.
En revanche, c’est vers de nouveaux horizons, et surtout de nouvelles ressources en ligne, que nous vous invitons. Elles concernent toutes les femmes, productrices, donatrices, sujettes et actrices, de l’Ancien Régime à nos jours, et sont disponibles sur notre site.